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Prison.....

Publié le 12 septembre 2009 par Araucaria
Nous allons rester en prison avec Philippe Claudel, le temps de quelques extraits de son récit "Le bruit des trousseaux". J'appécie beaucoup la plume de cet auteur, et plus encore je crois son immense pudeur et sa grande humanité. J'avais déjà relevé ces qualités dans ses romans "Les âmes grises", "Le café de l'Excelsior", "La petite fille de Monsieur Linh", et aussi dans son superbe film "Il y a longtemps que je t'aime", je les retrouve avec encore une plus grande acuité dans ce témoignage racontant son expérience d'enseignant dans l'univers carcéral.
Je ne vais pas illustrer ces notes, parce que ma connexion est déficiente et aussi parce que nous pouvons faire un effort d'imagination. Les nouvelles prisons ont été construites dans la périphérie des villes, il faut vraiment vouloir si rendre... Les prisons ou maisons d'arrêt, qui étaient encore utilisées il y a quelques années, étaient en centre ville, vétustes car très vieilles, souvent comme le fait remarquer Phlippe Claudel d'anciens couvents reconvertis... cellules des moines ou des nonnes... cellules des condamnés... Ainsi dans certaines villes je suis passée parfois sur le trottoir de la prison, Gap, Avignon, Bastia (Sainte-Claire, un ancien couvent précisément où avaient été incarcérés et torturés des Résistants pendant la guerre)... Je me souviens aussi de certaines hérésies, d'un manque total de respect du patrimoine de la part  de gouvernants... le chateau de Saumur en restauration, dont l'architecture avait été modifiée, saccagée même parce que Napoléon avait transformé cet édifice en prison... En passant à côté de ces prisons situées en centre ville, nous pouvions entendre les bruits internes... pas celui des trousseaux, mais des voix, nous pouvions être interpelés parfois, ou assister à des dialogues entre tel détenu et sa famille. Etrange atmosphère qui contribuait à nous faire apprécier d'être du bon côté!
Philippe Claudel introduit ainsi son récit :
Prison : logis où l'on enferme ceux qu'on veut détenir. Dictionnaire d'Emile Littré.
"Sur le trottoir, la première fois où je suis sorti de la prison, je n'ai pas pu marcher immédiatement. Je suis resté là, quelques minutes, immobile. Je me disais que, si je le voulais, je pouvais aller à gauche, ou bien à droite, ou encore tout droit, et que personne n'y trouverait rien à redire. Je me disais aussi que, si je le voulais, je pouvais aller boire une bière, un "Ricard", ou encore un cappuccino dans n'importe quel bistro, ou bien rentrer chez moi et prendre une douche, deux douches, trois douches, autant de douches qu'il me plairait. J'ai compris à ce moment que j'avais vécu jusqu'alors dans la jouissance d'une liberté dont j'ignorais l'étendue et les plus communes applications, voire l'exacte et quotidienne dimension.
(...)
La prison avait une odeur, faite de sueurs mijotées, d'haleines de centaines d'hommes, serrés les uns contre les autres, qui n'avaient le droit de se doucher qu'une ou deux fois par semaine. Relents de cuisine aussi, où l'ail, le lard frit et le chou dominaient. Cuisine froide qui venait jusqu'aux cellules sur des chariots d'aluminium poussés par des détenus qu'on surnommait les "gamelles".
(...)
La prison était un ancien monastère. Durant la guerre, il avait servi à interner les Juifs de la ville avant leur déportation. Une plaque sur un mur extérieur rappelait l'événement et leur rendait hommage. Maintenant, il servait à enfermer entre trois cents et cinq cents personnes, selon les moments et les "arrivages", comme disaient certains. C'était en définitive un lieu qui avait toujours servi."
Philippe Claudel - Le bruit des trousseaux - Le livre de poche n° 3 104 -

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