Je me suis trompée de taille de soutien-gorge.
J’ai donc le cœur comprimé.
C’est désagréable au possible.
En plus je pense à Samantha Dixneuf.Le soir de son admission ma mère est rentrée dans un état déplorable.
Elle marchait dans le couloir, elle le traversait de long en large, encore et encore. Et elle parlait vite comme un train à grande vitesse.
- « Nous avons une nouvelle patiente dans le service. Samantha Dixneuf. Elle se drogue ; ce n’est pas bon pour elle c’est certain. Elle a tenté d’assassiner sa mère à la hache. La pauvre femme, elle a eu si peur. Je ne sais pas ce qui a pu passer par la tête de Samantha Dixneuf. De toute façon, c’est une grande délirante. Et puis cette drogue ; ça trouble tout espèce de diagnostic. Je pense quand même qu’elle est schizophrène, elle a un terrain, c’est sûr, sinon c’est pas possible. Car, non, la drogue ne peut pas tout expliquer… Cet état. Elle est complètement folle. Le syndrome est là : indifférence affective, désintérêt, ambivalence des sentiments. Et puis cette étrangeté, elle est si étrange. Cette histoire de hache, c’est de la démence. On va la sédater. De bonnes doses de Nozinan. Ouais, mais bon, c’est foutu, elle est incurable. Incurable. Samantha Dixneuf, c’est une grande malade ».Samantha Dixneuf a toujours rendu ma mère exaltée. Le cas Samantha Dixneuf se terminait toujours par une liste énervée, Nozinan, Rohypnol, Halopéridol, Laudanum, Risperdal, une liste qui n’en finit pas et qui est synonyme d’un malheur intérieur tellement fort et puissant que nul ne le comprend, rien ne le résout. D’elle je sais tout des riens, comment elle a voulu tuer sa mère, comment elle est tombée amoureuse du type qu’il ne fallait pas, comment sa fille est née prématurée, comment elle a refusé d’aller la voir en néonatalité, je sais tout, les changements sur les ordonnances, les fugues, les mieux, les rechutes, les sangles, les larmes, la détresse, l’agressivité, la gentillesse, la bonne volonté, le calme, la violence, la camisole. De Samantha Dixneuf je sais tout et je n'arrive pas à me la représenter. C'est juste que, Samantha Dixneuf, ça a toujours été voir ma mère inquiète et incapable. Samantha Dixneuf a peut-être été le début de mon goût pour les lettres, la peinture et les fils, puisque la science et les doses n'ont rien à dire.Publié par les diablotintines - Une Fille - Mika - Zal - uusulu