Revenons maintenant à Nathalie Pages, mais en restant sur cette question de nos périmètres, de nos territoires. Bien sûr cela n'a rien à voir. Nathalie est
totalement libre de ses mouvements, et s'en réjouit chaque jour.
Observons donc, par exemple, la liberté de ses mouvements à l'intérieur de son appartement.
Au bout de seulement quelques jours d'enregistrement, on peut constater que ceux-ci suivent des cheminements réguliers, et peuvent être classés selon une typologie assez simple : il y a
les déplacements du matin, et les déplacements du soir.
Les déplacements du matin commencent à partir du lit, filent aux toilettes, vont dans la cuisine préparer café et
petit déjeuner, reviennent à la chambre pour chercher les habits, font des courtes haltes dans les chambres des enfants pour les réveiller, arrivent à la salle de bains, puis de nouveau cuisine,
puis salle de bain - lavage de dents, puis sortie.
Les déplacements du soir sont moins saccadés, du fait de la fatigue, et se concentrent sur l'espace de la cuisine : préparation du dîner, débarassage de la table. A noter une brêve incursion au salon pour vérifier le programme à la télé, debout devant le canapé, puis l'abandon, le lit rejoint, le sommeil.
Les déplacements de Nathalie seraient-ils aussi prévisibles et contraints que ceux dont on voit parfois la trace dans
des pelouses d'été, et que les enfants nomment "autoroutes à fourmis"? Ses cheminements seraient-ils tant canalisés qu'il n'y aurait pas finalement besoin de la notion de surface pour
définir le lieu où se tient sa vie, mais seulement du mince vocable de ...ligne?
(Et cela, alors, ne serait pas dû seulement à son statut de personnage écrit).
Rassurons-nous, il existe au moins un moment par semaine où Nathalie prend possession, par ses gestes, de la totalité de son espace : c'est le jour où elle fait le ménage.