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Sacerdoce et eucharistie

Publié le 21 octobre 2009 par Fbruno
SACERDOCE ET EUCHARISTIE

MGR ALBERTO TAVEIRA -

Je suis prêtre depuis 36 ans, j'ai été ordonné le 15 août 1973. Il y a 18 ans que je suis évêque, d'abord comme évêque auxiliaire de Brasilia, et depuis 13 ans, comme Archevêque de Palmas, dans l'Etat du Tocantins au Brésil. Je viens d'une famille catholique dans laquelle j'ai appris à aimer l'Église et dans laquelle a grandi ma vocation.

Les deux piliers de ma vie se retrouvent dans une demande faite à mes parents, quand j'avais à peine 4 ans : j'ai demandé à être prêtre et à faire ma première communion ! Comme si être prêtre passait en premier ! Chez mes parents j'ai rencontré un profond respect pour l'œuvre que Dieu voulait réaliser dans mon âme d'enfant. Avec joie, j'ai reçu la première communion le jour de mes 5 ans. Aujourd'hui, je profite de l'opportunité qui m'est faite par la Providence pour dire que jusqu'à maintenant, et cela depuis ce jour heureux du 26 mai 1955, j'ai eu une vive conscience de toutes les communions vécues, laissant en moi à chaque fois, une profonde expérience avec le Seigneur. Ma première et fondamentale expérience du Dieu vivant c'est l'autel de l'Eucharistie. Le second fondement est le sacerdoce. J'ai pu rencontrer un appui décisif de mon entourage familial. Il y a eu un prêtre qui a été la première référence pour me permettre de cultiver la vocation sacerdotale. Je crois que presque tous les participants à cette retraite, ont un prêtre comme père spirituel de leur vocation. Dans ce sens les prêtres sont les premiers agents, absolument indispensables de la pastorale vocationnelle. A partir des prêtres, Dieu veut faire naître les nouvelles vocations au sacerdoce.

Toute mon enfance a évolué avec ces deux pôles : l'Eucharistie et le Sacerdoce. J'ai eu la grâce d'entrer au Séminaire à 12 ans à peine, cadeau incomparable de Dieu, qui connaissant mes défauts a jugé opportun de me préserver de beaucoup de difficultés. Je suis entré au Séminaire pour ne jamais en sortir. Je suis parti de ma maison pour être prêtre et le Séminaire et l'Eglise sont devenus ma maison, sans dévaloriser pour autant les liens familiaux, qui n'ont fait que grandir au fil des années. J'ai appris que notre cœur peut contenir un amour immense, qui n'a pas besoin d'exclure quiconque.

J'ai eu la grâce d'accompagner comme séminariste le déroulement du Concile Vatican II. J'ai senti le goût de la Réforme Liturgique, et je me suis réjoui des changements dans l'Eglise. Mais il y avait une prière, proposée par Jean XXIII, qui m'enchantait dans nos jeunes années de Séminaire, quand nous demandions un « Nouveau Printemps » pour l'Église. Je rends grâce au Seigneur de l'avoir vu s'accomplir, et je continue d'en témoigner.

Mon adolescence a été vécue au séminaire, pendant que mon pays vivait, à partir de 1964, une année douloureuse en politique, avec des terribles souffrances pour le peuple et pour l'Eglise. J'ai appris à admirer les Evêques et les Prêtres qui nous ont montré les chemins de l'héroïsme et du martyre.

LE CHOIX DE DIEU

Après le Concile, à côté de tant de fleurs printanières, ont aussi poussé les rameaux de la crise, qui s´est propagée dans toute l'Église. Les temps qui paressaient tout détruire, ont été très féconds pour mon mûrissement. En 1968, j'ai assisté à la télévision, aux nouvelles, du « Printemps de Prague », où je voyais un jeune de 18 ans – c'était mon âge ! – qui s'est transformé en une torche humaine, sur la place principale de sa ville, pour protester contre les troupes qui l'envahissaient. Alors a jailli de mon cœur une question : Si un jeune de mon âge fait un geste si fou, bien que courageux, pour des idéaux que je peux ou non accepter, alors moi, à 18 ans, que suis-je capable de faire pour Jésus Christ ? Alors, j'ai fait un nouveau choix de Dieu, comme le Tout de ma vie ! Après cela j'ai vu beaucoup de personnes et d'institutions en crise, mais le chemin de mon existence était déjà configuré, car Dieu était reconnu comme le plus grand, au-delà de toutes circonstances ou problèmes.

