Brume orangée

Publié le 29 septembre 2009 par Cassandre
Cassette n°8 : autobiographie Cassie Magnus. Mercredi 30 septembre 2009. Je suis actuellement en voiture, une journée comme une autre, et comme d'habitude je raconte ma vie à un dictaphone avant de passer à la phase écriture. Qu'est-ce que je pourrais bien raconter ? J'ai déjà fait l'enfance, j'en suis à l'adolescence... hum... Voyons, c'était pas la meilleure partie ma vie, mais je ne peux pas la zapper non plus, ça va faire un vide dans ma super autobiographie. J'espère que je vais pouvoir la vendre et ensuite pouvoir vivre de l'écriture... bon, bon, tout ça ne fait que remplir la mémoire de mon dictaphone avec des mots vides de sens et inexploitables pour mon livre, un peu de concentration...
"Tuuuuuuuuuut"
Oups, oui, faire attention aussi à la route, ce serait une bonne idée. Oui ! Je sais !
C'était un jour de lycée ordinaire, je me souviens qu'il faisait beau et que j'avais cours de comptabilité / gestion. J'étais en première, je crois... oui, première. C'était la fin d'après-midi et je n'avais qu'une envie, rentrer chez moi, j'en avais assez d'entendre parler de comptes de la classe 6 pour les charges, 7 pour les ventes et j'en passe. J'avais envie d'aller me promener en scooter, d'aller en bord de mer admirer le couché de soleil.
Enfin, la sonnerie libératoire retentit. Les affaires furent pliée en moins de temps qu'il ne faut pour le dire... je devrais peut être écrire "moins de temps qu'il ne faut pour l'écrire"... ça devrait faire bien là... bon... continuons, donc et je dévalais ainsi les escaliers pour rejoindre la sortie secondaire, celle située juste en face de l'allée en impasse où j'avais garé mon deux roues... mais... qu'est-ce que c'est que ce bordel ?
C'est quoi cette brume orangée ?? C'est trop bizarre... on dirait un nuage chimique, c'est rigolo... tiens on voit toujours le soleil mais seulement un rond de lumière... et tout est... orange.
Vraiment étrange ! Ça va faire marrer ma collègue quand j'arriverais au bureau ! Je pourrais peut être mettre cette anecdote quelque part dans mon livre ? Oui, ça peut être sympa.
Mais en attendant, c'est quand même flippant, sur l'autoroute obligée de rouler à 50 à l'heure tellement j'y voit rien, alors qu'en même temps il fait clair... c'est vraiment pas banal...
Raaaaahh et maintenant les insectes viennent s'écraser en masse sur mon pare-brise. Flûte heu !!! j'ai laver ma caisse hier ! C'est pas juste !
Mais c'est qu'ils sont de plus en plus gros, c'est la taille d'un oiseau et ça bave tellement que mes essuies-glace sont pratiquement inutilisable... celle là est vraiment pas mal, je n'ai jamais roulé aussi doucement.. c'est vrai quoi, maintenant, je suis à 10 à l'heure. Je ne serais jamais à l'heure. Tant pis, je téléphone en conduisant, après tout, déjà que je "parle" toute seule, ce ne sera pas forcément pire.
Bon voyons où j'ai foutu mon sac.
"scrat, clatttt, glatt, scrriiitt..."
 
