Un besoin de Mal

Publié le 14 octobre 2009 par Csp
Puits sans fond de consternation, autel de décrépitude pour le cas social que je suis, réduit à éructer mes déchéances de facho rouge qui aimerait qu'on l'opprime sur un Ouèb qui ne fait preuve jusqu'ici que de désintérêt, source d'inspiration douteuse pour mes moments de doute sexuel et de pannes d'érection, qui rencontre si peu de femmes que j'en viens à fantasmer de passer trois heures à être un peu sympa et marrant (oui, c'est mal parti) avec une étudiante de Science-Po dans un bar du centre-ville comme tout exutoire à ma frustration cumulée, véritable Sanibroyeur de la Pensée où s'ébattent deux catégories d'articles, 1) ceux dans lesquels je me crois intéressant en étalant la navritude abyssale de mon (in)existence, 2) ceux dans lesquels, fortement imbibé après un second monaco, je m'imagine en donneur de leçons, distributeur de baffes et procureur-juge de tribunal stalinien, moi la grande gueule à l'abri derrière mon clavier mais totalement paralysé de noire angoisse dès qu'il s'agit de passer à l'acte en quoi que ce soit, pignouf qui ne vit que dans ma tête en sollicitant intensément mon poignet gauche (et le droit les week-end, je suis une salope), pavillon virtuel d'un résidu de la pensée ambiante anti-tout convaincu pourtant d'être un rebelle, mon blog - mon cher blog, sombre... et la Réacosphère est ma dernière planche de salut, mon dernier espoir pour raviver autre chose que les ricanements à chacun de mes nouveaux posts nombrilistes. Il va de soit que le présent article tombe dans la seconde catégorie... Ma tentative de renouvellement tombe déjà à plat.
Mon lectorat moqueur connaît donc le délicieux Xyr, pur produit de la frustration post-ado tendance dépressive qui trouve que le fascisme, finalement, c'est la dernière provoc, tu'ois. Avant de monter dans sa chambre pour écouter Radiohead - groupe sans intérêt pour minets prétentieux - en rédigeant de pompeux billet sur un blog d'une rare cuistrerie. Et à l'occasion du match qui n'a pas eu lieu entre une équipe de Créteil et le Paris Foot Gay, notre guichetier de banque/étudiant en informatique - et lecteur de Nietzsche, et dragueur de khâgneuse par webcam, que de talents a ce garçon, décidément, ça m'en donne des gouzis-gouzis partout...- de se lâcher grave sa mère en exprimant le fond (?) de sa, euh, "pensée", voilà :
"je me délecte. Voir ces pourritures antiracistes devenir les victimes de l'islamisation de l'Europe dont ils sont eux-mêmes les responsables, c'est juste délicieux. Et le festin atteindra son apogée lorsque ces pédales se feront lyncher tous les jours dans la France devenue majoritairement musulmane et qu'ils continueront de dire "Ah bah j'comprends pô !". Miam. Pour finir, et c'est là l'essentiel, je me dis que ça doit quand-même être difficile pour un homme hétéro d'assumer le fait de jouer au Paris Foot Gay : serrer les fesses dans les douches après chaque match, faire face à sa femme le soir..."
Oui. J'admire en secret sa verve. J'ai bien dit sa verve, zut.
Or, rezut, voilà qu'il semblerait que quelqu'un se soit quelque peu ému de ce passage et menace mon Xyr des foudres de la justice. De plus, la LICRA elle-même commencerait d'intervenir dans l'histoire. Diantre. Que penser de tout ça ?
La perspective d'un procès apparaît il faut l'avouer assez improbable ; on peut supposer que l'engorgement des tribunaux et d'une manière générale la charge de travail de la police - de moins en moins d'effectifs, de plus en plus de choses à faire, et la pression constante du "chiffre" - vont probablement faire que les choses en restent là. Bon.
Où, au milieu d'improbables bourdieuseries sempiternellement ressassées, veux-je en venir ?
Au fait qu'on peut tout dire, absolument tout et surtout n'importe quoi, du moment que personne ne vous prête la moindre attention.
