ou La fin d’une époque
Un entrefilet dans un journal.
Une banale histoire.
Une dispute entre deux hommes qui se croisent sur une route.
Violence, rancoeur, détermination…
Le premier eut un coup de sang, et de sang-froid, son sang n’ayant fait qu’un tour, il y eut effusion de sang,
Ces détails sanglants me glacent le sang.
Un incident stupide donc, l’une de ces histoires sur lesquelles habituellement je ne me penche jamais.
La rubrique des chiens écrasés…. c’est bon pour les populeux, les sans passions, les hommes-vampires, avides du sang qui coule à flot dans les journaux.
Sauf que ce fait divers-là me ramène de plein fouet dans le passé, à grande vitesse, comme une claque.
J’ai de nouveau dix-huit ans, vingt-ans, vingt-deux ans.
Je me souviens….et puis j’oublie….
A quoi me sert de remuer ce passé ?
Aujourd’hui l’un d’entre nous est Delta Charlie Delta.
Il est parti sur la route, il s’est fait avaler par elle. Il ne reviendra pas.
La dernière fois que je l’ai vu, c’était il y a longtemps,
Ce jour-là, il était derrière un écran d’ordinateur.
Il a du se perdre quelque part dans le paradis des gamers.
C’est le premier d’entre nous à partir. Il était aussi le premier à être partant.
Comme quoi, quand on a un modus vivendi, on s’y colle toute sa vie.
Vieux réflexe? Naïveté de jeune sensible seule dans sa chambre quand elle apprend la nouvelle ?
Je contacte les amis communs… partage de peine ? Nostalgie ?
Mais je découvre que certains ont même oublié que j’étais dans le tableau.
De nos souvenirs communs, je me vois effacée, inexistante, jamais été là… d’ailleurs, on ne m’a pas appelée.
Pour recevoir finalement des détails macabres envoyés par texto.
Les mots m’explosent à la gueule, sortent de l’écran de mon téléphone pour atterrir tout droit dans la partie du cerveau où j’ai toujours dix-huit ans.
Je ne peux rester sur un texto. Je téléphone. Entendre une voix d’un être qui me fut cher.
Cela sonne dans le vide. Mon correspondant ne répond pas. Sciemment.
Il y a comme un grand sentiment de solitude qui m’envahit. Une déchirure face à la réalité de nos existences.
Nous étions une bande de jeunes.
Et comme chacun sait, dans les bandes de jeunes, les filles, ça ne compte pas.
A présent, l’un d’entre nous est mort.
Mais en réalité, ne sommes-nous pas déjà tous morts les uns pour les autres depuis des années ?
Je crois qu’au fond, c’est cette réalité-là qui, cette nuit, me fait pleurer….
R.I.P Steph….