J’ai découvert, il y a deux semaines, un ouvrage passionnant, publié initialement en 1987 et réédité en 2002, qui m’avait échappé jusqu’à ce jour, alors qu’il constitue une véritable mine d’informations sur les comportements humains.
Fruit du travail de deux sociologues, Robert-Vincent Joule et Jean-Léon Beauvois, il s’intitule « Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens ».
Dans ce livre, les deux scientifiques étudient, dissèquent et déconstruisent les processus de manipulation que l’on peut rencontrer dans les contextes les plus divers.
Vous étiez parti pour acheter un pull noir et vous vous retrouvez, presque malgré vous, avec deux pulls verts (mais il s’agissait d’une super affaire) ; votre voisin vient vous emprunter, pour la dixième fois cette année, votre échelle et vous ne pouvez lui dire non ; vous avez accepté un petit cadeau d’une connaissance et vous vous sentez obligé de lui rendre en échange un service qui vous coûtera énormément de temps…
Les exemples sont légion, de ces situations plus ou moins embarrassantes où l’on sent bien que nous avons été quelque peu abusé.
Parfois, cela va beaucoup plus loin : escroqueries, embrigadement dans des sectes ou des partis politiques…
La psychologie de l’être humain obéit en effet à certains processus immuables, qui, lorsqu’on les maîtrise, permet d’obtenir de ses semblables beaucoup plus qu’on ne l’imagine (en tout cas bien davantage que par une demande directe et franche).
Bien entendu, la plupart d’entre nous sommes, plus ou moins, des Monsieur Jourdain de la manipulation : nous la pratiquons au quotidien sans même nous en rendre compte (et avec plus ou moins de succès).
Mais ce livre a pour principal mérite de décortiquer le phénomène, de l’expliciter et de montrer à quel point certains mots ou certains gestes apparemment anodins jouent en réalité un rôle clef dans l’influence des individus vers un comportement donné.
Petit extrait choisi :
« Nous sommes dans les faubourgs de Toronto, au début des années 70. Une jeune femme fait du porte-à-porte.
Elle travaille pour une association luttant contre le cancer.
Elle demande aux personnes qui ont bien voulu lui ouvrir de porter le lendemain, épinglé au revers d’un vêtement, une petite jonquille en plastique (comportement préparatoire) afin de faire un peu de publicité à la collecte de fonds qui doit être organisée.
Tout le monde accepte.
Le jour suivant, une autre femme les sollicite chez elles dans le cadre de cette collecte : 74,1% d’entre elles firent un don. Montant moyen : 0,98 dollar.
Comparons ces résultats à ceux obtenus dans une condition contrôle, dans laquelle seule est intervenue la deuxième femme, et par conséquent dans laquelle les habitants du quartier n’ont pas été préalablement invités à porter une jonquille.
Dans cette condition, 45,7% seulement des personnes sollicitées acceptèrent de faire un don. Montant moyen : 0,58 dollar. »
Que vous cherchiez à vous prémunir de la manipulation, à devenir meilleur manipulateur vous-même, ou tout simplement à comprendre comment certaines personnes peuvent parfois prendre des décisions absurdes et contre productives, ce livre est fait pour vous.