Conférence prononcée dans le cadre du « Congrès sur l'avancement et le développement de la Grand'Anse », à Ottawa, Canada, le samedi 25 juillet 2009.
En acceptant l'aimable invitation de mon camarade Georges Séraphin, l'organisateur du congrès en cours, je ne m'attendais pas à une telle opportunité de pouvoir exposer une idée qui me trottait toujours à l'esprit à savoir : « Pourquoi notre communauté est-elle si mal représentée au niveau économique par rapport aux autres immigrants arrivés plus tard que nous au Canada? ». Au croisement des chemins de deux haïtiens en diaspora, l'un ne laissera jamais partir l'autre sans conclure leur salut conventionnel en s'enquérant des nouvelles politiques de la terre natale. C'est un leimotiv. Aujourd'hui, le sujet sera d'une toute autre nature. Nous délaissons la politique pour nous interroger sur notre échec économique dans notre pays d'adoption. C'est une démarche, à mes yeux, tout à fait pragmatique, puisque, « l'être humain, selon Dominique Sahed, ne peut rester sans explication. Il lui faut de l'ordre. Laissé à lui-même, il cherche des réponses ». Si le sujet ne vous laisse point indifférent, vous aurez l'occasion, à votre convenance, bien sûr, de compléter l'exposé par vos questions et participer à la discussion.
Mon premier emploi, à la « Banque Fédérale de Développement du Canada », consistait à analyser les états financiers des compagnies désirant obtenir un prêt commercial. L'idée de me retrouver, dans l'exercice de mes fonctions, devant une entreprise fondée et dirigée par un haïtien, me fascinait au plus haut point. Pendant deux ans, cette vision fantaisiste pour d'autres et importante pour moi, ne s'est jamais matérialisée.
Plus tard, suis rentré au service du Gouvernement du Québec en tant que Vérificateur Fiscal. J'y ai travaillé pendant près de trente ans à analyser les livres et documents comptables des moyennes et grandes entreprises En plus du Québec, je visitais souventes fois Toronto où les coins limitrophes de l'état de New York, tel par exemple : le Vermont, le New Hampshire… pour vérifier les livres de celles qui sont en affaires au Québec et dont le siège social se trouve à l'extérieur de la Belle Province. Là encore, aucun Haïtien ne trônait à la barre. Mon désir ne fut pas plus assouvi outre mesure. Jamais, pendant près de trente ans, je n'ai rencontré un de mes compatriotes à la tête d'une de ces centaines de boîtes visitées au cours de ma carrière.
C'est une énigme qui m'avait toujours interpellé et m'interpelle encore présentement. J'ai effectué des recherches personnelles au niveau des institutions du pays. Mes découvertes furent effarantes. Le revenu moyen per capita de l'Haïtien se situe en dessous du seuil de la pauvreté. Au niveau entrepreneurial, nous sommes devancés par d'autres communautés arrivées plus tard dans nos sillages, par exemple les Vietnamiens, pour ne citer que ceux-là. Économiquement, nous sommes faibles. Par contre, intellectuellement, nous sommes riches. Notre taux de diplômations est plus élevé que la moyenne nationale par communauté comparée. Grâce à ces diplômés, nous avons donc dans la diaspora, un outil privilégié capable de nous propulser vers le succès et renverser la courbe de l'échec économique susmentionné.
Immigration et économie
A ce que je sache, les Haïtiens n'émigraient pas en vague successive seulement à partir de 1970 comme certains l'imaginent. Non, bien avant 1804, les colons surpris par la guerre de l'indépendance prenaient la fuite avec plusieurs de leurs plus fidèles esclaves pour se réfugier dans les pays avoisinants et surtout aux Etats-Unis, en Louisiane plus particulièrement. Si mes souvenirs livresques s'avèrent exacts, au palmarès des locataires du Palais national d'Haïti, ils sont extrêmement rares les ex-présidents qui ont fini leurs vieux jours sur leur terre natale. Rares aussi, ceux qui sont partis les poches vides, à part, bien sûr, Élie Lescot qui a vécu dans la misère noire au Québec, s'il faut citer Charles Dupuis. Donc, où sont passés ces millions emportés en catimini sur la terre étrangère? Ont-ils été consommés en nourriture seulement? La progéniture de ces ex-dirigeants, les rejetons des premiers exilés économiques, politiques…etc, étaient-ils guidés par la même maudite étoile? Étaient-ils allergiques à l'entrepreneurial? Ce sont toutes des interrogations qui me reviennent sporadiquement à l'esprit et dont la réponse se perd toujours dans la brume.
