Nantes 8, Fin de parcours

Publié le 19 septembre 2009 par Didier T.

Je promis donc à Sniffant de revenir la voir prochainement puisque dans l’accord de jumelage, une exposition sur la ville de Nantes était prévue à Seattle pour l’année suivante.
Le lendemain, après que François Kiffer, un français expatrié, m’ait fait monter au sommet du Space Needle, souvenir de l’exposition universelle, je reprenais l’avion pour une partie plus personnelle de ce déplacement et, survolant la côte du Pacific, redescendait vers San Franscisco. En fait j’avais mélangé avantageusement deux activités. Deux rendez-vous chez des industriels, Mosanto et Intel à San José, et mon pèlerinage dans cette ville de SF qui me faisait toujours rêver.
Avant de quitter tout à fait ce brave François, juste un mot sur lui. D’origine alsacienne, il s’était marié à une américaine et l’avait suivie à Seattle. C’était une artiste très connue qui donnait des récital d’orgue et nourrissait une passion pour la harpe. Lui s’était investi dans la restauration et possédait des établissements aussi comme la Brasserie Pitsburg, ou le Pavillon où il fallait réserver son repas plusieurs jours à l’avance si on voulait en déguster la carte. Il possédait un autre établissement tout aussi renommé à Los Angeles. Ce personnage était devenu plus américain qu’un américain de souche, propriétaire d’une vaste demeure sur les bords du lac Washington, quand Boeing avait licencié plusieurs milliers de personnes quelques années plus tôt, il avait racheté à bas prix quasiment tout le quartier où il demeurait, étant certain que la compagnie ne traversait qu’une mauvaise passe et se mettrait à réembaucher rapidement. Ses prévisions s’avérèrent exactes et il revendit le tout avec profit.
Alors que ses restaurants en avaient fait un homme très célèbre, il s’engagea dans une association qui militait contre la surexploitation de ces énormes crabes du Pacifique qui étaient pêchés par des bateaux japonais.
Plus que la surexploitation, je crois que c’est surtout le pavillon japonais qui le hérissait. C’est pourquoi, au sommet de sa gloire locale, il vendit tous ses restaurants et créa une grosse compagnie de pêche aux crabes sous drapeau américain… Comme au poker ou au casino, à l’âge de 50 ans, il avait tout remis en question et s’était lancé dans un nouveau métier où il fit de nouveau fortune. Il y a des gens comme ça qui savent forcer leur destin !
Fidèle en amitié, il m’envoyait tout les mois par express un gros et lourd colis où je retrouvais avec bonheur un saumon du Pacifique, préparé à l’indienne, c’est-à-dire mi fumé, mi cru, du genre de chair que l’on peut manger à la petite cuillère. Un vrai délice.
Retour vers SF. Bientôt, les deux piles du Golden Gates surgirent de la brume matinale, nous allions nous poser dans quelques minutes. J’avais prévu d’y rester trois jours avant de rentrer en France et réservé une chambre au Hyatt de Union Square en plein centre ville.
Une fois mes bagages posés à l’hôtel, je m’adonnais à un rituel devenu immuable : Je traversais le Golden Gate Bridge en voiture vers le nord, me garais sur le parking à la sortie du pont devant cet énorme tronc de séquoia et retraversais pédibus jambus la totalité du pont par la voie piétonne. Aller et retour, la ballade faisait bien ses cinq kilomètres. Juste assez pour se dégourdir les jambes en admirant la ville, la baie et l’ île d’Alcatraz. J’y revivais inconsciemment mes rêveries d’enfance devant cette photo couleur de mon livre de géographie et me disais que la promesse que je m’étais faite alors de le traverser à pied chaque fois que j’irai à SF méritait d’être respectée par l’adulte que j’étais devenu.
Comment ais-je terminé cet après-midi sur une plage toute proche mais peu fréquentée, armé d’une poêle à frire à promener sur le sable pour y découvrir du métal et accompagné d’une bien jolie américaine ?
Je ne saurais m’en souvenir, toujours est-il que cette fin d’après midi me fit froid dans le dos quand le lendemain matin, je découvris à la lecture du SF Chronicle que, sur cette même plage la veille, en début de soirée, un tireur fou avait fait un carton sur une personne qui s’y promenait….
Décidemment, SF était la plus européenne des cités américaines, mais c’était toujours l’Amérique !
De retour de San José au sud de la baie, je décidais de faire le grand tour de celle-ci et entamais le périple, SF, Sausalito et ses beatniks, Saint Quentin et sa nouvelle prison fédérale, Oakland et sa célèbre Berkley University où je découvris dans le clocher de la chapelle du campus que le jeu de cloches venait tout droit de Lunéville. Ainsi, un petit bout de France rythmait les travaux d’une des plus célèbres universités du monde.
Revenu à mon hôtel, c’est avec délices que je me dirigeais vers le Beauty- Center de l’hôtel et me laissais manipuler par une petite masseuse japonaise experte que j’essayais vainement d‘inviter à dîner.
Son refus poli me fit ressentir combien il était inhumain de voyager seul. Personne avec qui partager ses coups de cœur, personne avec qui parler de tout et de rien. A quoi bon emmagasiner des souvenirs si on ne peut les partager avec personne ?
Cette ville que j’aime tant me paraissait soudain lointaine, inaccessible, une maîtresse peu fidèle.
En avais-je trop rêvé, étais-je devenu plus exigeant ?
Soudain, je ressentais l’inconfort de cette solitude et partis tenter de rencontrer l’âme sœur dans les rues proches de China Town. Mais arpentant Grant Street, je n’y trouvais que des canards laqués suspendus aux vitrines des magasins et restaurants parmi les boules de papier rouge et or. Ni chinoise accorte, ni touriste dépaysée…je n’allais quand même pas aller à Castro , le quartier gay !
Finalement, je passais le reste de la soirée à déambuler dans Telegraph Hill et à rêver devant Coit Tower en dégustant une pizza chez Tino tout près des aventures de ce quartier racontées plus tard en cinq volumes par Armistead Maupin dans « Chronique de San Francisco ».
C’est donc heureux de retrouver "home, sweet home" que je repris l’avion pour Paris. Publié par les diablotintines - Une Fille - Mika - Zal - uusulu