Aimer version 2D

Publié le 02 octobre 2009 par Cassandre

On le savait déjà, nos amis japonais ont beaucoup d'imagination, par contre, je tiens à mettre tout de suite le "hola", ce dont je vais parler ici n'est pas la majorité des cas. Comme partout, une minorité est assez spéciale, et quand on dit "spécial" ici, c'est vraiment le cas, et les photos que j'ai pu glaner ici et là sont vraiment effarente, néanmoins, lorsque j'y ai séjourné, je n'en ai point vu de mes yeux, en dehors de quelques endroits bien spécifiques, comme Akiba, certains cafés dans Akiba...
Néanmoins, il semblerait que les jeunes japonais aient des difficultés avec les relations amoureuse. Selon une étude menée par le gouvernement, plus d'un quart des célibataires (hommes et femmes) entre 30 et 34 sont vierges. 50% des japonais disent qu'ils ne sont jamais sortis avec qui que ce soit. Et l'un des plus gros best-sellers du pays l'an passé était "Santé et éducation physique pour les plus de 30 ans", un livre en 6 chapitres, illustré façon manga qui accompagne le lecteur du premier rendez-vous à la relation sexuelle et jusqu'au marriage.
Entre le travail, le manque de temps du au premier, aux relations qui ne sont pas forcément simple entre les hommes et les femmes, on est arrivé à une drôle de réalité et du coup, pour certains, histoire de se sortir de l'échec amoureux, ils ont reporter leur affection autre part.

Et une mode s'est créée autour de l'amour en 2D. Explication : des oreillers dont la forme est longue, relativement large - pas un traversin mais l'idée est là - et dont l'enveloppe représente une fille dessinée façon manga. Un peu comme ceci :
 

L'idée est née d'un japonais (bon, on s'en serait douté), d'une quarantaine d'année, Toru Honda. Ce monsieur a quité l'université il y a quelques années et travaillé dans des entreprises de jeux vidéos différentes, et s'est finalement fait le représentant des otaku en leur disant de se rebeller contre ces gens "normaux" que sont les "autres" japonais surtout les beaux hommes et les belles femmes. Son site a généré un buzz assez fort qui lui a permis d'obtenir un contrat avec une maison d'édition et de sortir en 2005 son premier livre condamnant ce qu'il appelle "le capitalisme romantique". Honda soutient que le romantisme et tout ce qui s'y rattache a été fortement marketé à l'exès au travers des films à l'eau de rose, soap opera et roman au cours de la bulle économique des années 80 et qui se retrouve finalement être "plus facile" et que les vraies valeurs du romantisme ont été perdues. Romantisme lié à l'accomplissement social et qui ne peut être obtenu que grâce à l'argent et à l'apparence (si possible être beau ou belle, ça rent service). Ajoutez à cela le manque de temps dû au travail et vous obtenez en effet un beau cocktail qui complique sacrément la "trouvaille" de l'âme soeur. Ce qui fait qu'en cours de route, des hommes comme lui (Honda, ndlr) ont perdu tout intérêt dans cette notion finalement trop marketing de l'amour, et se sont tournés vers l'amour en 2D. "L'amour pur a complétement quitté notre monde réel" écrit Honda. "Tant que vous avez de l'imagination, une relation en 2D est bien plus passionnante qu'une en 3D. Honda insiste sur le fait qu'il ne prêche pas la lubricité mais une toute autre forme de romantisme. Si, comme certains chercheurs le suggèrent, l'amour peut être résumé à des impulsions électriques dans le cerveau, alors pourquoi ne pas entraîner celui-ci à simuler ces impulsions en regardant un personnage innanimé ?
Les fans ont bien sûr pris le message au sérieux. Quand il a admit qu'il regardait des films pornos dans un forum de discussion à Tokyo en 2005, plusieurs d'entre eux, les plus extrémistes de l'amour en 2D se sont offusqués de la chose que leur leader et mentor tombe si bas et soit nostalgique de la 3D. Plus tard, dans des journaux japonais, Honda a clarifié la situation en déclarant qu'il s'inquiétait que l'amour en 2D ne devienne une voie de facilité pour les jeunes otaku, qui pourraient encore avoir un certain succès dans le monde réel. "Je ne suis pas en train de dire que tout le monde devrait jeter l'espoir d'avoir une vraie relation amoureuse tout de suite. Je dis juste que des gars comme moi qui sont arrivés au point de non retour peuvent vivre heureux en 2D".
Cet amour fétichiste pour les personnages en deux dimensions est un phénomène suffisament important qu'il a gagné son mot d'argot : "moe", homonyme japonais des mots "brûler" ou "en herbe" (jeune, floraison, assez difficile de décrire en français en fait ^^"). Dans une relation idéale, l'homme se libère des attentes d'une relation humaine ordinaire et montre sa passion pour un personnage choisi, sans peur du jugement ou d'être rejeté.
Un économiste du comportement s'est également pencher sur le sujet, et pour cause, c'était lui même un otaku. Takuro Morinaga pense que tous les hommes otaku peuvent être classés sur l'échelle "moe". "D'un côté il y a le gars normal, qui n'a aucun intérêt pour les personnages d'animes et qui n'aime que les femmes réelles" explique-t-il, "et de l'autre côté, vous avez bien sûr celui qui ne jurent que par l'amour en 2D". Morinaga se décrit lui-même comme un otaku, il n'avait pas beaucoup de chance avec les femmes avant de devenir un économiste reconnu. Maintenant il a une femme et un bureau privé dans un immeuble cossu près de la baie de Tokyo. "Je suis un '2' - je préfère encore les vraies femmes" dit-il. "Mais il y a beaucoup d'homme qui se situent sur la partie extrême de l'échelle. Je comprend tout à fait leurs sentiments. Ces gars ne veulent pas qu'on leur mette la pression dans notre société. Ils veulent juste se créer leur petit monde à fleur et y vivre en paix."
Et voilà où la société conduit les hommes, mais j'ai de la peine à penser aux femmes qui certainement, même si c'est moins dit, doivent rencontrer le même genre de problème... à quand leur propre oreiller version "mâle" ?
Je trouve dommage que l'on en arrive à préféré la compagnie d'un oreiller plutôt qu'un humain. Mais je comprend tout à fait le pourquoi du comment, et c'est quelque chose qui ne devrait pas exister. Mais la vie est ainsi fait qu'on en demande toujours plus et qu'on écoute moins l'autre...