Pour mieux cerner le sujet, jetons en premier lieu, un coup d'œil rétrospectif sur notre pays en ouvrant les tiroirs de l'histoire pour mieux saisir les paramètres de l'éducation commerciale offerte à l'origine. En second lieu, nous élaborons sur les avantages de notre présence en diaspora, en rapport à la situation sociale, politique, juridique, économique du pays d'accueil dans une perspective d'enrichissement collectif. Pour conclure, nous comparerons nos rêves de transition à l'exemple d'une petite communauté qui, comme la fourmi, au fil des siècles, a réussi à surmonter les traverses inopinées de l'histoire pour s'imposer aujourd'hui au premier rang des puissants de ce monde et ce, sur tous les plans.
Historique de notre éducation
Aussi loin que nous pourrons remonter dans l'histoire, nos aînés, n'avaient presque rien appris en guise de préceptes d'économies à la petite école ou dans son environnement immédiat. Avant 1950, ils ont été mal formés et très mal encadrés sur cet aspect. Cette entorse à l'économie n'est pas un accident de parcours. Elle est due à deux évidences : 1- une certaine illusion de l'élite obsédée par la modernité et par la reconnaissance de la nation que le pays a vaincue. 2- un calcul politique de cette dernière conduit avec maestria. Haïti a commis l'impudente et monumentale erreur de confier l'éducation de sa progéniture à des hommes qu'elle avait magistralement combattus, en l'occurrence, les Français.
Ces vaincus, une fois le fabuleux contrat en poche, n'avaient qu'un objectif en retour : « porter l'haïtien à consommer français, à penser français, à vivre en français », tel fut le sophisme appliqué en Haïti par la diplomatie française pour établir son hégémonie dans les Antilles en vue de conserver ses autres territoires. Haïti est devenue une nouvelle fois une victime de la « double pensée ». « C'est cette pratique, comme l'a décrite George Orwell, qui consiste à manipuler l'esprit des hommes en remplissant les mots d'un autre sens, comme de bons petits plats ». Il revient alors, à Aimer Césaire de renchérir en confirmant : « Et la voix prononce que l'Europe nous a pendant des siècles gavés de mensonges et de pestilences…». De là, à applaudir, à honorer chaque petit nègre qui rédige un premier poème en français, ils n'y vont pas par quatre chemins. Ainsi, les scribouilleurs de tout poil de la jeune nation se voyaient déjà couronnés par l'Académie Française. Pauvres idiots, ces frérots! Le bon parler français est de rigueur. La langue créole est honnie. Si tu ne peux imiter le langage du Blanc, t'es hors jeu. Petit à petit, lentement, de génération en génération, l'haïtien dédaigne sa propre culture pour embrasser celle imposée, cette fois, en douceur. Et le tour est joué. Le peu de souvenance qu'on avait de l'Afrique s'est évanouie dans les vapeurs de l'affectation des supposées bonnes mœurs, jusqu'à frôler la singerie. N'était-ce l'acharnement d'Aimé Césaire², de Léopold Sédar Senghor¹ et du Dr Jean Price Mars³ par leur concept de la négritude (4), l'Haïtien aurait enterré l'Afrique une seconde fois.
Conséquemment, le vaincu continue de piller le pays en nous endormant. Avant 1950, aucune école de commerce n'a été créée pour l'avancement des affaires. Des bourses d'études en sciences humaines et en belles lettres dans les capitales parisiennes pleuvaient en trombe sur l'élite intellectuelle et administrative du pays. Des écrivains émérites, des romanciers, des poètes, Haïti en a produit à la tonne. Des sorbonnards chômeurs, des oisifs instruits, elle en a produit aussi dans la même grandeur. Tous, indistinctement, demeurent en réserve de la république en caressant le rêve, d'être, un de ces quatre, au timon des affaires de l'État. Le gros du commerce a été laissé aux étrangers ou à une classe d'Haïtiens qui croient à tort, qu'ils n'ont aucune racine avec le bois d'ébène ou le « rural » de l'arrière pays. Le commerce au détail a été récupéré par un groupe de sous instruits dénués de vision, avec pour toute arme, la débrouillardise et l'espoir. La jeunesse instruite ne daigne se tourner vers ce créneau. Depuis la petite enfance on lui a appris à avoir du mépris pour le business. D'ailleurs, dans le vocable haïtien, le terme anglais «business» ou «businessman» n'est pas trop flatteur.
