Pour un colloque sur l’enseignement de l’histoire en Haïti
par Michel Hector
(suite de l’édition du mercredi 20 octobre 2009)
Il faut enfin indiquer un troisième déficit qui réside dans les méthodes d’enseignement. En réalité, il s’agit d’une pédagogie encore trop livresque caractérisée par le manque de rapports avec l’étude de l’espace pour une liaison entre géographie et histoire (géo histoire), avec les documents d’archives dans des commentaires de textes, avec les visites des lieux d’histoire devenus lieux de mémoire pour le développement et la généralisation d’une culture citoyenne de protection et de valorisation du patrimoine. Or, malgré la relative multiplication, au cours de ces dernières années, d’études historiques peu ou prou approfondies sur des thèmes particuliers, très rares sont jusqu’à présent les œuvres de synthèse sur le XIXe et / ou le XXe siècles haïtiens. De plus, il faut constater la faible capacité des bibliothèques scolaires et universitaires sauf quelques remarquables exceptions. Ainsi, le caractère livresque de l’enseignement conduit à l’assimilation mécanique d’une vision très limitée des périodes étudiées. Ce n’est pas une exagération corporatiste quand Philippe Joutard écrit : « L’histoire mal enseignée peut être la mère de tous les vices, de toutes les déformations et de toutes les dérives. » Un regard attentif sur la situation actuelle du pays peut nous porter à constater dans certains de nos comportements les dommages créés par ces grandes béances dans notre connaissance collective de notre passé. Nous vivons en effet une sorte de dilatation de la mémoire historique de la période révolutionnaire au détriment d’autres aspects de l’époque coloniale, comme la traite négrière par exemple, et une fragmentation de la mémoire des XIXe et XXe siècles qui nous porte à oublier l’évolution du collectif et du social ainsi qu’à nous enfermer dans un individualisme sans issue. D’où l’urgence d’une réforme de l’enseignement de l’histoire afin d’apporter une contribution substantielle à l’implantation d’une véritable mentalité démocratique et citoyenne comme substrat indispensable de la modernisation de notre société. Il s’agit donc d’un vaste chantier qui intéresse les trois niveaux de l’enseignement, le fondamental, le secondaire et le supérieur ainsi que de nombreux organismes du ministère de l’Education nationale et de la formation professionnelle. Toutes les institutions de ces différents niveaux sont concernées, qu’elles soient publiques ou privées, nationales ou étrangères, laïques ou congréganistes. Les universités sont intéressées en vue tout d’abord de déterminer comment offrir à tous leurs étudiants une base commune de connaissance en histoire nationale qui soit supérieure à celle acquise durant le secondaire.
Ce colloque ne se propose pas naturellement de résoudre tous les problèmes présentés par et dans l’enseignement de l’histoire. Il s’agira de prendre une série de dispositions parmi les plus urgentes sur les programmes, les manuels, la formation des enseignants et sur le rôle indispensable de la recherche comme fondement réel d’une possible rénovation de la connaissance historique. Là, comme dans la préparation des professeurs d’histoire et de géographie, se situe l’apport indispensable des universités.
Ce colloque sera précédé de la tenue d’ateliers régionaux sur ces thèmes dans les dix départements géographiques du pays. À chaque fois, on procédera à un état des lieux et à l’élaboration de propositions concrètes non seulement pour une amélioration immédiate de l’enseignement proprement dit de l’histoire et de la géographie mais aussi une sensibilisation des populations concernées à la protection et conservation du patrimoine de leurs localités. Ce dernier aspect, dans sa riche variété, se révèle de plus en plus important pour le renforcement de l’identité collective, tant au niveau régional que national, et pour garantir véritablement la diversité culturelle dans le monde globalisé d’aujourd’hui.
À ces ateliers et au colloque participeront les enseignants en histoire et géographie, les historiens et auteurs de manuels qui n’exercent pas la profession enseignante. Mais auront également une place de choix les maisons d’édition de manuels et livres d’histoire ainsi que les associations de professeurs en général et plus particulièrement celles qui rassemblent sur la base de l’enseignement de l’histoire. Naturellement la Société haïtienne d’Histoire et de Géographie, les principales universités du pays, certaines organisations culturelles de la société civile seront parties prenantes à toutes les étapes du développement des activités des ateliers et du colloque en fonction des moyens disponibles. Le ministère de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle et la Commission présidentielle de commémoration de la décennie du bicentenaire, avec la collaboration des Archives nationales prendront toutes les dispositions pour la mise en marche des ateliers et du colloque au cours de l’année 2010.
Source: Journal Le matinYon gwo AYIBOBO pou ou men m zanmi m ki vizite lakou sa pou pwan nouvèl zanmi lakay ak lòt bò dlo.