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La place du droit dans le marketing

Publié le 24 octobre 2009 par Michelgutsatz

Brosses_de_Antoine_H_72[1] J'ai le plaisir d'accueillir un nouvel auteur au sein de BrandWatch: Antoine de Brosses, avocat au cabinet Lovells, spécialiste du droit des aliments et des produits cosmétiques. Il est l'auteur d'un ouvrage sur l'étiquettage des produits alimentaires et en prépare un second sur celui des produits cosmétiques. Bienvenue sur BrandWatch!


Le droit et la règlementation ont mauvaise presse vis-à-vis du marketing : le juriste et/ou le responsable des affaires règlementaires, ce sont les tristes sires qui disent non aux merveilleux créatifs.

Cette vision négative du juriste procède soit d’une méconnaissance de sa fonction, soit d’une mauvaise organisation de l’entreprise, soit d’une conception erronée du juriste de son rôle, soit de tout en même temps.
Ces difficultés relationnelles perturbent le time to market des nouveaux produits. Elles ne sont pourtant pas insurmontables à régler. Voici quelques pistes de réflexion.

1° Mieux connaître la fonction du juriste

Le rôle du juriste est de protéger l’entreprise et ses dirigeants contre les risques de poursuite judiciaire résultant de non-conformités règlementaires. Pour un dirigeant, être renvoyé devant un Tribunal correctionnel pour publicité trompeuse est insupportable, tout comme pour l’entreprise être condamnée pour concurrence déloyale par un Tribunal de Commerce à arrêter la commercialisation d’un produit et à payer de lourds dommages-intérêts à un concurrent (ex : 2,4 millions d’euros pour une utilisation abusive de l’adjectif « frais » sur un packaging).
Le chef de produit, qui a pris la décision de mettre un produit non conforme sur le marché, se trouve alors dans l’état d’esprit de Guillaume II contemplant les ravages de la guerre de 1914-18, qui aurait dit à son entourage « Mon Dieu, je n’avais pas voulu cela ! ».

2° Améliorer l’organisation de l’entreprise

Il est stupéfiant de constater que de nombreuses entreprises sont mal organisées pour résoudre les problèmes de conformité juridique de leurs produits, alors mêmes que l’environnement réglementaire de ceux-ci devient de plus en plus complexe.
Souvent, le nouveau produit a été conçu par les services R & D et marketing seuls. La vérification de la conformité règlementaire de sa composition et de sa présentation n’intervient qu’en bout de course, comme l’ultime séquence. On demande au service qualité et/ou au service juridique ou réglementaire de donner leur avis, si possible en 24 heures et, bien entendu, l’avis doit être favorable. Et c’est là que commence le chemin de croix du chef de produit. Tel ingrédient n’est pas autorisé en Europe, ce claim non plus, il n’est pas assez justifié, il faut le changer etc.. Le mix marketing du produit s’effondre à la dernière minute.

Pour éviter la perte de temps, d’énergie et d’argent (ex : refaire le packaging avec une agence extérieure) résultant de l’impossibilité de mettre sur le marché le nouveau produit en l’état, il faut améliorer l’organisation de l’entreprise en faisant intervenir le responsable des affaires réglementaires et/ou juridique plus en amont. Il suffit pour cela d’affecter un juriste ou un responsable des affaires réglementaires au service R & D, ce qui a l’immense mérite d’éviter de partir sur de magnifiques projets .. totalement contraires à la règlementation (ex : utilisation d’un claim santé ou d’un ingrédient autorisés aux Etats-Unis et interdits en Europe).

3° Améliorer la fonction juridique et règlementaire

La première question à se poser est de savoir qui a la mission de vérifier la conformité du produit : un technicien (responsable qualité, responsable règlementaire) ou un juriste ? L’idéal est de disposer des deux en même temps.

Le technicien est un meilleur connaisseur du produit que le juriste et est en mesure de régler les questions règlementaires de base.

Le rôle du juriste commence là où celui du technicien s’arrête, par exemple quand il faut résoudre un problème en l’absence de texte précis sur le sujet. C’est souvent le cas pour les produits nouveaux, car l’innovation avance plus vite que la règlementation.

Le juriste a aussi plus de facilité à résoudre des difficultés pratiques en ayant recours à l’interprétation d’une règlementation, à l’application de principes généraux (ex : existe-t-il un risque de confusion avec le choix de telle dénomination de vente ou tel claim ..), au raisonnement par analogie (ex : appliquer à un produit A une solution retenue pour un produit B).

Le juriste peut aussi effectuer une analyse de la légalité d’un texte national et décider de l’écarter parce qu’il n’est pas conforme au droit communautaire (ex : illégalité de la règlementation italienne qui imposait d’indiquer sur l’étiquetage des produits cosmétiques l’origine naturelle ou synthétique des parfums utilisés).
Le juriste est l’homme des situations complexes qu’il peut résoudre, avec le support du technicien, qui règle les problèmes quotidiens.
Mais ce juriste n’est utile que s’il connait parfaitement la règlementation, ce qui n’est pas le cas de certains juristes d’entreprise qui sont des généralistes et pour qui les questions règlementaires ne représentent qu’une faible part de leur activité. Dans ce cas, il faut utiliser une ressource juridique externe.
L’intervention en amont du juriste ou du responsable de la règlementation et l’utilisation à bon escient de cette double ressource réconcilient la création et la rigueur dans le développement des produits, pour le plus grand bénéfice de l’entreprise.


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