A ma muse écorchée

Ô toi ma muse, toi mon écorchée qui saigne sans plaie, mon ange rouge, moi ton vampire, ta litanie, ton refrain.

Je regarde le monde que je te créé et je m’excuse. Qui suis-je pour de talent aspirer quand sans toi je ne suis ni doué ni d’antan. Sans toi, pour toute évidence je ne suis rien. Sans toi, il n’y a qu’un monde gris et sans saveur, un monde uni pour me faire peur, un tam-tam de guerre qui m’effraie par sa clameur. Sans toi, il n’y a pas de besoin ni d’envie. Vis.

Mais le destin d’un écrivain, d’un artiste, n’est-il pas de perdre son talent quand de ses pensées il n’a pas plus le relent ? Me pardonneras-tu ne n’être plus quand nous seront enfin l’un à côté de l’autre, l’un dans la main de l’autre ? Il te faudra ma muse, mon amour, continuer de réclamer, de supplier pour quelques mots s’il faut que je n’oublie d’écrire car dans le bonheur, je n’en aurais plus besoin. Tu es le lit de mon torrent, le guide de chaque tremblement.

Au coin du feu, me regarderas-tu comme promis, me contempleras-tu dans ma lutte d’écriture, dans ma quête de mots, dans ma guerre d’expression. Tu me l’as promis un jour du bout des lèvres, je t’en remercie.

Aujourd’hui tu saignes sans plaie, et je suis là sans paix, sans possibilité de te réconforter autre que par des mots. Qu’ils me semblent futiles en ce moment, sans force ni caractère, sans profondeur. J’aimerais déposer ici bas sur la feuille mon propre sang pour que tu saches que je saigne avec toi, pour toi.

Un jour viendra tôt où nous serons ensembles, au bord de l’été, posé sur un banc de lierre, à écouter la nature nous chanter sa bénédiction. Je t’en fais la promesse, nous frissonnerons ensemble de la rosée du matin. Nous rirons ensemble du soleil moqueur qui nous enjôle de couleur.

Ô toi, ma muse, mon amour… Ne ferme pas les yeux, ne ferme pas les bras.

J’ai besoin de ton regard.

J’ai besoin que tu m’enlaces.

J’ai besoin de toi.

— Eleken