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Deux coeurs simples

Publié le 06 octobre 2009 par Jlk

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Sur L'Annonce, de Marie-Hélène Lafon


On entre dans ce roman de l’âpre terre du Cantal par sa nuit, telle que la voit Annette, venue du Nord ouvrier pour rejoindre Paul, le paysan de neuf ans son aîné dont elle a découvert la petite annonce chez le coiffeur : « Agriculteur doux, quarante-six ans, cherche jeune femme aimant la campagne »…
Or cette nuit exhale, dès la première page de L’Annonce, la présence de ce « pays stupéfiant ». Annette la découvre ainsi : « La nuit de Fridières ne tombait pas, elle montait à l’assaut, elle prenait les maisons les bêtes et les gens, elle suintait de partout à la fois, s’insinuait, noyait d’encre les contours des choses, des corps, avalait les arbres, les pierres, effaçait les chemins, gommait, broyait ( …) Elle était grasse de présences aveugles ».
Avant d’arriver à Fridières avec son jeune fils Eric, c’est dans son Nord non moins âpre, à Bailleul, qu’Annette avait eu le sentiment d’être déjà broyée, « bombardée » par le monde actuel, laminée par une première vie avec Didier le violent, rêvant de recommencer une autre vie ailleurs. Celle-ci serait rude, elle le savait, Paul la lui avait racontée dès leur première entrevue à Nevers, et ce qu’elle découvre dans la maison de Paul : sa redoutable sœur Nicole et les deux grands diables d’oncles qui vivent là, défendant le clan contre l’étrangère et son fiston, lui oppose autant de farouches obstacles. Avec l’appui tenace et patient de Paul, l’ « intruse » va pourtant se rendre utile, bientôt appréciée même par les oncles, au dam de Nicole, vestale jalouse des lieux. Le sourd combat d’un parti contre l’autre, dans la maison divisée entre un « en bas » et un « en haut », et le combat entre l’ancien pays, qu’Annette apprend à aimer et respecter, et le nouveau, qui n’apporte pas que du bon, la place de l’enfant qu’une amitié vive rapproche de la chienne Lola, la vie de la nature et des gens, l’amour peu loquace qui fonde le lien d’Annette et Paul – tout cela est puissamment restitué par Marie-Hélène Lafon dont l’écriture flaubertienne et douce à la fois, précise et voluptueuse, à tout moment surprenante par ses adjectifs et ses tournures, relève du grand art. Sans donner dans le folklore rural, ce très beau roman, déjà récompensé par les libraires français, est l’un des « cadeaux » de cette rentrée.
Marie-Hélène Lafon. L’Annonce. Buchet-Chastel, 195p.


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