... Il y a votre voix et il y a les mots que je ne dirai pas... C'est sur la très jolie chanson de Françoise Hardy "Message Personnel" que je débute ce billet.
C'était l'autre jour, il pleuvait averse, les rafales de pluie giflaient les vitres de ma chambre de toute leur férocité. Je n'étais pas bien, une angoisse nouée au fond des entrailles, recroquevillée sur mes oreillers, mon Sony Vaio à mes côtés, incapable, pauvre bête de m'apaiser ou de me consoler.
J'ai eu besoin d'un sédatif ou d'un coup de fouet, c'est selon. J'ai cherché un roc, un mur en granit ou en béton pour amarrer un mousqueton avant de tomber tout à fait en bas de la muraille lisse sur laquelle je glisse depuis le début de l'automne. J'ai fermé les yeux et j'ai voulu pleurer...
.. Je l'ai vu sourire. "Moyen mémo technique" disait-il, et sur un post it, il détachait son numéro de téléphone. Ecrit ainsi, tout devenait facile. Pour preuve, cinq longues années se sont écoulées, ce numéro, je ne l'ai écrit nulle part, pourtant je m'en souviens sans effort de concentration.
Je ne sais pas ce qui m'a pris. J'ai masqué mon numéro pour composer le sien. Je n'ai même pas collé le récepteur à mon oreille. Dans mon esprit, il avait fatalement changé sa ligne. Une sonnerie et un "Allo, ne quittez pas, un instant..." Une voix sourde, encore plus sourde et plus basse que par le passé qui était bien celle de celui que j'appelais silencieusement au secours, sans savoir ni pourquoi, ni comment. J'ai approché la joue de mon téléphone. Il était à la fois, si proche et si lointain. Il conversait sur une autre ligne. A son ton, j'ai deviné que son interlocuteur ne l'interessait qu'à moitié. Il a toujours su évincer les "encombrants" et les inopportuns. Il n'avait donc pas changé. J'ai fermé les yeux pour l'imaginer. A-t-il vieilli ? Oui, tout comme moi, mais son regard est resté clair et puissant. J'ai revu la fine cicatrice qu'il a au coin de la paupière droite, et la fossette au creux de son menton. J'ai écouté sans l'entendre la pluie ruisseler sur la grande baie vitrée, là où autrefois il était assis... mais peut être son bureau a-t-il déménagé ?
... Il prenait congé, il allait me parler, me demander qui était derrière ce numéro masqué. J'ai paniqué, j'ai raccroché. Bip. Ce doux moment d'intimité était terminé. Je m'étais réveillée... S'il savait... Oui, s'il savait que derrière cet appel manqué, il y avait celle qui un jour de décembre, d'une lointaine année, l'a planté sous la neige, sur un trottoir en plein Paris, devant le 6 de l'élégante et distante Avenue de Iéna. Oui, s'il savait...
Je me suis redressée sur mes oreillers, je me suis ébrouée et je me suis levée pour me faire du café. Curieusement, la chappe de plomb au dessus de ma tête et tout autour de mon coeur lourd s'était désagrégée. Derrière les nuages bas, un rai de lumière pâle venait me caresser. Il m'avait apaisée. Il était le roc, le mur de granit ou de béton où j'avais eu besoin de m'amarrer. Pourtant, c'est moi qui l'ait quitté, un matin de décembre dans un tourbillon de neige. Lui, ne m'aurait jamais lâchée, il me l'avait juré...
LES COMMENTAIRES (1)
posté le 26 février à 19:55
Ton texte, très bien écrit,m'a profondément touchée. C'est également mon histoire. Le noeud au milieu de la poitrine qui fait encore si mal, parfois, plusieurs années après. Et ce roc, cet arbre, le seul auquel ont aie pu s'ammarrer et qu'on a pourtant quitté...