Les plus beaux textes sur Notre-Dame : s. Cyrille d'Alexandrie (380-444)

Publié le 19 octobre 2009 par Hermas

Saint Cyrille d’Alexandrie

Lettre aux moines d'Egypte, avant le Concile, pour les mettre en garde contre l'hérésie de Nestorius

(Nestorius, patriarche de Constantinople, se dressa contre l'appellation de "Mère de Dieu" [Théotokos] attribuée à Marie. Il fut condamné au Concile œcuménique d'Ephèse, en 431.)

Je m'étonne qu'il y ait des gens pour poser cette question : faut-il, ou ne faut-il pas appeler la Sainte Vierge Mère de Dieu ? Car si Notre-Seigneur Jésus-Christ est Dieu, comment la Vierge qui l'a mis au monde ne serait-elle pas la Mère de Dieu ? C'est la croyance que nous ont transmise les saints apôtres, même s'ils ne se sont pas servis de ce terme. C'est l'enseignement que nous avons reçu des saints Pères. Et tout particulièrement notre Père de vénérable mémoire, Athanase, qui pendant quarante-six ans a illustré le siège d'Alexandrie, qui a opposé aux inventions des hérétiques impies une sagesse invincible et digne des apôtres, Athanase, qui a embaumé du parfum de ses écrits l'univers tout entier, à qui tous rendent témoignage pour son orthodoxie et sa piété, Athanase, au troisième livre du traité qu'il a composé sur la Trinité sainte et consubstantielle, appelle à plusieurs reprises la Sainte Vierge, Mère de Dieu. Je vais citer textuellement ses propres paroles : " La sainte Ecriture, nous l'avons fait remarquer bien souvent, se caractérise principalement en ceci, qu'elle rend au sujet du Sauveur un double témoignage. D'une part, il est le Dieu éternel, le Fils, le Verbe, le resplendissement et la sagesse du Père ; d'autre part, en ces derniers temps et pour notre salut, il a pris chair de la Vierge Marie, Mère de Dieu, et s'est fait homme. " Et un peu plus loin : " Il y a eu beaucoup de saints ; il y a eu des hommes exempts de tout péché : Jérémie a été sanctifié dès le sein maternel ; Jean, encore porté dans les entrailles de sa mère, a tressailli d'allégresse à la voix de Marie, la Mère de Dieu. " Ainsi parle cet homme considérable, si digne d'inspirer confiance, car il n'aurait jamais rien dit qui ne fût conforme aux saintes Écritures.

D'ailleurs l'Ecriture divinement inspirée déclare que le Verbe de Dieu s'est fait chair, c'est-à-dire s'est uni à une chair douée d'une âme raisonnable. A sa suite le grand et saint concile de Nicée enseigne que c'est le même Fils unique de Dieu, engendré de la substance du Père, par qui tout a été fait, en qui tout subsiste, qui pour nous autres hommes et pour notre salut est descendu des cieux, s'est incarné, s'est fait homme, a souffert, est ressuscité, et reviendra un jour comme juge ; le Concile nomme le Verbe de Dieu : le seul Seigneur Jésus-Christ. Et que l'on observe bien qu'en parlant d'un seul Fils, et en le nommant le Seigneur, le Christ-Jésus, le Concile déclare qu'il est engendré par Dieu le Père, qu'il est le Monogène. Dieu de Dieu, lumière de lumière, engendré, non créé, consubstantiel au Père... Et dès lors la Sainte Vierge peut être appelée à la fois Mère du Christ, et Mère de Dieu, car elle a mis au monde non point un homme comme nous, mais bien le Verbe du Père qui s'est incarné et s'est fait homme.

