Je ne songe pas à scier les barreaux, à fausser compagnie aux gardiens, mais simplement à s'accorder une respiration, un peu de liberté... Lire et écrire me semble être une bonne solution. Encore faut-il avoir le courage de le faire, ne pas être totalement anéanti par l'univers carcéral, pas dérangé non plus par les voisins de cellule... Oui, lire... écrire surtout... de la prose, des poésies... l'exercice n'est pas nouveau d'ailleurs. Des gens célèbres incarcérés de droit commun ou politique s'y sont attelés avec un grand talent: Paul Verlaine, Oscar Wilde, Guillaume Apollinaire, Jean Genet, Albertine Sarrazin, Jean Zay...
Vous vous souvenez tous de ces vers célèbres nés de la captivité de Verlaine : "Le ciel est, par dessus le toit, Si bleu, si calme! Un arbre, par-dessus le toit, Berce sa palme." Comment ne pas y songer lorsque j'ai découvert ce poème d'un détenu anonyme :
Une branche d'arbre qui bouge
Ombre chinoise
Sur le verre dépoli
De la fenêtre
Il y a toujours des barreaux
Toujours
Il y a du silence
Complice
Et de la vie
Toujours la vie
Et de l'amour qui se balance
Sur les agrès de nos coeurs gros
Je suis
Verbe être
Si vil civil et poli
Je suis dans le vent qui déboise
Le vent, qui torture et qui ronge
Le vent d'ennui
Dans la nuit qui revient inlassable.
Ma nuit
Où ma peine indéfinissable
M'attend.
Pierre, Loos-lès-Lille
Paroles de détenus - Librio n° 409 -