L'homme qui change

Publié le 22 septembre 2009 par Thywanek
C’est un homme. Il pourrait, au sujet de ce changement dont je veux parler, être question d’une femme. Il est surtout question de changement. De changer. De savoir le faire. De se dire, au regard du monde, là, de toutes ses complexités qui se précipitent devant nous, dramatiques, tragiques, mais aussi, d’une certaine manière, heureuses, et même prometteuses, que rien ne serait plus mortifère que de demeurer immobile.
Bien sûr on peut se contenter de bouger. De se déplacer. De tromper l’immobilisme en modifiant le décor.
Changer : abandonner tout ce qu’on a été et ne plus être que ce qu’on veut devenir ? Garder le meilleur de ce qu’on a traversé et s’augmenter de différences, de réflexions, de telle sorte qu’on progresse ?
Cet homme là, je le considérais d’un regard lointain. M’eut-il connu, il m’aurait regardé aussi avec ce même regard, trop éloigné pour que nous puissions faire l’économie de quelques convenances qui nous arrêtent à ce que l’un avait raison et l’autre tort.
Et puis cet homme, public, politique, a, au gré de ces dix dernières années, exposé, publiquement donc, qu’il ambitionnait de devenir le premier d’entre nous dans notre pays. Montesquieu écrivait : « Un homme n'est pas malheureux parce qu'il a de l'ambition, mais parce qu'il en est dévoré » Pour ne pas être dévoré par son ambition, cet homme la nourrit. Il la nourrit d’une matière dont je me suis aperçu, dont je m’aperçois, que si elle n’est pas exactement celle dont je nourris moi-même mes aspirations, bien plus modestes que les siennes, nos sources d’alimentation n’en sont pas moins proches, voire très proches quelquefois. Ce n’est pas sur le détail de ces contenus que je veux m’attarder ici. Mais bien plutôt sur la capacité qui est celle de chacune et de chacun à suivre un semblable mouvement qui fait sortir l’être de ses certitudes et l’aide à se reconquérir. Dans le but, à terme, de mieux trouver les moyens de satisfaire son ambition ? Oui, peut-être. Et alors ? Faut-il pour cela un brevet de légitimité ? Si jamais c’était le cas, ce diplôme, au trophée probablement superflu, s’étale aujourd’hui à la vue de tout le monde au travers de ce qu’a su entraîner derrière lui cet homme changeant. C’est à dire en train de changer. Comme j’ai changé. Comme depuis que je pense, peut-être ainsi qu’il le fait, quelque soit la manière qu’il a de l’exprimer, qu’on ne peut concevoir de bâtir un monde contre un autre. Que le mode de la confrontation ne peut se fonder qu’au mieux sur des malentendus, au pire sur des ignorances plus ou moins délibérées, et leur exploitation toujours jonchées de déception. Ou pire.
C’est difficile de changer. C’est un combat contre soi. Et presque toujours aussi contre d’autres qui préféraient, quelle qu’ait pu être leur façon de nous envisager, nous conserver tels que nous étions. Il est tellement plus rassurant de se tenir ensemble dans les mêmes frontières. Dans les mêmes limites. En échangeant de lénifiantes tirades sur les convictions qu’on a de ne pas chercher raison ailleurs.
J’imagine que nous sommes nombreuses et nombreux dans ce cas : nous n’avons pas nécessairement changé parce que cet homme a changé. Mais nous sommes ce nombre, et il en fait parti, dans son rôle, que l’époque, les circonstances, les évènements, les perspectives, ont irrésistiblement pousser au dehors des jardinets, au dehors des enclos, relatifs sans doute, pour penser autre chose, autrement. La société que nous formons. Le monde qui s’impose à nous. Les rapports entre chacune et chacun. Et l’immense fresque des sujets dont il est si compliqué d’appréhender à quel point chacun est une partie d’un ensemble qui se cherche encore. Et toujours.
« Ceux qui pensent que rien ne change ont soit une mauvaise vue soit une mauvaise foi : l’une se corrige, l’autre se combat. », disait Nietzsche.
C’est une philosophie le changement. Une utilité. Un cheminement. Un mode pour rendre les choses supportables. Une pratique pour expérimenter de meilleures solutions. Un état d’être. Un vecteur d’aspirations nouvelles. Une relation à ce qu’on a réussi, et à ce qu’on a pas réussi. C’est une dimension humaine. C’est une preuve d’humanité.
Je suis tenté de dire, et donc je cède à la tentation, qu’il est absolument naturel que ce soit en conséquence sur l’humanisme que cet homme, changé, veuille nous proposer de fonder nos réflexions, nos pensées, nos idées.
C’est un peu grand l’humanisme. C’est vaste. C’est sans limites si on le veut, et on peut s’y perdre. Concrètement il est rappelé que l’humanisme fait référence à un courant de pensée occidental du XVIème siècle postulant le placement de l’être humain au centre des préoccupations de la société. Pour ce faire ce courant retournait puiser dans les cultures grecques et latines dont l’enseignement consistait à « faire ses humanités » : sachant que ce courant de pensée insistait particulièrement sur les moyens de la culture afin de développer cet humanisme.
Aujourd’hui il semble nécessaire autant de s’inspirer de cette démarche intellectuelle que de s’interroger quant à élaborer une politique, une pratique politique, dans l’enceinte démocratique, qui ait pour socle l’humanisme. La difficulté n’étant pas de mesurer l’immesurable, mais plus probablement de circonscrire la démarche afin que ce merveilleux vocable ne vienne pas à se diluer dans l’irréalisme d’un projet incompréhensible pour nos concitoyens et nos concitoyennes.
Parce que c’est risqué le changement en politique. Combien de fois un programme électoral, durant ces dernières décennies, n’en a pas manifesté plus ou moins honnêtement les intentions ? S’il faut manifester à présent d’autres intentions, réelles, si réelles qu’elles sont tout simplement indispensables et vitales, le changement s’appuiera sur la capacité à traduire en mots, en paroles, selon sans doute une nouvelle grammaire, le corps de ce qu’il est. Serons-nous assez nombreuses et nombreux à défendre ce vocabulaire ? A l’inventer et à l’articuler ?
Serons-nous trop nombreuses et nombreux à croire que sa réduction en langage politique de marketing suffira à nous donner raison ? Et quelle raison alors ?
Parce qu’en changeant, moi-même, je n’ai pas quitté un déguisement pour me saisir d’un autre.