- Je te dis qu’on le fera avec une pelleteuse, celle du chantier.
C’est avec ces mots que Gérard avait convaincu Tony. Imparable la pelleteuse, il n’y avait que Gérard pour avoir des idées aussi brillantes, Gérard savait penser.
Ils choisirent le guichet automatique de la poste, celui qui se trouvait près de la place de la République, plus facile d’accès et plus tranquille. La nuit était belle, un peu fraîche et cette fraîcheur nouvelle annonçait la rentrée avec le poison des factures et des arriérés de loyers à payer.
Gérard avait toujours su trouver des solutions à tout, il avait de la chance d’avoir un ami comme lui.
- On se fait un guichet et après putain, après je me tire au bout du monde, avait dit Gérard.
Dans ses moments de délire, Gérard oubliait toujours Martine, sans doute parce qu’elle avait la sale habitude de lui remettre les pieds sur terre.
A 21 heures, la pelleteuse de Gérard s’arrêta au coin de la rue des martyres, Tony monta et à 21 h 30, après un carnage innommable, l’engin réussit péniblement à arracher le guichet automatique de la poste. Gérard s’énervait et hurlait comme un malade après sa pelleteuse récalcitrante.
- Putain de connasse de pelleteuse ! Toutes les mêmes, on leur demande de vous sortir de la mouise et elles vous foutent dedans.
Sur le retour, Gérard conduisait sa pelleteuse comme un fou et Tony était blême. Sûr qu’il avait dû s’engueuler avec sa femme juste avant de partir. Il pensa qu’il allait les envoyer au trou avec ses conneries. Une fois dans la rue de la République, Tony beugla :
- Arrête-moi là, je continuerai à pieds.
Une initiative qu’il ne regretta pas. Une demi-heure plus tard, Gérard se faisait arrêter par la police…
PS : histoire inspirée d’un court fait divers lu dans Libération (05/09/09)