Je viens de faire les comptes : j’ai répertorié 875653 messages de courroux, et accessoirement de coucous, dénonçant en substance l’abandon dans lequel il semblerait que j’ai laissé l’élaboration de mon génial Dictionnaire Analphabétique*, qui plus est au profit de répansions* multiples sur des états d’âmes chronico-protéiformes et les probables conséquences d’inhalation répétées de fumées plus ou moins licites qui doivent sûrement les inspirer sinon à quoi ça servirait de se ruiner en poudre de perlimpimpin, sauf à errer, à esser, à etter, et à etcaetérater même quand ça pourrait réussir, en dépit des aléas de toute tentative de comprendre voire de ne pas comprendre comme si on comprenait malgré tout parce qu’en fin de compte, comme je le disais au début de cette phrase acrobatique, c’est le chiffre qui compte et que 875653 messages, c’est pas rien nonobstant que ce ne soit pas tout non plus.
Bref, et je mesure la malhonnêteté de cette locution légitimement soupçonnable d’abus caractérisé, je ne vais pas me faire prier davantage pour me livrer pieds et poings liés, ce qui va requérir une gymnastique dont hélas il vous faudra faire votre deuil de tout enregistrement filmé, pas me faire prier, donc, pour publier séant un article que nous ajouterons à la liste des vocables plus ou moins utiles, ou plus ou moins crétins, dont j’ai la prétention de faire l’offrande au monde qui ne s’y attend pas, en quoi il n’est pas exclu qu’il ait tort. Mais restons modeste.
Clairfoutument : adv. Du latin classique « clarus » ce qui a l’avantage d’être clair et du latin copulatoire « futuere » qui signifie avoir des rapports avec une femme. Stop ! Je vous voir venir avec vos espadrilles à crampons et vos sabots à bandes fluorescentes : non, clairfoutument ne veux pas dire que ce soit simple d’avoir des rapports avec une femme. Sinon ça se saurait. Je ne veux pas dire non plus que ce ne soit pas simple, je veux seulement dire que la question n’est pas là.
En fait pour saisir le sens profond de clairfoutument il faut au préalable, et au champs qui suit, décliner quelques peu les racines dont nous sommes partis. Autrement dit décliner « clarus » et « futuere ».
« Clarus », en clair, donc, clair, ne pose pas énormément de difficultés. Outre ce qui est transparent, limpide, éclatant, plutôt pimpant lorsqu’il s’agit d’une couleur, évident lorsqu’il s’agit d’une explication sur l’origine de l’étant dans la métaphysique des batraciens par l’éminent professeur de philosophie Aldegrombard Lassassenadivitch, ou encore semé avec parcimonie quant il reste de la place entre les grains, lucide si on est voyant et brillant lorsqu’on y aura tirer telle ou telle affaire, ce charmant vocable évoque également moult images plaisantes parmi lesquelles nous retiendrons notamment le clair de Lune cher aux amoureux et le clair de notaire cher aux héritiers.
Pour ce qui est de « futuere », littéralement « foutre » dans un langage agrémenté d’un lest de piment, le sujet est plus complexe du fait d’une propension galopante, si j’ose dire, qu’ont nos semblables, et ce n’est pas vous qui direz le contraire, propension donc à foutre, à envoyer foutre, à envoyer se faire foutre, et plus encore à s’en foutre. Je passe, afin de ne pas ajouter à la confusion sur le substantif qui en découle, (je vous en prie…), et qui désigne le substrat liquoreux dans le lequel se trouve la petite graine qui sous cette bénigne appellation a sauvé tant de parents lors qu’il leur fallait expliquer à leur progéniture désabusée que non, les enfants ne sont pas largués du haut du ciel par des cigognes plus ou moins myopes ou plus ou moins habiles. Ceci dit de ce foutre est né un grand foisonnement, pour ne pas dire un grand foutoir d’expressions à géométries diverses où les propositions de fornications jouxtent paradoxalement des invitations à aller le faire ailleurs, et parfois même avec quelqu’un d’autre, voire plusieurs autres, ce avec des intentions qu’on devine peu amènes au point qu’on se demande s’il n’est pas alors souhaité que des excès de transpiration ne couvrent les parfums de la sensualité. Enfin, bon : chacun ses goûts. Et puis si ça se trouve, quand quelqu’un envoie une autre personne se faire foutre, est-ce réellement ce qui se produit le plus souvent ? De même lorsqu’un tel ou un tel, quand ce n’est pas une telle, décide de s’en foutre cela a-t-il vraiment à voir avec quelque pratique onaniste dont je ne sais plus qui rappelait fort justement qu’après tout c’est bien le seul moyen de faire l’amour avec quelqu’un qu’on est à peu près sûr d’aimer ?