A un moment donné le grand Séminaire fut fermé. Parmi les élèves circulait une plaisanterie disant que le dernier qui sortirait devrait éteindre la lampe du Saint Sacrement et fermer la porte de la chapelle. Et c'est moi qui ai fait ce geste, en amenant le Saint Sacrement, à la demande du Recteur, dans une Maison Religieuse à côté du Séminaire. Nous devions recommencer à nouveau, dans un appartement, avec quatre séminaristes et deux prêtres, avec le courage de planter la semence du futur dans l'Archidiocèse de Belo Horizonte, dans l'Etat du Minas Gerais.

PRÊTRE, COMME FRÈRE PARMI LES FRÈRES

En 1972, ordonné Diacre à l'âge de vingt deux ans, l'Archevêque m'a confié ma paroisse d'origine, paroisse de trente milles habitants, car mon curé venait de quitter le ministère sacerdotal. Jeune, j'ai du être prophète chez moi, et avec tous les risques j'ai pris soin de cette Paroisse comme diacre et comme prêtre jusqu'à la fin de l'année 1977.

J'ai été certainement préservé des dangers de ce temps, grâce au nouveau Printemps de l'Esprit que j'ai découvert à travers l'invitation d'un prêtre avec qui je travaillais. Là j'ai connu le Mouvement des Focolari, une grâce charismatique qui m'accompagne jusqu'à aujourd'hui. J'ai été ébloui quand je suis arrivé à une réunion de prêtres pendant laquelle tous avaient le courage de dire comment ils vivaient l'Evangile. Ils étaient des prêtres qui ne discutaient pas des méthodes pastorales, mais qui parlaient de leur vie de prêtre. J'ai rencontré à nouveau une maison, la maison de la Communion, en vivant ce que nous appelons la « vie du Focolari » partageant les biens spirituels et matériels. Un prêtre qui avait quitté le ministère pour se marier est venu un jour à l'une de nos rencontres, et après avoir témoigné de la vie simple et profonde dans la spiritualité de l'Unité, il s'était exclamé : « Essence bénie que vous dépensez pour aller à ces rencontres. Si j'avais eu le courage avant de dépenser mon argent pour cela, je serais certainement encore dans le ministère sacerdotal. » Quand nous revenions dans nos Paroisses, il n'était pas rare d'entendre de nos paroissiens des observations qui témoignaient comme quoi les prêtres étaient d'avantage capables d'aimer le peuple et qu'ils étaient plus heureux.

Rencontrer la spiritualité de l'Unité, dans le Mouvement des Focolari, m'a fait découvrir tant d'autres manifestations de ce nouveau Printemps dans l'Eglise, dans les Mouvements et les Communautés Nouvelles, et m'a aussi fait découvrir la beauté de la vie religieuse. J'ai appris que celui qui aime sa propre vocation est aussi un amoureux des vocations des autres. Dans les grandes et nouvelles familles spirituelles existantes aujourd'hui dans l'Eglise, j'ai redécouvert aussi la beauté de la famille humaine.

LE SEMINAIRE

Comme jeune prêtre, j'avais deux peurs : parler devant des prêtres et des séminaristes. Et à la fin de l'année 1977, j'ai été nommé Recteur du Séminaire de Belo Horizonte. Um ami prêtre m'a rappelé, selon la première épître de Saint Jean, que l'amour bannit la crainte. La moitié des séminaristes étaient alors plus âgés que moi ! Alors j'ai assumé cela comme une devise qui m'aide jusqu'à aujourd'hui, surtout pour être, devant tant de prêtres. « Je n'ai pas peur de vous parce que je vous aime ! » A partir de là je n'ai pas arrêté de parler aux prêtres et aux séminaristes.