Mais, dira-t-on : " La Vierge est-elle donc mère de la divinité ? " A quoi nous répondons : Le Verbe vivant, subsistant, a été engendré de la substance même de Dieu le Père, il existe de toute éternité, conjointement avec celui qui l'a engendré, il est en lui, avec lui. Mais dans la suite des temps, il s'est fait chair, c'est-à-dire s'est uni une chair possédant une âme raisonnable, dès lors on peut dire qu'il est né de la femme, selon la chair. Ce mystère d'ailleurs a quelque analogie avec notre génération même. Sur la terre en effet les mères, d'après les lois mêmes de la nature, portent dans leur sein un fruit qui, obéissant aux mystérieuses énergies déposées par Dieu, évolue et finalement se développe en forme humaine ; mais c'est Dieu qui dans ce petit corps met une âme de la manière que lui seul connaît. " C'est Dieu qui façonne l'âme de l'homme ", dit le prophète. Or autre chose est la chair, autre chose est l'âme. Pourtant bien que les mères aient produit le corps seulement, on ne laisse pas de dire qu'elles ont mis au monde l'être vivant, corps et âme, et non point seulement une de ses parties. Nul ne dirait par exemple qu'Elisabeth est la mère de la chair (sarkotokos), qu'elle n'est pas la mère de l'âme (psychotokos) ; car elle a mis au monde Jean-Baptiste, avec son corps et son âme, cette personne unique, l'homme composé de corps et d'âme. C'est quelque chose de semblable qui se passe à la naissance de l'Emmanuel. II a été engendré, avons-nous dit, de la substance du Père, étant son Verbe, son Fils unique ; mais quand il a pris chair, et qu'il s'est fait Fils de l'homme, il n'y a, ce me semble, aucune absurdité à dire, et bien plutôt il est nécessaire de confesser, qu'il est né de la femme selon la chair. Exactement comme l'on dit que l'âme de l'homme naît en même temps que son corps, et ne fait qu'un avec lui, bien qu'elle en diffère complètement quant à la nature.

Epist. I, P.G., 77. (trad. E. Amann, Le dogme catholique dans les Pères de l'Eglise, Beauchesne, 1922.

Acclamation

Je te salue, Marie, Mère de Dieu,

trésor vénéré de tout l'univers,

lumière qui ne s'éteint pas,

toi de qui est né le soleil de la justice,

sceptre de la vérité, temple indestructible.

Je te salue, Marie,

demeure de celui qu'aucun lieu ne contient,

toi qui as fait pousser un épi

qui ne se flétrira jamais.

Par toi les bergers ont rendu gloire à Dieu,

par toi est béni, dans l'Évangile,

celui qui vient au nom du Seigneur.

Par toi la Trinité est glorifiée,

par toi la croix est adorée dans l'univers entier.Par toi exultent les cieux,

par toi l'humanité déchue a été relevée.

Par toi le monde entier a enfin connu la Vérité.

Par toi, sur toute la terre, se sont fondées des églises.

Par toi le Fils unique de Dieu

a fait resplendir sa lumière

sur ceux qui étaient dans les ténèbres,

assis à l'ombre de la mort.

Par toi les apôtres ont pu annoncer

le salut aux nations.

Comment chanter dignement ta louange,Ô Mère de Dieu,

par qui la terre entière tressaille d'allégresse

Enseignement du Pape Benoît XVI sur Saint Cyrille d’Alexandrie (2 octobre 2007)

Saint Cyrille d'Alexandrie

Poursuivant notre itinéraire sur les traces des Pères de l'Eglise, nous rencontrons une grande figure: saint Cyrille d'Alexandrie. Lié à la controverse christologique qui conduisit au Concile d'Ephèse de 431 et dernier représentant important de la tradition alexandrine, dans l'Orient grec, Cyrille fut plus tard défini le "gardien de l'exactitude" - qu'il faut comprendre comme gardien de la vraie foi - et même "sceau des Pères". Ces antiques expressions expriment un fait qui est caractéristique de Cyrille, c'est-à-dire la référence constante de l'Evêque d'Alexandrie aux auteurs ecclésiastiques précédents (parmi ceux-ci, Athanase en particulier), dans le but de montrer la continuité de sa théologie avec la tradition. Il s'insère volontairement, explicitement dans la tradition de l'Eglise, dans laquelle il reconnaît la garantie de la continuité avec les Apôtres et avec le Christ lui-même. Vénéré comme saint aussi bien en Orient qu'en Occident, saint Cyrille fut proclamé docteur de l'Eglise en 1882 par le Pape Léon XIII, qui, dans le même temps, attribua ce titre également à un autre représentant important de la patristique grecque, saint Cyrille de Jérusalem. Ainsi, se révélaient l'attention et l'amour pour les traditions chrétiennes orientales de ce Pape, qui voulut ensuite proclamer saint Jean Damascène Docteur de l'Eglise, montrant ainsi que tant la tradition orientale qu'occidentale exprime la doctrine de l'unique Eglise du Christ.