Mais je m’égare et pas qu’en double file.
De ce foutre on a extrait particulièrement un adjectif : foutu. Là encore nous allons pouvoir retapisser, enfin bon, recouvrir, bref, aborder quelques contradictions. A priori foutu signifie que d’une façon ou d’une autre on est allé se faire foutre. A moins qu’on ait fait ça, donc, tout seul. (C’est unisexe.) Il faut croire que c’est sensé abandonner le sujet dans un sale état puisque nous remarquons aussi qu’au bout de quelques dizaines ou centaines de milliers de kilomètres on dit souvent d’une voiture qu’elle est foutue. Je ne veux pas ici préjuger de la sexualité des automobiles mais dans la mesure où on ne trouve en général sous le capot que des chevaux et pas de juments on voudra bien agréer l’expression de ma perplexité. Et de ma curiosité accrue pour les étalons.
Mais je digresse alors qu’il n’y pas qu’en Grèce…
D’autant que foutu s’applique aussi à qualifier positivement certaines concrétions pluricellulaires de type humanoïde, (c’est unisexe), dont on a plaisir à remarquer que les proportions, longueur des jambes, fuseaux des cuisses, rondeurs fessières, hanches ondulantes, gorges opulentes ou thorax bombés, etcaetera, donnent moins souvent envie de les envoyer se faire foutre que de s’en occuper soi-même. On dit alors de l’impétrante, ou l’impétrant, qu’elle est ou qu’il est bien foutu. Ce qui n’est pourtant pas si sûr tant qu’on ne s’est pas encore exécuté !
Par extension, manière de parler évidemment, on attendra donc l’exécution pour constater que foutre avec un sujet déjà bien foutu, ça peut être foutument bon. Et dans un grand élan de cet enthousiasme qui nous étreint quelquefois nous pourrons désormais souligner l’évidence de l’émoi en assurant que c’était clairfoutument bon.
Nous y sommes.
Clairfoutument, adverbe invariable alors que souvent femme varie et les mecs c’est pas mieux, est donc un tout nouveau mot qui nous permettra désormais de mieux attester en de multiples circonstances de notre contentement, de notre satisfaction, de notre éblouissement.
Toutefois, comme tout n’est pas toujours miel et jasmin dans notre mal foutu monde, on omettra pas d’envisager l’usage de cet adverbe tout neuf dans des cas moins jouissifs que celui précédemment évoqué.
Par exemple :
L’accession à la tête d’un puissant organisme de gestion urbain et immobilier de l’aîné de la progéniture d’un Méprisant de la République grâce aux entremises dudit chef d’Etat en vue de favoriser l’accédant et divers réseaux d’intérêts privés qui leur sont liés sur des modes qui confinent à des comportements mafieux, c’est clairfoutument un scandale.
Comment Madame la Ministre de la Santé Privée, ou en voix de le devenir, va-t-elle gérer l’attitude clairfoutument anti-citoyenne de nos compatriotes qui s’acharnent à ne pas vouloir attraper la grippe A à grande échelle, risquant ainsi de ridiculiser tous les efforts gouvernementaux déployés depuis des semaines pour faire croire que cette épidémie, en passe de s’avérer imaginaire, devait faire quelques milliers de morts dans notre pays ?
Afficher dans la vitrine d’un discours, avec une constance presque disciplinaire, un slogan promouvant l’intention de faire de la politique autrement et n’avoir aucun stock de ce même produit dans son magasin ne revient-il pas à se moquer clairfoutument du monde ?
Voilà, j’espère que vous avez clairfoutument compris : sinon relisez.
Ca va bien finir par venir !
* Déjà entré dans mon beau dico. anal. (Si vous suiviez un peu !?!)