Humeurs/Rats

Publié le 17 septembre 2009 par Dunia

Étapes

Auditrice libre à la cheville faible

Ce matin. Orthopédiste. Mal. Je ne veux pas qu’on m’opère la cheville. Peur qu’on m’esquinte davantage. Ma blessure est rare. Me méfie de la médecine. De la chirurgie. Si après c’était pire? Si le chirurgien m’esquintait à vie? Je n’ai pas de voiture. Besoin de mes pieds. De mes chevilles. De mes jambes. Absolument. L’ortho m’envoie chez le physio -kiné-. Rendez-vous dans six mois. Je verrai d’ici là. Si je souffre l’hiver prochain, comme j’ai souffert l’hiver passé ou celui d’avant, je franchirai peut-être le pas. Peut-être.

Cet après-midi, je descends à Neuchâtel. A l’université. Décidé de prendre un cours d’ethnologie en tant qu’auditrice libre. Introduction à la psychologie culturelle. J’ai toujours rêvé de pénétrer dans ce grand bâtiment. Ai toujours ressenti comme une injustice que le système m’ait refusé l’accès aux études. Il est temps de me regarder en face. De me confronter à la réalité. Peut-être vais-je découvrir que je n’étais absolument pas apte à étudier. En revanche, si ça me plaît, ce sera toujours ça d’acquis. Pas grave que je n’obtienne pas de diplôme. Mon père disait -dit toujours- el saber no ocupa lugar. Le savoir ne prend pas de place. J’ai acheté un grand cahier. A l’uni les étudiants préfèrent les feuilles volantes. Je crois. J’ai choisi le cahier d’écolière pour être sûre de ne pas égarer les feuilles. Pour les savoir toujours dans l’ordre des cours. Suis un peu angoissée.

Ma Rat-Vie périclite. J’ignore pourquoi. Les antibiotiques ne la soulagent pas. Pourtant elle est jeune. Dix-sept mois. Ça me fend l’âme de voir ma dominante, ma peste, mon entêtée, mon tourbillon, ma libertaire, mon indépendante, ma coquine, ma vilaine fille dans un tel état de faiblesse. Après la mort de Castille et Petit-Plus, très affaiblie pulmonairement, j’ai été obligé de l’introduire dans un nouveau groupe. Elle qui dictait sa loi depuis qu’elle avait rejoint mes rates à l’âge de deux mois, elle se fait actuellement houspiller, bousculer, par toutes les petites vieilles que j’ai sauvé il y a quelques semaines. Malgré cela, elle aime être avec elles. Cette nuit, je l’ai laissée sur le canapé avec de l’eau et de la nourriture. Ce matin elle dormait aux pieds de la cage. Je l’ai ré-introduite avec ses tortionnaires. Elle s’est précipitée pour dormir dans la maisonnette avec elles. Je ne pensais pas que la maladie, que la pensée de la mort prochaine de Rat-Vie, une rate qui m’a souvent irritée avec ses coups de gueule, ses envies de liberté ainsi que sa despotique et violente manière de soumettre mes autres chéries,  m’envahirait de tant de peine. Quant un humain dominant perd sa place, suivant le poste qu’il occupait dans la société humaine, j’éprouve une joie immense lorsqu’il rejoint le bas de l’échelle et ses humiliations. Quand il s’agit d’animaux, cela m’attriste toujours de voir les dominants se faire coucher, harceler, poursuivre pas leurs anciens subalternes.

Parmi les humains, je me comporte comme un rat. Parmi les humains, nous sommes tous des rats.

La faculté de sciences humaines de Neuchâtel.

Cette faculté, donne sur un plage et une promenade au bord du lac. Classe non? Ces photos ont été prises début juillet 2009.