Je n'ai pas tant parlé que ça de la crise sur ce blog, un seul article au tout début je crois, dénonçant à l'époque une certaine inconscience de tous ces gens, politiciens et économistes compris, qui croyaient ou voulaient croire que la croissance pouvait être sans fin. Même après plusieurs mois de crise, l'idée d'une "croissance négative" (joli euphémisme inventé par nos gouvernants) passe mal auprès de beaucoup de gens, comme ces agents immobiliers que mon père forme, et qui gardent en tête que les prix ne peuvent que monter!
J'avais aussi, à ce moment-là, critiqué la folie des profits immédiats, et la "dématérialisation" de l'argent, qui ne repose plus sur rien de concret (bourse, etc)
Mais aujourd'hui, je vais plutôt parler de politique. De deux choses l'une: soit nos politiciens sont vraiment nuls à ch... en économie (ce qui n'est pas à exclure, je leur ferais bien une petite formation de compta basique pour apprendre à ne pas dépenser l'argent qu'on n'a pas...), soit ils sont totalement malhonnêtes (impossible!). Le plus flippant, c'est que je commence à croire qu'ils sont les deux...
Je m'explique: tout d'abord, cela fait plusieurs mois qu'on nous dit que la crise est finie, qu'on a "touché le fond" (pour reprendre l'expression utilisée par Christine Lagarde, notre ministre de l'économie, à la télé américaine il y a quelques mois), que la reprise commence (comme l'a dit Raffarin à la télé française, à l'occasion du dernier G20). Ce qui est totalement absurde: même si la bourse repart vaguement, les Français, eux, ne recommencent pas à consommer (pas si cons ; et ceux qui le voudraient, de toute façon, se font rembarrer par leur banque, qui veut rien leur prêter...). L'immobilier continue à dégringoler, et est encore bien au-dessus de la "normale" (définie par ce qu'on peut se permettre avec un salaire moyen).
Rappelons-nous que les Etats-Unis ont chuté pendant au moins deux ans, et rien ne dit qu'ils remontent de sitôt (les ménages mis à la rue par les banques ont peu de chance de consommer beaucoup ; de plus, une vague remontée de l'immobilier est en fait causée artificiellement par les banques en question, qui ont récupéré énormément de maisons mais les mettent sur le marché au compte-goutte, pour ne pas les vendre pour une bouchée de pain) En toute logique, nous décrirons une courbe parallèle à la leur, et descendrons aussi bas...
Pourquoi? Eh bien parce que, comme on nous le serine, la consommation est la clé de la reprise; et pour consommer, les citoyens (ou appelons-les plutôt consommateurs) doivent avoir confiance. Croire que les choses vont mieux, qu'ils peuvent arrêter de faire des économies (taxées par l'Etat) pour faire des emplettes (elles aussi taxées par l'Etat). Et ce que nos gouvernants ont trouvé de mieux pour donner confiance, c'est de... mentir, ou au mieux d'embellir la vérité. Tant pis si ça met en danger les premiers qui y croiront, tant pis si quelques uns y perdent tout. Et tant pis si cette belle stratégie risque aussi de leur faire perdre définitivement la confiance des consommateurs, si ceux-ci s'apercevaient de quelque chose...
Petite digression: autre magnifique démonstration de la clairvoyance de l'Etat, les hausses d'impôt, super incitation à la conso... Des hausses d'impôts? Mais Nicolas n'a-t-il pas promis qu'ils n'augmenteraient pas??? Eh si, mais là encore il s'agit de mots soigneusement choisis et d'une arnaque généralisée: les pourcentages de chaque impôt n'augmentent pas, mais les tranches de population imposables s'élargissent... Ce qui fait, au final, une augmentation du pourcentage moyen de fric du français moyen qui va à l'Etat.
Et dans le même genre, les banques qui ne prêtent pas volontiers, là encore, super idée pour relancer l'économie. Le petit consommateur moyen, quand il demande un crédit conso et qu'on lui dit que c'est trop risqué, pourrait bien avoir une étincelle géniale et se dire que tout ne va pas si bien que ça dans le meilleur des mondes... Quant aux entreprises, pas moyen non plus pour elles d'emprunter, ce qui ne va pas relancer la production... Mais pourquoi qu'on leur a donné du fric déjà, à ces banques? Parce que si elles s'effondraient, on allait dans le mur? Ouais, ben on y va peut-être quand même de toute façon, vu leur empressement à changer de moeurs...
Mais alors, la meilleure vient de sortir dans tous les journaux (Le Monde, Libération, les Echos, divers journaux économiques et financiers...): des jolis chiffres savants qui nous disent que le déficit va baisser, mais que celui de la sécu va monter, et que donc le rapport déficit/PIB va quand même augmenter. Et tous les journalistes recopient sans ciller le communiqué officiel, sans même sortir leur calculette... Attendez un peu de voir la vérif que mon père et moi avons fait!
Selon la déclaration de Fillon:
Déficit en 2009: 141 milliards ; déficit prévu en 2010: 116 milliards.
Déficit de la sécu 2009: 24 milliards ; 2010: 30 milliards.
Déficit/PIB 2009: 8,2% ; 2010: 8,5% (sachant que le PIB est resté assez stable).
Rien ne vous choque, vraiment? Eh bien ces chiffres sont totalement manipulés.
En fait, le déficit TOTAL en 2009, en comptant celui de la sécu, est 141 milliards, donc le déficit SANS LA SECU est 141-24=117 milliards. Par contre, 116 milliards représentent le déficit SANS LA SECU en 2010, le déficit TOTAL s'élèvera donc (selon les prévisions, souvent optimistes) à 116+30=146 milliards.
Là, on retombe sur nos pieds: 141 représente 8,2% environ de 1720, et 146 en représente 8,5%...
Il ne s'agit pas ici de faire dire n'importe quoi aux chiffres, art dans lequel nos représentants sont très doués; non, là c'est de la manipulation pure et simple: avec des chiffres qui empirent tous, on arrive à nous faire que la situation s'améliore. Qu'ils aient tenté le coup ne montre, encore une fois, que leur faible estime d'eux-mêmes et de leur fonction, et leur malhonnêteté congénitale; mais que tout le monde gobe ça sans poser de question, m'afflige au plus haut point.
La démocratie dépend de la séparation des pouvoirs, et ce n'est pas pour rien qu'on surnomme les médias le "quatrième pouvoir": leur indépendance et leur professionnalisme conditionnent les informations que chaque citoyen reçoit, et donc leur réaction...
A bon entendeur, salut!
Pour finir, juste une petite citation extraite de la pièce de théâtre "le Diable rouge" d'Antoine Rault (début du texte cité dans les Echos des 9 et 10 octobre), qui résonne étrangement dans le contexte actuel... Et qui me fait d'ailleurs penser à la réflexion finale de mon article Petites réflexions inspirées par la crise!
"Colbert: Pour trouver de l'argent, il arrive un moment où tripoter ne suffit plus. J'aimerais que Monsieur le surintendant m'explique comment on s'y prend pour dépenser encore quand on est déjà endetté jusqu'au cou...
Mazarin: Quand on est un simple mortel, bien sûr, et qu'on est couvert de dettes, on va en prison. Mais l'Etat... l'Etat, lui, c'est différent. On ne peut pas jeter l'Etat en prison. Alors, il continue, il creuse la dette! Tous les Etats font ça."