Ah ça y est, je l'ai. Mince, aucun signal ! C'est pas vrai, je vais me faire tuer. C'est quand même pas la brume qui fait ça ?... et j'ai bien payé ma facture pour une fois... donc.. non, ils n'ont pas pu me couper la ligne. Il faudra que je pense à téléphoner au service clientèle entre midi et deux pour me plaindre.
Mais... On dirait qu'on est carrément à l'arrêt maintenant ?! C'est franchement bien ma veine, pas de réseau et un embouteillage ! Sûrement un imbécile qui aura voulu aller plus vite que les autres et qui aura percuté un autre véhicule... conducteurs du dimanche ! Je ne serais même pas surprise s'il s'agissait d'un grosse cylindrée, ou alors, c'est un "A"... pour Abruti... pfff...
Bon...voyons, reprenons mon récit après tout faut bien faire contre mauvaise fortune bon coeur... alors... heu voyons, bah, comme je suis à l'arrêt, je vais remonter le fichier et je reprendrais ensuite...
[...]
Donc, je sors par la petite porte en face de l'allée, elle même située à côté de la clinique Watson. J'attendais que l'ambulance entre dans la clinique pour pouvoir traverser quand subitement j'entends un choc, quelque chose de mat, que je ne comprend pas tout de suite, puis je vois passer une forme qui vient littéralement s'exploser sur le trottoir à une dizaine de mètres de moi. Lorsqu'enfin je réalise ce qui vient d'arriver, il y a déjà une poignée de personnes qui se sont regroupées autour de ce que je viens de comprendre qu'il s'agit d'un corps. Je m'approche à mon tour, et je vois un jeune homme d'environ 17/18 ans, à peine plus âgé que moi, qui gît inerte, le crâne explosé sur le coin du trottoir. Des morceaux de cerveau jonchent le bitume dans un rayon d'environ ... hum.. ça fait beaucoup "d'environ", penser à trouver un synonyme... donc, heu.. oui, d'environ 1 m... quoique ça me semblait bien rapproché... bah, je pinaillerais plus tard.
Loin d'être horrifiée par le spectacle, je regarde au contraire avec attention ce corps, qui, il y a tout juste 5 minutes, respirait encore. Puis je me fais bousculer, des membres de la clinique se sont frayés un chemin, sûrement prévenu par le bruit et le chauffeur, et nous font signe de nous disperser en attendant les pompiers. Ils savent bien, vu l'ampleur des dégâts que c'est plutôt d'un corbillard dont il y aurait besoin, mais j'imagine que c'est la procédure.
Je décide de partir, je ne vais pas perdre mon temps là dessus, de toute façon, je ne le connaissais pas, même pas de vue.
Je me rends donc auprès de mon scooter, et en m'approchant, je vois bien que quelque chose cloche. Forcément, il manque les deux ailes qui couvrent le moteur, le bidon d'huile traîne encore au sol...  je regarde derrière moi, et je me rend compte qu'en fait, le cadavre situé au bout de la rue est celui de mon voleur. Je décide d'aller voir si je peux récupérer mes pièces... mais la police est là, et même après avoir expliquer ce qui s'est passé, même en voyant les pièces en question joncher le sol devant l'ambulance contre laquelle son propre scooter s'est encastré, on ne me laisse pas récupérer mon bien. "Pièces à conviction" me rétorque-t-on, je n'ai qu'à aller porter plainte.
Je suis donc contrainte de pousser le deux roues jusque chez moi... la route est longue...
Y'a pas que la route qui est longue... l'attente aussi ! Purée, 10 minutes que je suis là à parler dans mon dictaphone et on a toujours pas bougé d'un millimètre... c'est rageant à la fin, je suis déjà en retard et impossible de prévenir mon patron...
Bon, puisqu'on ne bouge pas, je ne risque rien à sortir demander le portable d'une autre personne dans un véhicule voisin.
Aller, je sors...
"sclac"
mais... ça pue.. aaahahahahahahhhahhahahahaahhahahahah... qu'est-ce que, mais... on me mange le pied...au seeee.......

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- Et c'est tout ce que nous savons sur le phénomène ?
- Oui, une fois que la brume s'est levée, nous avons inspecté tous les véhicules stoppés sur l'autoroute, et c'était le seul qui nous a apporté quelque éclairage sur la disparition des 250 automobilistes de l'autoroute A7 entre Chasse et Vienne.
- Bon, il ne nous reste plus qu'à étouffer l'affaire... voyez ça avec le ministre de l'intérieur et la DGSE, on peut remercier cette Cassie à titre posthume, dommage pour elle, elle ne sera jamais éditée... de toute façon, ça avait l'air plutôt ennuyeux son autobiographie... enfin, faites ce que je vous dis, et le plus vite possible.
- Bien Monsieur le Président.





Juste la brume est "vraie", un matin en me rendant au bureau j'ai eu une drôle de "surprise" : sur Lyon magnifique et plus je m'approchais de V. plus le temps semblait se couvrir quand finalement sur l'autoroute, j'ai littéralement "vu" une démarcation entre le beau temps et un nuage de brume épaisse orangée. Ça m'a immédiatement fait penser à la nouvelle Brume (faisant partie du recueil de nouvelles éponyme), mais heureusement, elle était carrément inoffensive