Magazine Journal intime

Inhibition et créativité

Publié le 22 octobre 2009 par Alainlecomte


Imaginez que vous connaissiez parfaitement les règles de la logique, mais que face à un problème particulier, comme le fameux test de Wason, cher aux psychologues, vous répondiez de manière complètement à côté de la plaque. Vous ne seriez pas un cas unique, rassurez-vous, il semble que 90% des gens seraient comme vous. Comment expliquer ça ?

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Le test de Wason est le suivant : on dispose 4 cartes, avec pour chacune une lettre d’un côté et un chiffre de l’autre. Evidemment, on ne voit que l’un des deux : on n’a accès qu’à la face visible de chaque carte. La question est : « est-il vrai qu’au dos de chaque carte montrant une voyelle, il y a un chiffre pair ? ». Vous avez devant vous : A, S, 4, 9. les règles de la logique commandent que vous choisissiez de regarder le dos de A et celui de 9. Pas celui de 4 : que vous importerait de savoir qu’au dos de 4, figure une voyelle, ou une consonne ? On n’a jamais dit qu’au dos d’une consonne, il ne pouvait pas y avoir aussi un chiffre pair. En revanche, si au dos de 9, vous trouvez une voyelle, alors là, vous aurez une information suffisante pour répondre « non » à la question. Tout cela repose sur le fait que la négation de « P => Q », c’est « P & non-Q » (donc voyelle et impair), ça vous le savez. Pourquoi vous faites faux ?

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Toute une théorie cognitive, dont l’un des principaux représentants est Olivier Houdé, explique cela par… un manque d’inhibition ! Nous avons dans notre cerveau plusieurs aires en compétition, notamment celle du visuo-perceptuel et celles plutôt associées au langage (et à la logique). La première s’active plus rapidement et elle s’impose si les impulsions venues des secondes ne provoquent pas d’effet inhibiteur. Bref, dit Houdé : « je pense, donc j’inhibe ». Phrase qui bien entendu surprend, tellement nous sommes attachés à une vision de la pensée comme une avancée sans frein. Or, si nous y réfléchissons un peu, c’est bien ce que nous ressentons : que notre effort intellectuel conscient nécessite qu’on pose des barrières un peu partout dans nos flux cérébraux. C’est d’ailleurs à ça que nous voyons que nous pensons, et, en plus, c’est CELA qui NOUS FATIGUE ( !).

Ayant lu cela dans le petit livre d’Houdé sur la psychologie de l’enfant (Que sais-je ? ), je tombe sur « le Monde des Livres » et l’interview de Will Self , ex-fumeur, drogué, alcoolique, et qui arrête tout en 2000. Il dit : « l’évasion dans le roman est bien plus hallucinogène que le LSD ou la marijuana ». Qui a un tout petit peu essayé à se mettre en effet à l’écriture d’une fiction a expérimenté cela : rien à voir donc avec la pensée, avec le cortex frontal donc, mais avec un système très en arrière, qui ne demande qu’à prendre ses aises.
Et comme je suis un lecteur décidément très assidu du Monde, je tourne les pages et tombe sur une autre interview, celle, cette fois, de l’ex-psychanalyste François Roustang , à l’occasion de la sortie de son livre « Le Secret de Socrate pour changer la vie ». Lui prône le « lâcher prise » en guise de thérapie, autrement dit « expérimenter cette perte de contrôle totale qui s’apparente à la folie. « Une folie réversible qui n’est autre que la transe hypnotique », mais qui constitue la condition préalable à une reconfiguration générale de l’existence dans le sens d’une plus grande liberté et d’une inventivité retrouvée. » En somme, cesser de « penser » un bon coup, et se laisser envahir par les vagues qui nous viennent d’en arrière de ce cortex frontal décidément… épuisant.
Quand les neuro-sciences rencontrent la psychanalyse….

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