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Maximus, to himself
I have had to learn the simplest things
last. Which made for difficulties.
Even at sea I was slow, to get the hand out, or to cross
a wet deck.
The sea was not, finally, my trade.
But even my trade, at it, I stood estranged
from that which was most familiar. Was delayed,
and not content with the man's argument
that such postponement
is now the nature of
obedience,
that we are all late
in a slow time,
that we grow up many
And the single
is not easily
known
It could be, though the sharpness (the achiote)
I note in others,
makes more sense
than my own distances. The agilities
they show daily
who do the world's
businesses
And who do nature's
as I have no sense
I have done either
I have made dialogues,
have discussed ancient texts,
have thrown what light I could, offered
what pleasures
doceat allows
But the known?
This, I have had to be given,
a life, love, and from one man
the world.
Tokens.
But sitting here
I look out as a wind
and water man, testing
And missing
some proof
I know the quarters
of the weather, where it comes from,
where it goes. But the stem of me,
this I took from their welcome,
or their rejection, of me
And my arrogance
was neither diminished
nor increased,
by the communication
2
It is undone business
I speak of, this morning,
with the sea
stretching out
from my feet
Charles Olson, The Maximus Poems, in Charles Olson, Selected Poems, edited by Robert Creeley, University of California Press, 1997, pp. 101-102-103.
TRADUCTIONS CROISÉES DANIÈLE ROBERT/ANGÈLE PAOLI
Maximus, à lui même
J’ai dû apprendre les choses les plus simples
en dernier. Ce qui a créé des difficultés.
Même en mer j’étais lent, pour passer la main, ou franchir
un pont mouillé.
La mer n’était pas, finalement, mon métier.
Mais même à mon métier, même là, je restais détaché
de ce qui était le plus familier. Entravé,
et réfractaire à l’idée
qu’un tel atermoiement
est à présent le propre de
l’obéissance,
que nous sommes tous en retard
dans la lenteur du temps,
que nous grandissons pluriels
Et que l’unicité
n’est pas facile
à connaître
C’est bien possible, bien que l’acuité (l’achiote)
que je relève chez d’autres,
fasse plus sens
que mes propres écarts. Les qualités physiques
qu’ils manifestent tous les jours
ceux qui s’occupent du monde
Et ceux qui s’occupent de la nature
comme je n’en ai aucune idée
j’ai fait une chose ou l’autre
j’ai construit des dialogues,
ai examiné les textes anciens,
ai jeté tel éclairage possible, offert
tels plaisirs
que permet le doceat
Mais le connu ?
Cela, il a fallu qu’on me le donne,
une vie, l’amour, et de la part d’un homme
le monde.
Marques.
Mais assis là
J’observe comme un homme
de vent et d’eau, qui tente
et rate
une épreuve
Je connais les points cardinaux
du temps, d’où il vient,
où il va. Mais la proue de moi,
cela je l’ai pris de leur accueil,
ou de leur rejet, de moi
Et mon arrogance
n’a été ni diminuée
ni accrue
par la communication
2
C’est d’une affaire non réglée
que je parle, ce matin,
avec la mer
qui se retire
à mes pieds
Traduction inédite de Danièle Robert
Maximus, à lui même
J’ai dû apprendre les choses les plus simples
tardivement. Ce qui m'a donné du mal.
Même en mer j’étais lent, pour passer la main, ou franchir
un pont mouillé.
La mer n’était pas, finalement, mon affaire.
Mais même à mon affaire, même là, je me sentais détaché
de ce qui était le plus familier. Me sentais en retard,
et suis contrarié que l’on prétende
qu’un tel décalage
est la nature de
l’obéissance,
que nous sommes tous en retard
au ralenti,
que nous grandissons multiples
Et que la singularité
n’est pas facile
à connaître
Ça se pourrait bien, quoique l’acuité (l’achiote)
que je constate chez les autres,
offre davantage de sens
que mes propres dissemblances. Les ingéniosités
dont ils font preuve chaque jour
ceux qui s’occupent des affaires du monde
Et ceux qui s’occupent de celles de la nature
comme je ne m’y connais pas
je me suis appliqué aux unes et aux autres
j’ai construit des dialogues,
ai examiné les textes anciens,
ai jeté l’éclairage que j’ai pu, me suis offert
les plaisirs
qu’autorise le doceat
Mais le connu ?
