Dans un précédent billet sur l'appétit morbide du "N"PA et de ses canidés fachoïdes pour le Hara-Kiri collectif des salariés de France Telecom, nous expliquions la stratégie trotskiste pour encourager les suicides intempestifs en leur pourrissant le moral. Le but? Réclamer à corps et à cris la nationalisation de cette entreprise, en suivant l'exemple de notre idole du moment, "Alo Presidente", Bénito Chavez d'amour, dont j'ai un imposant poster qui trône dans mon salon, à côté de Léon.
Alors qu'on apprend que l'extrême gauche est dans tous ses états pour sauver ce bastion syndicaliste et gréviculteur qu'est La Poste, dont chacun connaît l'efficacité redoutable en matière d'acheminement aléatoire du courrier, d'accueil du client, d'amabilité légendaire et de queue dissuasive sous peine de crise de nerf, il est bien normal que nos campagnes d'Agitprop s'accentuent pour défendre le Sévice Public National contre le complot néo-ultralibéral européiste. Bref, en ce moment on est sur la tête de pont, Soviets participatifs et AG (ma main dans la gueule des récalcitrants) se multiplient pour allumer un maximum de pétards mouillés, et montrer nos gros bras musclés par une démonstration de force de nos intérêts corporatistes.
Nous proposons aujourd'hui à nos camarades lecteurs du CSP spoof de poursuivre ce cours de trotskisme appliqué, afin de mieux comprendre pourquoi la nationalisation est le but ultime de Notre Combat pour les Sévices Publics, dans la mesure où, par nature, notre socialisme est d'essence nationale - ce qui explique bien des choses quant à la ressemblance parfaitement symétrique entre les petites frappes au crâne rasé d'extrême gauche et les brutes aux tempes bien dégagées d'extrême droite.
Nazebols montrant leurs muscles
Nous interrogerons ensuite la signification symbolique de cette structure circulaire aux accointances idéologiques reproductives, selon une analyse mêlant linguistique post-chomskienne et catégories diplomatico-bourdieusiennes.
Mais commençons par un peu d'histoire du mouvement trotskiste en France, que les internautes ne connaissent pas forcément, afin de recontextualiser (c'est important le contexte social) dans la longue durée ce curieux social-nationalisme dont est issu le NPA, avec son folkore bucolique sans lequel il n'y aurait pas d'identité trotskiste (c'est important l'identité aussi). Voici une analyse de l'intérieur, événementielle, et il serait bon de la faire circuler, tant elle est parlante.
"Aux origines du trotskysme français
En 1929, un groupe de communistes français dont Pierre Frank et Raymond Molinier rend visite à Trotsky, exilé alors à Prinkipo, en Turquie. Le groupe trotskyste français se structure autour de la revue La Vérité et, en avril 1930, naît la Ligue Communiste de France. Le trotskysme français, jusqu’en 1934, comptera moins d’une centaine de militants.
De Juillet 1932 à Avril 1933, Pierre Frank est secrétaire de Trotsky.
En Août 1934, sur conseil de Trotsky lui-même, la Ligue adopte une stratégie de double jeu. Celle-ci consiste à faire adhérer les trotskystes au Parti Socialiste (SFIO). Au fil du temps, cette stratégie, baptisée plus tard « entrisme » va viser des organisations politiques, syndicales ou culturelles dont les membres sont susceptibles de se laisser manoeuvrer, et qui de préférence disposent de fonds. Les trotskystes y acceptent les tâches ingrates, rendent des services et s’efforcent d’y devenir indispensables. C’est la politique de l’agent double, qui repose sur l’idée que celui pénètre est influenceur mais non influençable. Un cas aujourd’hui connu permet de relativiser cette stratégie : c’est celui de Lionel Jospin, ex-taupe trotskyste.
Mais revenons aux origines du trotskysme français. En décembre 1935, Raymond Molinier crée sa propre revue, La Commune, qui lui attire de vives critiques de Trotsky. Pas de chance.