Un exemple complètement au hasard : moi.
Depuis bientôt 3 ans (déjà ! Eeeeeeet oui...), je ne fais que me répandre en éructations diverses et variées promettant le pire du pire du fascisme rouge à ceux que je n'apprécie pas, à savoir les 9/10ème de la planète ou à peu près. Les banquiers ? La corde. Les publicitaires ? À faire dévorer par des cochons. Les libéraux ? Au goulag. La droite ? En Corse. Les hippies ? Le napalm. Les journalistes ? Au pilori avec des enfants leur lançant des cailloux pointus au visage en riant. Les financiers ? Qu'on les envoie en Irak se promener nus dans des champs de mines. Etc., etc., etc., me revoilà en train de me palucher en m'imaginant, tel Che Guevara dirigeant cigare au bec et vodka à la main les exécutions au camp de la Cabaña en jouissant du spectacle, plus de 1300 billets là-dessus, à boire et à manger, servez-vous y a du rab.
Et ?
Quelles en sont les conséquences ?
Rien.
Keud.
C'est véritablement consternant, en fin de compte : pas une plainte. Pas une vraie menace.
Même pas l'ébauche d'un commencement de morigénisation. Au mieux une bande de trolls faisant caca dans les commentaires, par vagues, le reste se contentant de hocher de la tête comme des Pez. Franchement, est-ce bien la peine de se donner tout ce mal ? Mon autre blog que je voudrais tant subversif et comique visité par 12 personnes à tout casser, pasticheurs inclus, sans provoquer le moindre début de remous dans la blogosphère ?
Aww...
Le contraste avec Xyr... Tout ça me mine. Me voilà tout déprimé, snif.
Mais c'est peut-être aussi pour une raison simple. On peut dire absolument tout ce qu'on veut, sur 'Ternet. Vraiment tout. Mais encore une fois, à condition d'être insignifiant. Il y a des limites à ne pas dépasser. Il y a des règles, non formulées, écrites nulle part, mais néanmoins existantes et présentes, et dont il faut tenir compte sous peine d'avoir des lecteurs et d'être reconnu, et tous les embêtements que ça entraîne (une vie sociale ? J'ose à peine espérer).
Et je suis toujours loin de la limite, bien à l'abri d'assumer la responsabilité de ce que j'écris. Je joue avec cette liberté que me donne l'inexistence. Je me permets même de pondre des articles ouvertement fachos avant de clamer que c'est pour de rire. Un billet bien haineux ? Un billet sur n'importe quoi. Un autre bien huileux de rage infantile ? Une vanne. Une analyse resucée du reste de la blogosphère avec quelques gribouilles de ma patte ? 36-15 ma vie et une vidéo de mauvais goût dans la foulée. Premier, deuxième, quatorzième degré ? Sincères convictions ou ironie ? Stupidité perverse ou bêtise assumée ? Ou les deux ? Cartes brouillées, niveaux de lecture, billets destinés à une seule personne en particulier - pense à moi par pitié et donne-moi une preuve que tu me vois, un coup suffira - mais lus par des centaines dizaines quelques autres qui y verront d'autres choses à se mettre sous la dent, alternance sans mesure de mauvaise foi à retardement et de naïveté risible, mise en scène de l'ego et morceaux de vérité navrante toute crue, poses de matamore dérisoire et aveux intéressés de fragilité...
Oui, il m'arrive par moment d'être lucide dans mon désespoir d'exister et de compter.
C'est pour ça qu'au final, je suis très inquiet pour la survie de ce blog, et que je lance cet appel à l'aide à la réacosphère.
Mais bon, il y a aussi une autre raison à ce que je vise Xyr et pas une lopette du "N"PA :
Moi, je fais partie des Gentils. Et lui il fait partie des Méchants. Et j'ai désespérément besoin qu'on soit méchant avec moi.
Je suis complètement sincère en écrivant ça.
Croyez moi.
Alors par pitié, frappe-moi, Xyr, frappe-moi fort que j'ai l'impression d'exister.