Là était ma mission et la source de ma joie. Je ne me suis jamais senti triste de n'être plus au travail en paroisse. J'ai travaillé onze ans comme formateur, nous avons dû augmenter les bâtiments du Séminaire, et sont nés, à nouveau, le Petit Séminaire et le Séminaire Propédeutique. J'ai cru et je crois dans les Séminaires. J'ai eu la joie de donner à l'Église cinquante cinq nouveaux prêtres pendant les années où j'ai travaillé à la formation sacerdotale.

PRO MUNDI VITA (Pour la vie du monde)

Quelques temps après, vivant dans une paroisse toute simple de l'intérieur, pensant que j'avais assez travaillé au Séminaire et dans d'autres tâches qui m'avaient été confiées, le mercredi saint de l'année 1991, j'ai reçu ma nomination comme Evêque Auxiliaire de Brasilia. Et moi qui pensais que pour être Evêque il fallait avoir l'âge et la sagesse ! Devant Jésus Eucharistie, j'ai donné ma réponse, en me rappelant « que qui vous écoute, m'écoute » ! La parole du Pape me suffisait pour faire le pas que le Seigneur me demandait. En choisissant la devise épiscopale, se dessinait à l'horizon la mission d'être « Eucharistie pour le monde », dans le désir de me consumer, uni au Seigneur qui se donne Lui-même. Pour être Eucharistie pour le monde, l'Evêque devrait être comme Marie, l'étoile de l'évangélisation. Pour cela, mon blason épiscopal a un champ unique avec un épi de blé – l'Eucharistie – qui repose sur une étoile – Marie. Seul celui qui accepte Marie peut être Eucharistie pour le monde. J'ai choisi le 6 juillet 1991, Fête de Ste Maria Goretti, pour l'ordination épiscopale, avec le désir de travailler pour la sanctification des adolescents et des jeunes. Et depuis ces années bénies passées à Brasilia j'ai pu témoigner de l'œuvre de Dieu dans le cœur des jeunes, en les accompagnants pour le mariage, la vie sacerdotale, la vie religieuse et missionnaire, ainsi que dans les nouvelles formes de don à Dieu.

Quand j'ai donné ma réponse, j'ai dit à Jésus que j'ai été disposé à aller à Brasilia, mais que j'étais prêt à assumer une terre de mission, où il n'y aurait pas de Maison, ni de Cathédrale, ni de Prêtres, ni d'argent. Le 27 mars 1996, le même jour où j'ai reçu ma nomination épiscopale, cinq ans auparavant, l'Archidiocèse de Palmas a été créé, avec une seule paroisse, et je fus nommé Archevêque de Palmas, informé par le Nonce Apostolique que je n'aurais pas de maison personnelle pour habiter, ni d'Evêché, ni de Cathédrale, et seulement un prêtre incardiné. On voit par là comment Dieu prend au sérieux notre prière ! Aujourd'hui sont ici présents trois des cinquante six prêtres de l'Archidiocèse, l'un d'entre eux, mon Vicaire Général, qui travaillait déjà à Palmas quand je suis arrivé, est lui-même le témoin de tous ces événements. Mon expérience est celle d'une « implantatio ecclesiae », implantation de vie ecclésiale. Durant ces années se sont réalisé : la construction de la Cathédrale, le Grand Séminaire Interdiocésain, le Séminaire Propédeutique, trente églises actuellement en construction dans l'Archidiocèse, des Écoles Catholiques, l'Université Catholique, quinze Communautés Religieuses, dont trois contemplatives, quatorze Communautés Nouvelles, dans lesquelles travaillent environ deux cents missionnaires, l'Evêché, le Tribunal Ecclésiastique, les Œuvres Sociales, les Mouvements Apostoliques de Spiritualité et les diverses pastorales nécessaires à la vie de l'Eglise. Dans une période avec si peu de vocations, en de si nombreuses parties du monde, notre séminaire Inter Diocésain offre à l'Eglise quinze nouveaux prêtres en cette année 2009, et les espérances augmentent dans tous les champs de la vie ecclésiale.