Le Parti Communiste Internationaliste (PCI) est fondé par le « groupe Molinier » en mars 1936. Celui-ci n’est cependant pas accepté comme membre de la Ligue Communiste Internationale. En Juin, il s’allie au groupe bolchevique-léniniste de Pierre Naville dans le cadre du Parti Ouvrier Internationaliste (POI). Pierre Naville a la confiance de Trotsky et celui-ci reconnait le POI comme section officielle de la Quatrième Internationale. A partir de 1939, poursuivant leur stratégie du double jeu, l'essentiel des militants du POI va rejoindre le P.S.O.P., le Parti Socialiste ouvrier et paysan. Celui-ci s’est constitué autour de Marceau Pivert, à la suite de l'exclusion de la gauche de la S.F.I.O. au Congrès de Royan en août 1938.
Pierre Boussel et le trotskysme pendant la guerre 39-45
Pierre Boussel, né le 9 juin 1920, est avant la guerre un jeune militant de la CGT. Il travaille comme postier "auxiliaire" sans interrompre ses études d'histoire. En 1938, il devient membre du PCI de Molinier. Pierre Boussel rentre au bureau fédéral des JSOP (Jeunesses du PSOP) avec deux autres moliniéristes, Roger Foirier et André Gailledrat. Le 15 février 1940, pendant la drôle de guerre, Pierre Boussel, alors soldat de deuxième classe, est arrêté avec d’autres militants se réclamant de la quatrième internationale. Le rapport de police mentionne qu’il «se réclame ouvertement du marxisme-léninisme intégral, du défaitisme révolutionnaire et de l'antimilitarisme ». Il est condamné à trois ans de prison. Dès l’invasion allemande en juin 1940, le trotskysme français ressemble à une brouettée de grenouilles. Marceau Pivert s’enfuit au Mexique, laissant le PSOP désemparé. Raymond Molinier et Pierre Frank s’enfuient en Angleterre. Molinier partira ensuite au Portugal. Puis, en 1941, il rejoindra sa nouvelle compagne en Amérique du Sud. Au Parti Ouvrier Internationaliste, Pierre Naville abandonne tout militantisme, s’en va dans le Lot-et-Garonne, et s’adonne hardiment à des études universitaires. Ironie de l’histoire, la section française de la quatrième internationale est alors récupérée par le PCI, dont Trotsky ne voulait pas. Mais le vieux révolutionnaire ne pourra pas protester. Il sera assassiné le 20 août 1940.
Pierre Boussel est libéré à la faveur de l’invasion allemande. Henri Molinier, le frère aîné de Raymond, prend les rênes du PCI. Il applique la vieille stratégie à la nouvelle situation. L’entrisme ne se fera plus dans une SFIO ou un PSOP devenus inexistants, mais dans les mouvements collaborationnistes de gauche. Molinier donne l’exemple et adhère au Rassemblement National Populaire de Marcel Déat. Il prendra même la parole au cours d’un congrès du RNP. Pierre Boussel, dont le pseudonyme a d’abord été Andrei, puis Lambert, voit ses amis les plus proches suivre leur chef. Roger Foirier, son compagnon au PCI et aux Jeunesses du PSOP, adhère tout naturellement aux Jeunesses Nationales Populaires. Sa compagne donne des cours de gymnastique aux femmes du RNP. André Gailledrat, autre proche de Pierre Boussel, adhère aussi au RNP. D’autres Trotskystes comme Maurice Déglise ou Jean Desnots les rejoindront (voir Bête immonde).
Certains camarades "entrent" plus profondément, et fréquentent les allées du pouvoir. Paul Cognet, adhérent du PCI depuis 1936, sera un des concepteurs de la Charte du Travail de René Belin, Ministre du Travail du Maréchal Pétain et un des signataires de la loi sur le statut des Juifs du 3 octobre 1940. La vulgate lambertiste assure que Pierre Boussel, dit Lambert, se serait opposé à l'orientation de Molinier.
Oeuvre de Foirier pour les JNP
Pourquoi cette adhésion du PCI, (qui prend l’appellation de CCI, Comité Communiste internationaliste, à partir de 1943) à la Collaboration ? Molinier est persuadé que le pacte germano-soviétique ouvre une nouvelle voie au socialisme révolutionnaire. Il ne « voit de solution que dans les organisations fascistes et staliniennes qui naîtront du triomphe du pacte germano-soviétique ».Ils n'étaient pas staliniens ; il leur restait donc à devenir fascistes.
