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Sur La barque silencieuse

Publié le 19 septembre 2009 par Jlk

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Lectures de Pascal Quignard (1)
Dans la magistrale lecture d’un monde que constitue son essai biographique sur Walter Benjamin, Une vie à travers les livres, Bruno Tackels situe deux auteurs dans la postérité privilégiée de WB, pour lesquels le Temps, la Mort et la Mélancolie font figure d’instances fondatrices, à savoir W.G. Sebald le romantique et Pascal Quignard le baroque.
Bien entendu, taxer Sebald de romantique et Quignard de baroque est par trop restrictif, mais disons que cela rend le ton dominant de leur oeuvre respective : crépusculaire pour le veilleur de toutes les destructions que fut l’auteur trop tôt disparu d’Austerlitz, et comme entée sur la luxure et la mort pour le poète-essayiste de La barque silencieuse et de plus de quarante autres ouvrages en archipel.
Ceci dit, la traversée du Temps opérée par Pascal Quignard est aujourd’hui tout à fait unique, comme sa façon de trouvère de trouver ses phrase ou de grappiller ses mots dont il sonde les origines et module les développements, du cercueil à l’utérus et retour…
Pour rendre le son et le sens de La barque silencieuse, de loin le meilleur et le plus beau livre paru en France cette fin d’été 2009, il ne serait que de pratiquer la méthode de WB consistant à citer et à citer et à citer encore en liant entre elles citations et citations.
Je cite donc illico le début du chapitre premier où il est question de l’origine du mot corbillard, découlé de l’usage des coches d’eau porteurs de nourrissons menés de leurs nourrices à leurs mères de Corbeil et Paris entre la fin du XVIe et la fin du XVIIe où Furetière fixa le nom dans le marbre du papier : « J’aurai passé me vie à chercher des mots qui me faisaient défaut. Qu’est-ce qu’un littéraire ? Celui pour qui les mots défaillent, bondissent, fuient, perdent sens. Ils tremblent toujours un peu sous la forme étrange qu’ils finissent pourtant par habiter. Ils ne disent ni ne cachent : ils font signes sans repos ».
Or tout fait signe dans la lecture du monde, du Temps, de la Mélancolie et de la Mort que constitue ce sixième tome du Dernier Royaume de Pascal Quignard, dont le premier (Les Ombres errantes, accessoirement gratifié du Prix Goncourt, faisant surtout honneur à l’Académie éponyme) parut il y a sept ans déjà. Sept ans que le crâne décharné et peint en noir de La Valliote, qui fut la femme la plus belle du monde baroque, posé sur le secrétaire du Temps enfui par l’abbé d’Armentières, attendait d’apparaître sur le papier liquide où la barque silencieuse ne dort que d’un œil.
Ces propos décousus marquent le début d’une traversée de l’œuvre intégral du plus grand écrivain français, à mon goût, encore en vie et à l'exercice ce dimanche matin à 12h.13. Chaque livre de PQ fera l'objet de 7 notes, assorties de 7 citations.

De La barque silencieuse (1)

"Quel qu'il soit, quel que soit le siècle, quelle que soit la nation, tout enfant est d'abord un inconnu. Tout destin humain est: l'inconnu de la mise au monde confié à l'inconnu de la mort."

"Une bêche, un sécateur, une hache pour le petit bois, deux bottes en caoutchouc pour la terre spongieuse, un parapluie jaune pour le ciel, un crayon à papier et le dos des enveloppes - la vie solitaire ne coûte pas extrêmement cher quand on la rapporte aux sept bonheurs qui l'accompagnent".

"Naufragés sont les hommes, venus d'un autre monde, ayant déjà vécu, abordant une rive".

"On appelle diable de poussière une petite tornade minuscule, haute comme deux ou trois hommes superposés, qui soulève la poussière ou la paille des champs au mois d'août".


Pascal Quignard, La barque silencieuse. Seuil, 237p.


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