Rappelons-nous aussi le rôle, non négligeable, de l'église catholique dans cette fausse modestie tant prêché. Le « péché de l'avarice » n'a pas été inventé pour le plaisir des pauvres, mais pour mieux les souder à leur déchéance. Et Honoré de Balzac ne saurait si bien ironiser à l'époque : « L'avarice commence là où la pauvreté cesse ».
La conclusion ne se fit pas attendre. Il en résulta une lutte de classe entre mulâtres et noirs, entre commerçants étrangers et commerçants mulâtres. Le pays a fonctionné à l'envers du système capitaliste qui fait le bonheur des pays environnants. C'est la faillite sur tous les plans. Cette dichotomie exerça un impact dévastateur sur le moral des habitants. De crise en crise, année après année, les Haïtiens prennent le large et s'exilent vers des terres supposées promises. Se sont-ils repris en mains. C'est ce que nous allons découvrir.
Exilé ou immigré.
Accolez-lui le titre que vous voulez, exilé, immigré, que sais-je? Sur sa terre d'adoption, l'Haïtien, déçu, frustré, désillusionné, sans culture économique, sans esprit d'entrepreneurship ou du risque est un peu perdu. Étant étranger, son élément de fascination et de prédilection, l'objet de ses tourments, en l'occurrence, la politique d'Haïti, est loin de sa portée. Donc, comme l'oiseau blessé, il se cache pour mourir. N'ayant plus confiance en lui et en ses frères, il opte pour l'individualisme à outrance. Il a peur de son ombre. Il mène une vie plus ou moins rangée. Il travaille du matin au soir et s'achète en attendant un bungalow en banlieue de la cité et pense au retour à la mère patrie; une pensée chimérique empreinte de nostalgie dont la date de matérialisation ne figure sur aucun calendrier. En conséquence, il se paie de la fausse monnaie de ses rêves.
Or, quoi de mieux, que de se retrouver dans un pays mille fois mieux organisé que le sien, et ceci, sur tous les plans. Avec un esprit ouvert, l'Haïtien aurait commencé par faire l'apprentissage théorique de la politique du « vivre en frères», l'apprentissage de la démocratie, de la justice, de l'administration nationale, provinciale et municipale dans toutes leurs facettes. Non! Il est en colère, contre qui, contre quoi : lui-même l'ignore. Ce qu'il oublie surtout, c'est que la colère est souvent ingrate. Elle déforme la perception et ne détruit que son maître.
Dans la réalité, le pays d'accueil laisse ses portes grandes ouvertes pour l'immigrant curieux, désireux de s'épanouir. Voyons les opportunités.
Environnement social
Dans le pays d'adoption, la liberté de l'un finit là où commence celle de l'autre. Le bon sens, la loi et l'ordre feront de lui un citoyen exemplaire à faire bailler d'envie le cousin resté là-bas. Tout est encadré : prenons en exemple la naissance de l'enfant à venir. Ses soins médicaux, son éducation, jusqu'à la fin de ses cours secondaires sont déjà assurés. Donc, le souci économique relatif à cette entité est une affaire classée. L'élite du pays a bien compris qu'elle est partie intégrante du patrimoine biologique d'ici. L'enfant à naître sur cette terre est un actif non négligeable qu'il faut protéger, encadrer et valoriser, car il y va de l'avenir de la nation canadienne. Malheureusement, pour le nouveau-né de ma terre natale, cette notion existentielle n'a point sa raison d'être. Le refrain national fredonné à longueur du jour selon la formule consacrée, c'est : « Apre nous, ce nou ». Quelle illusion d'éternité!
