Quelles stratégies les marques de luxe doivent-elles adopter face à ces changement profonds des comportements des consommateurs japonais (voir mon post du 13 septembre dernier)?
Le rapport McKinsey propose un certain nombre de pistes, sans grande originalité, que les marques de luxe ont toutes déjà, peu ou prou, mises en œuvre: réduire les couts, conforter le capital de marque, multiplier les canaux de distribution (internet, mobile, shop-in-shop, ventes privées..), sur-investir en CRM...
Je suggère de reprendre le problème à la base, de partir des consommateurs de produits de luxe et d'en déduire quelques conséquences pour les marques de luxe.
- Il n'y a plus un consommateur unique. Il n'y a plus non plus un simple découpage entre "clients fidèles" et "clients occasionnels" - schéma implicite des stratégies marketing des marques de luxe. Il y a toute une typologie des consommateurs du luxe: chaque "type" a un profil "psychologique" différent (trendsetters / bandwagon / connaisseurs / ...), des attentes précises en matière de produits (des best-sellers / des produits uniques / des produits fashion / des produits d'entrée de gamme...) et attend un relationnel spécifique avec la marque.
Les marques doivent donc construire leur propre typologie clients et développer de véritables stratégies marketing sur chaque segment. Pour cela elle vont devoir avant tout renforcer leurs équipes marketing (centrales ET locales): n'oublions pas que le "marketing" est encore, chez certaines marques, une fonction sans noblesse... - Les prix des produits de luxe ont atteint des niveaux exorbitants, que plus rien ne justifie aux yeux des consommateurs. Les consommateurs japonais, comme les consommateurs occidentaux, sont informés et exigeants: ils sont prêts à payer si la valeur (matérielle, symbolique, culturelle..) du produit est à la hauteur du prix. Sinon ils vont acheter des marques moins chères.
Les marques vont devoir réviser complètement leurs stratégies prix. Commencer par ne plus avoir des prix supérieurs de 40 à 70% (voire plus) au Japon. Donner du sens à leur marque et reconstruire leurs fondamentaux (par exemple vraiment travailler la qualité et la place du savoir-faire..): à cet égard Louis Vuitton reste un modèle (voir mon post du 8 août dernier). - La rareté est un des fondamentaux du luxe: si une marque de luxe est perçue comme présente "partout", elle perd de la valeur aux yeux des consommateurs. Comment alors concilier le nécessaire développement (sur des marchés matures) et cette nécessité de la rareté?
Il y a trop de boutiques au Japon: les chiffres que je donnais la semaine dernière montrent que la plupart des grandes marques de luxe ont deux fois plus de points de vente au Japon qu'aux USA - pour des marchés équivalents. Sauf Vuitton: ils avaient fin 2008 56 boutiques et shop-in-shops au Japon contre 101 aux USA. Certaines marques vont devoir repenser leurs stratégies retail: envisager soit de fermer des boutiques, soit de réserver certaines à certains types de consommateurs ou à certains types de produits. En autre sorte recréer de la rareté.
A l'évidence ceci ne concerne pas que le Japon. Tous les marchés matures du luxe sont logés à la même enseigne et les conséquences pour les marques que je détaille ici valent bien au delà du seul Japon. Elles vont devoir mener des stratégies marketing beaucoup plus sophistiquées, dépasser le "one size fits all" qui implicitement structure encore souvent leur approche des marchés.. et ne pas tomber dans la pensée magique actuelle "La Chine notre futur Eldorado".. parce que le marché chinois va murir beaucoup plus vite que les marques de luxe ne le pensent...