Le PCI développe l'idée du défaitisme révolutionnaire. « Derrière un soldat nazi se cache un travailleur allemand ! ». Il refuse par avance toute participation aux mouvements de résistance, taxés de nationaliste. Pour lui, « une insurrection de la ‘France’ contre l’oppresseur allemand ne peut être aujourd’hui qu’une insurrection de la classe réactionnaire. » (La Seule Voie N° 4, août 1942). Les journaux trotskystes comme La Vérité ou L’Étincelle attaquent violemment les Anglo-saxons et la France Libre. Jusqu’en 1944, De Gaulle est qualifié, comme dans toute la presse collaborationniste, d'agent de la City et de l'impérialisme britannique. Après le débarquement allié de Normandie, l’arrivée des alliés est saluée par un éditorial de La Vérité resté célèbre : « Ils se valent ». Dans ce numéro (22 juin 1944), le message est clairement anti-résistant : Refuse de te faire mobiliser dans "l'armée de la libération". Le POI adopte une position assez proche. Il édite des tracts et des journaux en allemand, comme Arbeiter und Soldat. L’objectif est de recruter les soldats « internationalistes » de la Werhmacht. Inutile de s’étendre sur cette stratégie de séduction ...
Du POI émerge un nouveau groupe, le Mouvement National Révolutionnaire. Le leader du MNR, Jean Rous, est un des dirigeants du POI. On y trouve aussi Lucien Weitz, qui fut le principal animateur de la gauche révolutionnaire au sein de la SFIO socialiste, puis de l’aile gauche du PSOP, ou encore Fred Zeller, ancien proche de Trotsky et membre de la SFIO, futur grand-maître du Grand Orient de France. Le Mouvement édite deux journaux clandestins : la Révolution Française, puis Combat national-révolutionnaire. Dans le n°1 de La Révolution Française (septembre-octobre 1940), le MNR se dit «ni pro-Allemand, ni pro-Anglais, ni pro-Français». Le langage employé révèle à l’évidence la proximité des thèses nazies : «L’État et la nation doivent se défendre (...) contre les tentatives de domination occulte, qu’elles proviennent du judaïsme, de la maçonnerie ou du jésuitisme». Le n°1 de mars 1941 de Combat national-révolutionnaire précise que le MNR «souhaite un État fort, hiérarchisé, où la régulation entre les divers éléments de la population soit établie par des corporations». On retrouve les trois piliers du fascisme, l'État fort, l'obéissance hiérarchique et le corporatisme. Le MNR est démantelé en juin 1941. Jean Rous est condamné à six mois de prison, ce qui est pour l’époque une peine symbolique et un geste de connivence de la part des autorités d’occupation. En Belgique, le principal leader trotskyste, Walter Dauge, opte lui aussi pour la Collaboration. En 1943, Pierre Boussel est exclu du PCI. La vulgate lambertiste assure qu’il passe alors au Parti Ouvrier Internationaliste (POI), ce qui n'est pas plus glorieux.
Boussel-Lambert et le trotskysme d’après-guerre
A la libération, du fait de son comportement durant la guerre, Lambert est exclu de la CGT comme « hitléro-trotskyste ». Ce terme, qui fleurira surtout dans la presse communiste, semble être un oxymore. Mais, nous l'avons vu, il ne manque pas de pertinence ; il s'appuie sur une réalité indiscutable. Lambert rejoint Force Ouvrière où il occupera des responsabilités à la Sécurité Sociale. En janvier 1944, les groupes trotskystes (sauf le groupuscule de Barta, ancêtre de Lutte Ouvrière) s'unifient dans le Parti communiste internationaliste (PCI), section française de la Quatrième Internationale. L’organe officiel en est La Vérité. En 1953, la majorité du PCI dirigée par Marcel Bleibtreu, Michel Lequenne et Pierre Lambert refuse les thèses du secrétaire de la IVe internationale, Michel Pablo. Le PCI scissionne. Pierre Lambert deviendra le principal dirigeant du groupe majoritaire qui changera plusieurs fois de noms : OCI, AJS, MPPT, Parti des Travailleurs. Les « pablistes » s’organiseront de leur côté. Ils créeront ce qui s’est appelé la Ligue Communiste Révolutionnaire, qui est à l'origine du NPA (Nouveau Parti Anticapitaliste). "
Clair. Net. Explicatif, concis, pédagogique, et digne. Rien à rajouter.