Après plus d’une semaine à Rabat, nous partons le 4/10 et mettons le cap directement sur les Canaries. Une depression modérée et stationnaire au large des côtes génèrera de la pétole près des côtes ou du SW contraire plus au large pendant la plus grande partie du trajet. Nous sommes désormais en Atlantique comme en attestent les mouvements souples et amples de l’Océan ainsi que la facilité de lecture du ciel et des conditions meteo. Pendant trois jours, nous louvoyons vers le sud au plus près du vent alternant de longs bords au large vers le centre de la dépression, afin de toucher de l’air, et des retours vers la côte jusqu’à ce que ça devienne vraiment trop mou. En la contournant ainsi par son est, le vent commence enfin par adonner et à nous positionne sur la route directe. L’avant dernière nuit, le vent redevient portant. Au final, au moins 650 milles parcourus assez laborieusement en presque 5 jours au lieu des 450 de la route directe. Faire au plus court près de la côte marocaine aurait nécessité des dizaines d’heures de moteur..
Les journées sont douces mais les nuits fraiches et saturées d’humidité. Les enfants ont enfin compris qu’ils ne pouvaient rester cul nus et acceptent de mauvaise grâce d’enfiler pantalons, polaires et cirés. A part ça, ils ne souffrent aucunement du confinement ni du mal de mer qui touche durement BY pendant deux jours. En plus de cela, elle a contracté une bonne grippe. La pêche est toujours aussi désespérante malgré les conseils prodigués par Grégoire qui pourrait ouvrir une poissonnerie itinérante tant ses prises dépassent de loin ses besoins. De mon côté, toujours rien sinon les habituels sacs plastiques et autres déchets du genre. Une mouette pourtant me prouve qu’un être vivant doté d’un QI limité, peut s’intéresser à mes leurres. Elle s’acharne dessus au point de s’emberlificoter dans la ligne. Je la laisse faire le cerf volant derrière le bateau un moment puis fatiguée passer au sous marin pendant une bonne dizaine de minutes. HS, si elle vit toujours, j’espère ainsi éviter ses coups de becs. Malgré un tel traitement, la stupide et increvable bougresse est toujours vivante et se débat encore alors que je la libère. Sinon, mon enrouleur rend l’âme. Coincé sans raison apparente, les billes des roulements tombent sur le pont lorsque je le débloque et le tambour n’est plus solidaire de sa base. A réparer. L’ensemble reste heureusement utilisable en l’état jusqu’à destination.
L’atterrissage au petit matin dans le chenal qui sépare Lanzarote et Graciosa est sublime. Alunissage serait d’ailleurs plus juste. Sabloneuse, plane, déserte et jalonnée d’anciens volcans, Graciosa semble plutôt appartenir à une autre planète. Lanzarote en face, plus abrupte mais tout aussi désolée ne dément pas cette impression. Je pensais n’y passer qu’une nuit de repos avant de repartir sur Las Palmas mais nous y restons finalement 4 jours. Quatre jours reposants et agréables où la perspective d’un
changement d’équipage, solution principale envisagéepour laisser passer la tempête, s’efface peu à peu. Nous resterons finalement tous les quatre. Playa Fransesca où nous posons la pioche, ravit les enfants, privés de nature et de plage depuis Formentera. Des
voiliers rencontrés aux escales depuis Ceuta nous rejoignent et, pour quelques jours, un village à flot de romanos des mers se forme. Tequila régale tous les bateaux en partageant l’espadon de 2.20m qu’il a peché sur le route, nous le degustons chez Richard de Baloo, pendant que Thao et Ewen font la foire avec Demian, leur fils de 3 ans. Aperos chez les uns ou les autres, bouffe sur Galapiat aussi, discussions sur la plage entre équipages pendant que les enfants jouent les uns avec les autres - ils sont relativement nombreux ici -, exploration des baies voisines pour plongée sur les recifs; chasse au calamar dans les cailloux à marée basse avec les enfants, occupent ces journées de robinsonnage. 120 milles pour Las Palmas, dernière étape avant le Brésil où il est possible de s’approvisionner en tout et de réparer l’enrouleur ainsi que d’autres bricoles. Le vent est très mou sur l’ensemble du trajet et nul pendant les dernières heures mais le spi, que je décide de garder la nuit, nous permet d’éviter de nombreuses heures de moteur tout en cheminant à bonne vitesse. Et enfin, je pêche. Les deux lignes tapent des Coryphènes. L’une se détache avant même que je puisse la crocheter. Thao et Ewen s’extasient devant la prise et m’assistent religieusement pendant que je vide la bête et débite les filets. Au mouillage derrière les brises lames, devant la ville et à côté des marinas qui sont de toutes façon remplies ou bookées pour les 200 bateaux qui partiront le 15/11 pour Sainte Lucie dans le cadre de l’ARC (Atlantic rally for cruisers), j’ai hâte que nous bouclions le programme de travail prévu car si la ville est commode pour toute question logistique, elle est absolument sinistre et sans intérêt. J’espère pouvoir en décoller le 21, avitaillement fait, une fois les pièces de profurl reçues et l’enrouleur remis en place.