CLES DE LECTURE

Je dois me confesser d'être le spectateur privilégié de l'Œuvre de Dieu. Pour expliquer mon histoire et aussi l'histoire de l'Archidiocèse de Palmas, je me rapporte à une affirmation de mon Vicaire Général, présent à cette Retraite : « Ce qui est possible, nous le faisons aujourd'hui, mais pour ce qui est impossible, nous pouvons attendre demain. » Il s'agit de bien vivre le moment présent, sans se préoccuper, mais en s'occupant de ce que Dieu nous demande chaque jour. Un jour après l'autre, une brique après l'autre. Je suis reconnaissant à Dieu pour les nombreuses personnes qui, avec un grand esprit missionnaire, nous ont rejoints dans l'Archidiocèse de Palmas, pour travailler ensemble, malgré nos défauts personnels et nos erreurs.

De la culture indigène vient aussi une autre clef de compréhension de notre vie. Nous avons cinquante deux villages d'Indiens de la tribu des « Xerentes ». En m'accueillant au milieu d'eux, dans les débuts de notre Archidiocèse, j'ai reçu d'eux un nom nouveau, Dakmanãrkwa, que signifie « Dieu prends soin de tout ». J'ai appris que le missionnaire tient sa force de Celui qui l'a envoyé et qui le fortifie. Ses capacités personnelles comptent peu. Et quand on est dans la volonté de Dieu, les moyens nécessaires arrivent, même quand on ne sait pas comment payer les dépenses d'un Archidiocèse à la fin du mois. Jusqu'à aujourd'hui le Seigneur nous a aidés et nous n'avons jamais manqué de l'essentiel.

Une troisième clef c'est celle de l'exercice de la charité. Permettez moi de vous suggérez que chacun puisse s'engager personnellement dans un service pour les plus pauvres. Pour les uns ce sera dans un hôpital, d'autres iront dans les prisons, d'autres découvriront, qui sait, d'autres champs de plus grands défis. Ce qui est le plus important c'est que vous-mêmes personnellement vous mettiez la main à la pâte, et pas seulement enseigner les autres à le faire. Dans ce sens là, je fréquente une véritable école, depuis presque dix ans, toutes les semaines. Il s'agit d'un Centre de Récupération de Drogués, appelé Fazenda da Esperança (Ferme de l'Esperance) une Œuvre née au Brésil, aujourd'hui présente dans de nombreux pays du monde. Les adultes et les jeunes que nous recevons là, n'ayant plus rien à perdre, car ils sont totalement détruits, ils commencent tout à nouveau et regardent vers le haut. La méthode est simple : prière, parole d'évangile vécue chaque jour, travail physique, partage des expériences spirituelles. Ceci est ma formation permanente, qui m'apprend continuellement à dépasser les difficultés, où je redécouvre la prière et le sens de mon ministère. Une Eglise qui est vraiment Eglise, doit s'ouvrir aux situations frontières. Et je demande au Seigneur qu'Il me montre continuellement de nouveaux défis !

RETROUVER L'ENFANT DE QUATRE ANS

Je reconnais l'amour personnel et terriblement sérieux, comme le dit Sainte Angèle de Foligno, avec lequel le Seigneur a conduit ma vie. Les notes fortes de sa chanson d'amour ont été l'École de Dieu : l'Eucharistie, la Vocation Sacerdotale, la Prière confiante, le goût pour les défis missionnaires, la jeunesse, spécialement les marginaux. Aujourd'hui ayant tout laissé, je dois vous dire comme est vraie la promesse du centuple en pères, mères, frères, maisons… tout ! En assumant avec courage le défi de vous parler à la première personne j'ai voulu tout simplement vous provoquer, car je sais qu'ici existe beaucoup de richesses, de véritables trésors cachés. Je vous demande, que pendant le temps qu'il nous reste, que nous puissions parler les uns aux autres de l'œuvre de Dieu dans vos âmes, pas seulement des problèmes, mais en offrant les uns aux autres cette opportunité d'une vraie contemplation !

Mrg Alberto Taveira Corrêa Archevêque Metropolitain de Palmas RETRAITE INTERNATIONALE SACERDOTALE - ARS 2009 Vendredi, 2 octobre 2009


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