On sait très peu de choses sur la vie de Cyrille avant son élection sur l'important siège d'Alexandrie. Neveu de Théophile, qui en tant qu'Evêque, dirigea d'une main ferme et avec prestige le diocèse alexandrin à partir de 385, Cyrille naquit probablement dans la même métropole égyptienne entre 370 et 380. Il fut très tôt dirigé vers la vie ecclésiastique et reçut une bonne éducation, tant culturelle que théologique. En 403, il se trouvait à Constantinople à la suite de son puissant oncle et il participa dans cette même ville au Synode appelé du "Chêne", qui déposa l'Evêque de la ville, Jean (appelé plus tard Chrysostome), marquant ainsi le triomphe du siège alexandrin sur celui, traditionnellement rival, de Constantinople, où résidait l'empereur. A la mort de son oncle Théophile, Cyrille encore jeune fut élu Evêque de l'influente Eglise d'Alexandrie en 412, qu'il gouverna avec une grande énergie pendant trente-deux ans, visant toujours à en affirmer le primat dans tout l'Orient, également fort des liens traditionnels avec Rome.

Deux ou trois ans plus tard, en 417 ou 418, l'Evêque d'Alexandrie se montra réaliste en recomposant la rupture de la communion avec Constantinople, qui durait désormais depuis 406, suite à la déposition de Jean Chrysostome. Mais l'ancienne opposition avec le siège de Constantinople se ralluma une dizaine d'années plus tard, lorsqu'en 428, Nestor y fut élu, un moine sévère et faisant autorité, de formation antiochienne. En effet, le nouvel Evêque de Constantinople suscita très vite des oppositions, car dans sa prédication, il préférait pour Marie le titre de "Mère du Christ" (Christotòkos), à celui - déjà très cher à la dévotion populaire - de "Mère de Dieu" (Theotòkos). Le motif de ce choix de l'Evêque Nestor était son adhésion à la christologie de type antiochien qui, pour préserver l'importance de l'humanité du Christ, finissait par en affirmer la division de la divinité. Et ainsi, l'union entreDieuetl'hommedansleChristn'était plus véritable, et, naturellement, on ne pouvait plus parler de "Mère de Dieu".

La réaction de Cyrille - alors le plus grand représentant de la christologie alexandrine, qui entendait en revanche profondément souligner l'unité de la personne du Christ - fut presque immédiate, et se manifesta par tous les moyens déjà à partir de 429, s'adressant également dans quelques lettres à Nestor lui-même. Dans la deuxième (PG 77, 44-49) que Cyrille lui adressa, en février 430, nous lisons une claire affirmation du devoir des Pasteurs de préserver la foi du Peuple de Dieu. Tel était son critère, par ailleurs encore valable aujourd'hui: la foi du Peuple de Dieu est l'expression de la tradition, elle est la garantie de la saine doctrine. Il écrit ainsi à Nestor: "Il faut exposer au peuple l'enseignement et l'interprétation de la foi de la manière la plus irrépréhensible, et rappeler que celui qui scandalise ne serait-ce qu'un seul des petits qui croient dans le Christ subira un châtiment intolérable".

Dans cette même lettre à Nestor - une lettre qui plus tard, en 451, devait être approuvée par le Concile de Chalcédoine, le quatrième Concile oecuménique - Cyrille décrit avec clarté sa foi christologique: "Nous affirmons ainsi que les natures qui se sont unies dans une véritable unité sont différentes, mais de toutes les deux n'a résulté qu'un seul Christ et Fils; non parce qu'en raison de l'unité ait été éliminée la différence des natures, mais plutôt parce que divinité et humanité, réunies en une union indicible et inénarrable, ont produit pour nous le seul Seigneur et Christ et Fils". Et cela est important: réellement, la véritable humanité et la véritable divinité s'unissent en une seule Personne, Notre Seigneur Jésus Christ. C'est pourquoi, poursuit l'Evêque d'Alexandrie, "nous professerons un seul Christ et Seigneur, non dans le sens où nous adorons l'homme avec le Logos, pour ne pas insinuer l'idée de la séparation lorsque nous disons "avec", mais dans le sens où nous adorons un seul et le même, car son corps n'est pas étranger au Logos, avec lequel il s'assied également aux côtés de son Père, non comme si deux fils s'asseyaient à côté de lui, mais bien un seul uni avec sa propre chair".