Cela, il a fallu me le donner,
une vie, l’amour, et de la part d’un homme
le monde.
Signes.
Mais assis là
J’observe comme un homme
de vent et d’eau, qui s’essaie
à quelque épreuve
et la manque
Je connais les quartiers
du temps, d’où il vient,
où il va. Mais l’armature,
je l’ai prise de leur accueil,
ou de leur rejet, de moi
Et mon arrogance
n’a été ni amoindrie
ni accrue
par la communication
2
C’est d’une affaire inaccomplie
que je parle, ce matin,
avec la mer
qui reflue
à mes pieds
Traduction inédite d'Angèle Paoli
CHARLES OLSON : NOTICE BIO-BIBLIOGRAPHIQUE
Né à Worcester dans le Massachusetts le 27 décembre 1910, Charles John Olson, poète et essayiste américain, est encore peu connu en France. Après ses études supérieures dans les universités de Yale et Harvard, Charles Olson entreprend une carrière dans l'enseignement. Sa fréquentation ― de 1948 à 1956 ― du Black Mountain College, haut lieu d'expérimentation artistique, conduit Olson à en devenir le recteur de 1951 à 1956. Dans le même temps, il se consacre à l'écriture d'avant-garde, fondée sur le recours à une poésie orale tournée vers la cinétique.
Après un premier ouvrage consacré à Herman Melville, Call Me Ishmael (Appelez-moi Ishmael, 1947), Charles Olson devient le porte-parole de toute une génération de poètes avec la parution, en 1950, de son essai intitulé Projective verse (« Le vers projectif »). Un texte théorique bref dans lequel le poète expose les principes dont les plus féconds sont la primauté accordée à la voix – l'écriture devant être motivée de l'intérieur par le mouvement de la parole — et la « Composition by field », « composition par champ » qui prône le regroupement d'unités de sens et la circulation de l'une à l'autre pour composer une poème.
Publié en 1983, l’ensemble intitulé The Maximus Poems s'inscrit dans la tradition épique héritée de Pound et de Williams, de Whitman et de Dos Passos. Intitulée en français Maximus amant du monde, cette somme poétique met en scène un héros fictif, inspiré au poète par Maxime de Tyr, philosophe et rhéteur du second siècle avant J.-C. Pour autant, Maximus, alter ego du poète, n'en est pas moins ancré dans la société américaine de son temps, confronté avec son créateur à une aventure poétique aux ramifications multiples, tous deux en prise avec les concepts théoriques énoncés dans Projective verse.
The Maximus Poems se présente comme une suite continue de poèmes, assemblés à la manière de tesserae, selon le terme latin emprunté par Olson (terme qui renvoie à la fois aux dés à jouer de l'Antiquité et aux tesselles utilisées dans les mosaïques). Maximus en est le sujet parlant, l'homme orchestre par qui passe la narration, les dialogues, les questionnements, les apartés. Autant de variations, de rythmes, d'accents et de tonalités qui font du poème de Maximus un champ d'exploration ouvert sur des formes multiples. Tout un réseau de correspondances de sons et de sens animé par un souffle qui dépasse le personnel pour rejoindre l'universel.
Influencé par la voix de ses aînés ― les Cantos d'Ezra Pound et le Paterson de William Carlos Williams ―, Charles Olson, considéré comme contestataire et iconoclaste, trouve en Robert Creeley ― qui dirigea la Black Mountain Review ― son plus fervent défenseur, ouvre des voies nouvelles de pensée et d'écriture. C'est au poète et ami Robert Creeley que Charles Olson fait allusion dans le poème « Maximus, to himself » : il est l'homme qui lui a donné « le monde ». Charles Olson meurt à New York le 10 janvier 1970.
Angèle Paoli
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