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Les Vanupieds (6)

Publié le 03 octobre 2009 par Plume
Les Vanupieds (1) : là
Les vanupieds (2) : là
Les Vanupieds (3) : là
Les Vanupieds (4) : là
Les Vanupieds (5) : là

La nuit était bien avancée lorsque les plaintes étouffées réveillèrent France, allongée sur sa paillasse entre les deux plus petites de la fratrie. Elle s’assit sur son séant et tendit l’oreille.

Par la fenêtre sans volet, les pâles rayons lunaires balayaient la petite pièce où s’entassaient les corps endormis de tous ses frères et sœurs. Ses yeux perçants trouèrent la pénombre, à la recherche de celui qui s’agitait sur le sol. Elle finit par l’apercevoir, en face. C’était celui d’Alissa.

France rampa vers elle.

La ville était silencieuse, à peine traversée par instant des aboiements furieux de quelques chiens errants ou des invectives de quelques soulards.

France parvint auprès de sa petite sœur sans réveiller personne. A peine effleurait-elle son épaule qu’Alissa, saisie de frayeur, s’écartait en poussant un léger cri.

« C’est moi !

- France ? Interrogea la fillette d’une voix inaudible.

- Oui. Chut ! »

France toucha sa poitrine et se rendit compte qu’elle tremblait convulsivement.

« J’ai mal ! Se plaignit Alissa dans un sanglot. J’ai si mal !

- Chut ! »

France appuya la paume sur son front. Il était brûlant. Alissa bougeait en tout sens. Elle attrapa sa main et la serra dans la sienne, aussi fort qu’elle le put. Comme la pression semblait la tranquilliser, France la lui laissa un long moment. Puis, soudain, elle se leva et sans bruit se dirigea dans la grande pièce d’à côté. Là se trouvait une bassine pleine d’eau propre et une serviette, réservées au père. Sans hésiter, elle trempa cette dernière, l’essora, revint comme une ombre auprès de l’enfant et doucement l’étala sur son visage. Alissa tressaillit, soupira de satisfaction et finit par cesser de remuer, apaisée par la fraîcheur et les légères pressions qu’exerçait France sur la serviette humide.

Une silhouette se détacha dans la lune et vint s’accroupir auprès d’elles :

« Que se passe-t-il ?

- Alissa est malade. »

France tourna la tête vers Allan, le moins blond de tous ses frères, celui qui lui ressemblait sans doute le plus. La mère avait dû croiser à nouveau la route du français cinq ans plus tôt. Elle croisait la route de beaucoup d’hommes.

« C’est la serviette du père ? S’inquiéta-t-il.

- Oui ! répondit France, une pointe de défi dans la voix.

- Père peut frapper ! » Murmura Allan, en observant sa sœur avec crainte.

France haussa les épaules et souleva doucement le tissu humide pour voir le petit visage encore bleu. Visiblement calmée, Alissa s’était assoupie.

« Elle va guérir ? »

France ne répondit pas. Allan n’insista pas et tristement retourna se coucher.

France contempla longuement les étoiles scintillantes au dessus des toits par la fenêtre ouverte, bercée par le souffle régulier des enfants endormis. Elle veilla ainsi jusqu’à l’aube. Quand la lumière du jour pointa, elle reprit la serviette et la ramena à sa place, près de la bassine d’eau propre réservée au père.

Alissa dormait à poing fermé. France passa sa main sur son front. La fièvre était tombée. Alors l’aînée se rallongea à sa place, entre les deux plus petites, et ferma les paupières, dans l’espoir de somnoler un peu. Mais Abby, en se retournant, vint se coller à elle et ses cheveux chatouillèrent son cou. France comprit que le sommeil ne la trouverait plus. C’était trop tard…


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