Très vite, l'Evêque d'Alexandrie, grâce à de sages alliances, obtint que Nestor soit condamné à plusieurs reprises: par le siège romain, puis par une série de douze anathèmes qu'il composa lui-même et, enfin, par le Concile qui se tint à Ephèse en 431, le troisième concile œcuménique. L'assemblée, qui connut des épisodes tumultueux et une alternance de moments favorables et de moments difficiles, se conclut par le premier grand triomphe de la dévotion à Marie et avec l'exil de l'Evêque de Constantinople, qui ne voulait pas reconnaître à la Vierge le titre de "Mère de Dieu", à cause d'une christologie erronée, qui suscitait des divisions dans le Christ lui-même. Après avoir ainsi prévalu sur son rival et sur sa doctrine, Cyrille sut cependant parvenir, dès 433, à une formule théologique de compromis et de réconciliation avec les Antiochiens. Et cela aussi est significatif: d'une part, il y a la clarté de la doctrine de la foi, mais de l'autre, également la recherche intense de l'unité et de la réconciliation. Au cours des années suivantes, il se consacra de toutes les façons possibles à défendre et à éclaircir sa position théologique jusqu'à sa mort, qui eut lieu le 27 juin 444.

Les écrits de Cyrille - vraiment très nombreux et largement publiés également dans diverses traductions latines et orientales déjà de son vivant, témoignant de leur succès immédiat - sont d'une importance primordiale pour l'histoire du christianisme. Ses commentaires de nombreux livres vétéro-testamentaires et du Nouveau Testament, parmi lesquels tout le Pentateuque, Isaïe, les Psaumes et les Evangiles de Jean et de Luc, sont importants. Ses nombreuses œuvres doctrinales sont également notables; dans celles-ci revient la défense de la foi trinitaire contre les thèses ariennes et contre celles de Nestor. La base de l'enseignement de Cyrille est la tradition ecclésiastique, et en particulier, comme je l'ai mentionné, les écrits d'Athanase, son grand prédécesseur sur le siège alexandrin. Parmi les autres écrits de Cyrille, il faut enfin rappeler les livres Contre Julien, dernière grande réponse aux polémiques antichrétiennes, dictée par l'Evêque d'Alexandrie probablement au cours des dernières années de sa vie, pour répondre à l'œuvre Contre les Galiléens, écrite de nombreuses années auparavant, en 363, par l'empereur qui fut qualifié d'Apostat pour avoir abandonné le christianisme dans lequel il avait été éduqué.

La foi chrétienne est tout d'abord une rencontre avec Jésus, "une Personne qui donne à la vie un nouvel horizon" (Enc. Deus caritas est, n. 1). Saint Cyrille d'Alexandrie a été un témoin inlassable et ferme de Jésus Christ, Verbe de Dieu incarné, soulignant en particulier son unité, comme il le répète en 433 dans la première lettre (PG 77, 228-237) à l'Evêque Succenso: "Un seul est le Fils, un seul le Seigneur Jésus Christ, que ce soit avant l'incarnation ou après l'incarnation. En effet, le Logos né de Dieu le Père n'était pas un fils, et celui né de la Sainte Vierge un autre fils; mais nous croyons que précisément Celui qui existe depuis toute éternité est né également selon la chair d'une femme". Cette affirmation, au-delà de sa signification doctrinale, montre que la foi en Jésus Logos né du Père est également bien enracinée dans l'histoire, car, comme l'affirme saint Cyrille, ce même Jésus est venu dans le temps avec la naissance de Marie, la Theotòkos, et il sera, selon sa promesse, toujours avec nous. Et cela est important: Dieu est éternel, il est né d'une femme,etilresteavecnouschaquejour. Nous vivons dans cette certitude, en elle nous trouvons le chemin de notre vie.

Par Isaac Fanous