Le réveil sonne, je me réveille lentement et émerge de sous la couette, odeur de corps chaud et de drap froissé. Dans la cuisine, petit-déjeuner, le bol de café laisse échapper les effluves du dopant matinal. Presque réveillé, je passe sous la douche, odeur azotée de l'eau chaude qui tombe drue et me fouette la peau mêlée à celle de mon savon liquide, en ce moment verveine et citron, assez tonique sans plus et parfumé pour débuter la journée en douceur.
Je sors de l'immeuble, le jour n'est pas levé, les massifs de plantes et fleurs n'exhalent pas encore leurs fragrances mais l'humidité matinale libère les senteurs de la terre. Le RER ne sera là que dans une dizaines de minutes, malgré les interdits quelques irréductibles fument sur le quai de plein air, le souffle du vent m'apporte l'odeur irritante et tenace de tabacs blonds et bruns, à mon corps défendant me voici fumeur. Enfin le train arrive, les banlieusards d'un instinct sûr prennent les bonnes places encore libres. L'odeur dégagée par les freins à peine dissipée, le carrousel des remugles va se libérer. Odeurs de sueur séchée, de pieds ou de cul pas propre de mes voisins, travailleurs des petits matins blêmes ; à la station suivante une passagère entre en coup de vent et laisse dans son sillage un lourd parfum entêtant qui finit par me donner un léger mal de crâne. Mon voisin de droite doit souffrir d'embarras gastriques m'informe mon nez, alors que celui qui me fait face est certainement un fumeur invétéré, trahi par ses vêtements qui en répandent des relents froids, donc plus insupportables encore que la fumée d'une cigarette en train de se consumer.
J'arrive au Châtelet, descend du wagon et m'engage dans les couloirs menant vers la sortie. D'une buvette s'échappent des odeurs sucrées de croissants chauds bien vite repoussées par la puanteur de murs maculés de vieille pisse ou pire peut-être. Non pas peut-être, mais sûrement. Vite je prends l'escalator, miracle il fonctionne ce matin, pour aller plus vite encore et échapper aux odeurs des produits d'entretien utilisés par les agents de surface, je monte les marches et j'émerge à l'air libre. Une grande bouffée d'oxygène pour me revigorer. Las ! Le coup de pied de l'âne ! Le camion des éboueurs absorbe les poubelles que les hommes en vert lui versent dans sa gueule grande ouverte. Je bloque ma respiration et continue ma route. Le boulevard Sébastopol, les abords du Musée Pompidou, odeurs de pisse partout encore, enfin l'immeuble où est loti mon bureau, j'approche ma clé de la porte et j'évite de justesse la mare de vomi et l'étron d'origine non identifiée étalés sur le trottoir. Il est alors 7h15 seulement ...