Je ne sais pas pourquoi mais il y a un courant de pensée qui veut que les
enseignants soient d'anciens bons, que dis-je, d'anciens excellents élèves... Alors, certes, on n'a sans doute pas fini le collège avec 5 de moyenne générale... on a eu notre bac et on a fait
quelques années d'études après... mais, cela veut-il dire que nous sommes tous des génies ? Non... je ne pense pas et je vais plus loin, je suis persuadée du contraire.
Je ne dis pas qu'il n'y a pas dans le corps enseignant des gens qui s'en sont toujours sortis haut la main dans toutes les matières, ça existe. Mais, perso, ce n'était pas mon cas. J'ai redoublé
en CM2 à cause des maths... Je n'étais pas nulle mais bon, on ne peut pas dire que je brillais non plus. Arrivée au collège, toujours en maths, j'ai eu des difficultés, bien plus que dans les
autres matières... pareil, pas nulle mais quand même. souvent décevant et laborieux... Et au lycée, j'avais quelques ambitions scientifiques que j'ai rapidement dû laisser derrière moi parce que
là, oui, j'étais nullissime ! J'ai connu les notes catastrophiques, le stress de la copie blanche, le cerveau qui n'en peut plus d'ingurgiter une matière détestée. Alors, quand j'entends des
collègues dire qu'en tant qu'anciens bons élèves, les profs ne peuvent ni comprendre ni compatir aux souffrances des élèves en difficultés, je m'insurge.
Mais, aujourd'hui, c'était encore mieux... la principale estime que n'importe quel prof est capable de faire les exercices de math des élèves de 6e et qu'en gros, si ce n'est pas le cas, c'est
que le prof en question a de gros soucis. Eh bien pourtant, je ne suis pas toujours capable de le faire. La 6e, pour moi, c'était il y a 27 ans. Entre temps, les méthodes ont évolué, je
suppose... j'avais 12 ans, comment j'ai retenu ce programme ? Qu'est-ce qui m'en est resté, concrètement ? Et puis, je n'ai (pas) plus le vocabulaire spécifique pour expliquer certaines notions
même si je suis capable de les comprendre., sans jamais en être sûre à 100%. De plus, il y a des consignes mathématiques qui sont explicitées de manière tellement particulière (propre aux profs
de math qui font leur boulot correctement, je n'en doute pas) que je ne les capte pas. Ou en tout cas, pas comme ça, à froid... Et puis, et ce n'est pas le moindre problème, il y a les notions
qu'on n'a soi-même jamais comprises et qu'on ne risque donc pas d'enseigner correctement à d'autres. Cela sous-entendrait que tout prof peut tout faire... et allez donc !
Imaginons les gens qui n'ont jamais fait d'allemand ? On va leur dire que le niveau d'allemand de la classe de 4e n'est pas si difficile, ce sont les bases. Oui, sauf que quand on ne connaît pas,
même les bases, c'est compliqué et puisque seul "ce qui se conçoit bien s'énonce clairement" donc on ne peut expliquer à qui que ce soit quelque chose qu'on ne maîtrise pas soi-même. Je ne
maîtrise pas les maths. Même les exercices de 6e me demandent une certaine réflexion... mais putain, y'a 20 ans que je n'ai pas fait de maths !!! pour prendre un autre exemple, imaginez 20 ans
sans lire un seul mot d'anglais, 20 ans sans entendre une seule phrase en anglais... même si vous aviez 18 de moyenne en anglais, en 6e, vous seriez bien incapable de vous en sortir ! Et je
n'avais pas 18 de moyenne en maths, ni en 6e ni après...
Alors quoi ? Je suis débile ? Je suis nulle ? Je suis plus conne qu'un élève de 6e ? C'est quoi le sous-entendu ? Qu'on me laisse en charge des maths au collège et on verra le résultat ! C'est
vrai que peut-être un prof de maths pourrait enseigner le français parce qu'après tout, il parle français, hein... Oui, mais connaît-il la littérature ? Que sait-il précisément de la façon dont
on étudie une oeuvre littéraire ? Peut-être que le prof de maths non plus n'était pas génialissime en français, même en 6e !
On s'est tous spécialisés à un moment, dans notre cursus... même les excellents élèves ont fait des choix et donc, sont plus à l'aise maintenant dans un truc ou un autre... mais, comme ils ont
toujours été excellents, sans doute sont-ils capables de faire des exercices de maths de 6e ou d'apprendre l'allemand aux 4e... peut-être. J'ai entendu des collègues de maths qui reconnaissent
avoir eu des notes catastrophiques en langues ou en dissertation au bac de français... ils ont souvent eu leur bac malgré ça, évidemment, parce qu'ils étaient bons ailleurs... et puis, ensuite,
ils ont eu de bons résultats en se spécialisant et en laissant donc complètement tomber la littérature et tout ce qui ressemblait de près ou de loin à des trucs littéraires. Eh bien, moi, j'ai
laissé tomber les maths... et je ne regrette pas de l'avoir fait. Je n'ai pas été un génie dans mes études mais j'ai réussi, et sans ces foutues maths alors qu'on ne vienne pas me demander
maintenant de faire des maths en sous-entendant que pour rater un exo de 6e il faut être un peu con sur les bords et même au milieu !