Environnement politique
Se réunir librement, opiner sur l'actualité politique, faire valoir ses droits sans crainte de représailles, demeurent l'un des points forts du pays d'accueil. Le Canada n'est pas une nation dirigée par des chefs de bande assoiffés de vengeance et qui s'enfoncent dans un état de transe orgasmique à la vue du sang. Ici, c'est le citoyen qui choisit son dirigeant dans l'ordre et la discipline. Du même trait de plume aussi, il peut exercer son droit de le défaire si sa gestion ne satisfait pas aux attentes. Et ce, sans bruit, sans interférence. Au Canada, la souveraineté du peuple n'est pas une hallucination, ni une présomption. C'est une réalité. Donc, devenant citoyen, l'ex-immigrant frustré aura l'occasion de faire sa marque avec civilité et bonhomie, mais de manière libre et responsable. Les souvenirs négatifs de son pays d'origine finiront tôt ou tard par s'estomper. Si c'est son désir, en tant que citoyen, de briguer l'investiture de son quartier, de sa province ou du pays, pour changer l'ordre des choses, nul ne saurait lui mettre des bâtons dans les roues.
Environnement culturel
La nation bicéphale n'existe pas dans ce pays de neige. Les notions de nègre en haut nègre en bas, école rurale école urbaine, prêtre ville prêtre savane, doctè ville doctè fèille…etc, n'ont pas leur lettre de noblesse ici, comme c'est le cas chez nous. Cette goujaterie imbécile n'est pas l'apanage de ce pays d'accueil. Au contraire, l'expérience culturelle transmise par l'immigrant à sa communauté d'adoption est chaleureusement accueillie. Il aura l'occasion de s'épanouir et d'expérimenter d'autres facettes de sa culture sans crainte d'être taxée de rural ou de primitif. Rien ne saurait empêcher l'immigrant ou le nouveau citoyen d'investir économiquement dans ce domaine et aborder le sujet de son choix, pourvu qu'il fonctionne dans les cadres légaux du pays. La potentialité existe et il revient à lui de d'assumer le risque.
Environnement économique
S'il fallait évoquer ou décrire tout l'engrenage institutionnel du pays d'adoption et inventorier l'arsenal des services mis à la disposition du citoyen pour le projet de son choix, le temps nous ferait fatalement défaut. Pour ce, nous passons au volet économique pour nous rapprocher du dénouement de notre démonstration.
Au pays d'accueil, l'économie génère suffisamment de ressources pour faciliter l'épargne, dégager des surplus et faciliter l'investissement de tous ceux qui en manifestent le désir. A l'inverse de notre terre natale, le crédit est disponible. Aucun groupe connu, aucune classe ne s'arroge le droit de vous empêcher d'emprunter en vue de maintenir l'inégalité économique et sociale, en handicapant le développement de l'entrepreneurship. Plusieurs institutions sont disponibles pour encadrer le néophyte en affaires. Le système financier ou le gouvernement peut mettre à la disposition de ce dernier des personnes dédiées, destinées à le suivre pas à pas dans ses démarches commerciales. Vu que « le monde bouge, se transforme et modélise les rapports », des organismes sont disponibles pour encadrer l'investisseur qui veut tâter le marché international, via la mondialisation. Toute une panoplie d'experts privés et publics sont disposés à lui montrer l'abécédaire de l'internationalisat ion du commerce, pour mieux profiter des avantages découlant des traités, tels : L'ALENA (Accord commercial impliquant les Etats-Unis d'Amérique, le Canada, et le Mexique), le CARICOM auquel s'est joint Haïti, l'OMC (L'Organisation mondiale du commerce), le MERCOSUR réunissant le marché argentin, brésilien, paraguayen et uruguayen…etc.
Projet communautaire
Face à cette succincte description et énumération, ne nous posons plus la question, à savoir : Pourquoi nos frères et nous avons raté le bateau économique dans notre pays d'adoption? Nous ne sommes plus dans cette dimension.
Disons-nous de préférence : « Frères, nous le sommes, pour le canadien, frères, nous le resterons quoiqu'il advienne. Donnons-nous une mission. Tournons-nous vers l'avenir. Faisons table rase de nos divisions et suspicions. Devenons entrepreneurs. Étendons la nappe, plaçons les couverts, les convives ont faim. Au bout de la route, le succès sera au rendez-vous.
Au cours de mes réflexions, je revois toujours en flash back, quelque part, en ma mémoire, une communauté, plutôt un peuple qui m'a toujours fasciné par son dynamisme, son calme, son pragmatisme et sa réussite économique planétaire, malgré les embûches rencontrées sur sa route bien avant le début de la civilisation moderne. Je veux parler du peuple Juif. Connaissez-vous une communauté d'entrepreneurs plus petite que la communauté juive avec autant d'influence sur le monde. A ma connaissance, je n'en vois pas d'autres.
