Time Stealer :la suite de Tabac Presse Loto

Publié le 06 octobre 2009 par Willb77

Le temps joue parfois des tours...
Voici la suite de la nouvelle Tabac Presse Loto.

L’horizon avait depuis longtemps englouti la boule rougeoyante d'un impitoyable astre solaire.

Tandis que les ombres des étalages s’étiraient à l’extrême avant de se fondre dans la pénombre de la boutique, Craver était sur le point de clôturer ses comptes de la journée.

Il salua machinalement Cheng qui s’activait de l’autre côté de la rue en dressant des tables chatoyantes qui accueilleraient bientôt une colonie d’asiatiques. Le vendredi était traditionnellement l’hommage au pays et les générations de déracinés se pressaient sur la terrasse éclairée de lampions, les yeux pétillants d’émotion.

Craver ne raffolait pas de poissons crus et de fritures. Il déclinait donc constamment les invitations de son voisin de palier évoquant des brûlures d’estomac ou un match de baseball imaginaire mais primordial pour le championnat. Cheng ne comprenait rien à ce sport, le subterfuge était donc aisé.

Il stoppa soudain ses opérations sur son cahier largement griffonné. Le stylo mordillé en suspens au dessus d’un chiffre.

 Neuf.

Il manquait neuf dollars dans la caisse.

Le fait était suffisamment rare pour arracher un hoquet de surprise au buraliste.

Neuf Dollars.

Les calculs se superposaient dans sa tête, consciencieusement, chronologiquement, dans une logique implacable.

Neuf Dollars.

Craver se leva et extirpa le tiroir pour en scruter le fond de la caisse enregistreuse.

Rien.

Il se baissa dans un craquement d’articulation et passa la main sous le comptoir, ne récoltant qu’un rouleau de pièces vide.

Il revint alors vers son cahier de compte et pointa ligne à ligne d’un doigt tremblant.

Aucun doute possible. La somme avait disparu…ou avait été dérobée.

Le film de la journée déroulé mentalement n’élucida pas l’énigme.

Soudain, un fourmillement sur la nuque l’avertit que quelqu’un l’observait.

Un réflexe irrationnel lui dicta de lever la tête en quête de la lumière, de la compréhension.

Au lieu de cela, il fut foudroyé sur place par une paire d’yeux d’un bleu profond, glacial, abyssal. Ceux d’une petite fille à la robe immaculée et aux cheveux lisses. Elle se tenait debout en face de la vitrine encombrée de manchettes de journaux à scandales.

L’incongruité de cette silhouette immobile dans les lumières rampantes des lampadaires frappa Craver qui en oublia de respirer.

Un bras blanc s’éleva.

Au bout, un poing fermé.

Qui s’ouvrit.

Délivrant une chaîne aux mailles scintillantes qui oscilla.

De moins en moins vite.

Le monde se mit à vibrer en harmonie.

De moins en moins vite.

Le médaillon se figea.

Tout comme le temps…

Enfin, pas complètement…