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Nantes 3, Face à la Rumeur

Publié le 11 septembre 2009 par Didier T.
Nantes 3, Face à la Rumeur
Pour en finir avec l’image d’un maire tout puissant, dès la campagne électorale avait été rendu publique par voie de tracts l’organisation future de la municipalité ainsi que la répartition des postes et responsabilités en sept secteurs d’intervention si la gauche l‘emportait.
Le Maire était donc présenté comme un chef d’orchestre, entouré de sept maires adjoints, animateurs d’équipe dans lesquelles chaque élu avait un rôle spécifique à jouer et disposait d‘une sub-délégation. Toute la vie de la cité était ainsi couverte et il revenait au Maire d’assurer la cohérence des actions et de faire en sorte que les grands thèmes du programme municipal sur lequel la liste avait été élue, soient effectivement mis en chantier au cours des six ans de mandat.
De retour de Suède, le cabinet s’enrichit de l’arrivée de mon compère signataire de la motion historique : Jean Gilbert Marzin. Cadre à la Société Centrale d’Equipement du Territoire, filiale de la Caisse des Dépôts, il avait déjà travaillé pour Mitterrand dans la Nièvre et Dubout Grenoble, il apportait une contribution précieuse à la réflexion stratégique qu’il convenait de mener pour réveiller cette ville qui ressemblait, malgré des atouts non négligeables, à une belle endormie.
C’est au mois d’août à Sainte Anne, dans la campagne de Nozay au nord de Nantes que nous passions des nuits entières à essayer de mettre de l’ordre dans les multiples décisions à prendre dès la rentrée, tout en pêchant carpes et brochets dans l'étang de la propriété.
La campagne électorale s’était déroulée sur des thèmes précis : refus de construction de voies rapides pénétrant la ville jusqu’à son centre (projet de l’équipe sortante) au profit d‘un contournement autoroutier, modernisation des transports en commun et organisation d’outils intercommunaux pour leur mise en oeuvre.
Une étude fut confiée à Bernard Krief Consultants afin d’analyser auprès des décideurs économiques français et du grand public, l’image qu’ils avaient de la ville de Nantes, ses points forts et ses faiblesses.
La vie municipale étant rythmée par les élections tous les six ans, les premières années d’exercice d’une nouvelle équipe se traduisent généralement par une pause dans les investissements. Cette pause est due au fait que, soit les projets de l’équipe précédente ont été concrétisés avant les élections, soit ils ont été remis en cause et arrêtés par la nouvelle équipe.
De plus, la complexité des procédures administratives, le temps des études, les enquêtes publiques, font que, mécaniquement, la réalisation des projets portés par les nouveaux élus n’intervient que deux ou trois années plus tard, laissant l’impression aux électeurs que les nouveaux décideurs prennent leur temps et ne répondent pas aux urgences.
Conscient de ce handicap, Alain voulait pousser les feux et s’imposait un rythme de travail infernal. Dormant peu, il quittait son bureau après minuit et y revenait vers sept heures du matin.
Une nuit, le hasard voulut que ce soit le même taxi qui le chargea à la mairie vers une heure du matin et vint le rechercher chez lui vers six heures et demi.
Il s’en ouvrit à ses collègues parmi lesquels figuraient de nombreux supporteurs de l’ancienne équipe, qui avaient obtenu leurs licences de taxi grâce à elle…
La semaine suivante, un hebdomadaire du dimanche placardait d’innombrables affiches au titre racoleur : «  Les folles nuits d’Alain Chénard ».
A l’intérieur du journal, l’article ne faisait que rapporter les faits constatés par le taxi, mais pour nombre de Nantais n’achetant pas ce journal, la rumeur, instillée par une droite locale revancharde, se développa selon laquelle le nouveau maire menait une vie dissolue.
Une fois de plus la droite montrait son vrai visage car une rapide enquête nous prouva que ce déluge d‘affichettes avait fait l’objet de son attention particulière et que nombre de ces affiches avaient été collées par les militants de droite …
La précipitation avec laquelle la droite s’en prenait au nouveau maire ne devait rien au hasard. En effet, après mars 77 qui avait vu de nombreuses mairies importantes passer à gauche, se profilaient les élections législatives de 78 dont tout le monde pensait que l’opposition sortirait en vainqueur…
Chacun sait qu’il n’en fut rien, le PCF et Georges Marchais ne souhaitant pas prendre de responsabilité gouvernementale. Et pourtant, je garde de cette période le souvenir d’une lutte de tous les instants, où tous les coups étaient permis pour contrer les campagnes diffamatoires de la droite.
Sous la protection active des services de police mobilisés, les militants de droite couvraient la ville d’affichettes alimentant la rumeur d’un maire menant la grande vie et le présentant comme un ivrogne invétéré.
Partout, sur tous les murs de la ville on pouvait voir des inscriptions ou des affichettes  "Chénard, Pinard" ou "Chénard, Ricard" !
Face à une rumeur d’une telle ampleur, nous étions totalement piégés., A l’évidence, même un démenti, même une pétition stigmatisant l’attitude honteuse de la droite auraient alimenté cette rumeur.
Celle-ci avait été brutale, coordonnée, massive et organisée sous la protection des services de police qui quadrillaient la ville pour protéger les colleurs d’affiches, ce qui nous interdisait d’en attraper un et de le poursuivre en justice.
Autour du Maire, j’organisais une réunion de crise où toutes les options qui s’offraient à nous furent examinées. La conclusion en fut que seule une autre rumeur pourrait éventuellement tuer la première.
Nos nombreux militants étaient prêts à faire le coup de poing et leur rage d’être ainsi malmenés de façon aussi odieuse était garante d’une implication personnelle renforcée.
Je pris contact avec le responsable de la campagne du candidat RPR qui me reçut, le sourire aux lèvres, à Chantenay. Il pensait que je venais lui proposer le respect d’un code de bonne conduite et était prêt à y accéder puisque, pour lui, le mal était déjà fait.
Sa surprise fut grande quand je lui expliquais que face à la campagne abjecte dont nous étions les victimes, nous n’avions pas d’autre moyen que d’autoriser nos militants à répandre à leur tour la nouvelle selon laquelle le candidat RPR aimait tellement les petits garçons… qu’on le voyait souvent au sortir des écoles.. Et pour appuyer mon propos, j’affirmais disposer d’une photo ambiguë de ce dernier, photo dont de multiples copies seraient bruyamment exhibées dans tous les bars et cafés de Nantes par une cinquantaine de militants disponibles 24 heures sur 24.
Ma menace donnait 48 heures à ce dernier pour que la totalité des affichettes et inscriptions répandues sur la ville aient disparues.
Nous n’avions , bien entendu, pas l’intention de mettre cette menace à exécution mais j’avais tenu à lui faire comprendre que, bien que cette façon de faire me répugnait au plus haut point, j’y serais contraint.
Quarante huit heures plus tard, toutes les affichettes et inscriptions à la peinture avaient mystérieusement été occultées..Publié par les diablotintines - Une Fille - Mika - Zal - uusulu

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LES COMMENTAIRES (1)

Par Jean Gil Marzin
posté le 27 février à 13:53
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Le texte de Didier T Nantes 3 Face à la rumeur est tout à fait pertinent. Jean Gil Marzin,Prefet honoraire. Acteur de cette victoire de la gauche à Nantes en 1977 et fier de l'avoir vecue auprès d'Alain Chenard.

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