Comme le peuple noir, les juifs avaient connu les affres de l'enfer sur terre depuis l'antiquité et jusqu'à hier encore, en plein 20em siècle. Sans fléchir et sans gémir, dans la diaspora, ils ont repris leur vie en main avec pour toute arme : du courage, de la détermination et leur intelligence. Ils n'ont raté aucun train. Entrepreneurs de père en fils, de génération en génération, ils ont conquis un pouvoir mondial, monnaie après monnaie, pièce après pièce et ils se sont donné un pays.
Quel exemple d'espoir et de confiance que ce peuple nous inspire? L'argent, c'est le nerf de la guerre. Soyez audacieux. « L'audace, pour parodier Goethe, contient du génie et de la magie ». Ne nous considérons plus comme les damnés de la terre. Reprenons nos esprits. Ne soyons plus un loup pour notre frère. Mettons en commun nos faibles économies et devenons des entrepreneurs motivés. Tous les outils sont disponibles dans le pays d'accueil. Utilisons-les à bon escient. Consolidons nos bases et le respect des autres viendra de surcroît. Donnons-nous le temps, puisque le temps ne respecte jamais ce qui se fait sans lui. Comme le peuple juif, nous pourrons revigorer notre patrie agonisante. Chaque pierre d'Haïti aura un nom de rédempteur inscrit à sa face. Ce sera le vôtre, le mien, le nôtre…etc. Même si c'est de l'argent dérobé en Haïti, lors d'un quelconque passage au pouvoir, une fois investi dans le pays d'accueil, le profit réalisé prendra naturellement le chemin du retour et ce sera une restitution bien méritée. Ainsi, votre nom sera rayé de la poubelle de l'histoire, une fois pour toute. Il y sera ciselé sans épithète sur la même pierre.
Vous vous posez sans doute la question, à savoir, «avec quoi, avec quel argent ?». Allons donc, nous sommes plus riches que nous le pensons. Plusieurs d'entre-nous sont assis sur des capitaux inutilisables qui font le bonheur des banques. Concertons-nous, donnons-nous la main, laissons tomber le masque de la méfiance. Élaborons une stratégie d'esprit. La vie est éphémère, nous ne faisons que passer. Alors, multiplions le capital en investissant notre économie de réserve aussi minime soit-elle. Vivre, c'est prendre des risques. Se retenir par le calcul de la peur, c'est mourir à petit feu. Nous sommes tous sur la même galère qui nous conduit vers notre destinée. Il revient à nous de hisser le voile du bon côté du vent.
Chers auditeurs, c'est tout ce que j'avais à vous proposer pour stimuler votre esprit d'entrepreneurship. « Je crois en l'effet papillon, pour citer un auteur inconnu. Si un battement de cil peut provoquer un cyclone à l'autre bout du monde, peut-être, pourrons-nous provoquer un mouvement », loin de notre patrie commune, dans le seul but de trouver une solution, autre que politique, pour raviver la flamme agonisante qui nous avait été léguée.
Entre le passé où sont nos souvenirs, entre l'avenir où sont nos espoirs, il y a le présent où sont nos devoirs. Ces derniers nous interpellent. Ne les laissons point à l'état de brouillon ou de vœux pieux. Bonne chance mes frères!
Référence :
1- Léopold Sédar Senghor
2- Aimé Fernand David Césaire Discours sur le colonialisme, 1950 Cahier d'un retour au pays natal 1939
3- De la négritude, notion introduite par Aimé Césaire, dans un texte intitulé « Négrerie ». Césaire la définit ainsi : « La Négritude est la simple reconnaissance du fait d'être noir, et l'acceptation de ce fait, de notre destin de Noir, de notre histoire et de notre culture ». Senghor explique en ces termes le concept de Négritude « la Négritude, c'est l'ensemble des valeurs culturelles du monde noir, telles qu'elles s'expriment dans la vie, les institutions et les œuvres des Noirs. Je dis que c'est là une réalité : un nœud de réalités »[12].
Le mouvement indigéniste, par la voix de son initiateur Jean Price-Mars invite les écrivains « à cesser d'être pasticheurs pour devenir des créateurs » (Ainsi parla l'Oncle, 1928), en clair à puiser aux racines africaines de l'homme d'Haïti. La résistance trouve alors son expression dans la culture orale issue de l'esclavage, les contes, traditions et légendes.