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La Stagiaire [1]

Publié le 26 octobre 2009 par Roxie
La Stagiaire [1]

1
Elle déposa son plateau devant elle, face à la grande baie vitrée, puis attaqua sa salade césar. Juste à la table derrière elle, lui aussi s’installa avec ses deux collègues de bureau. Ils faisaient tellement de chahut ce jour-là, que certains leur lançaient des regards sévères. Mais eux, ils étaient tout excités, et ne prêtèrent guère attention à la gêne qu’ils avaient causée. Ils étaient plutôt beaux gosses. Chacun à sa façon. Bien habillés. Visages rayonnants. L’un d’eux avait le teint bronzé comme s’il venait de revenir des Caraïbes.
-Tu l’as vu ??? ça c’est de la bonne ! Enfin, ils daignent nous ramener un truc de qualité !
-Arrête ! on ne dit pas « truc » ; c’est un être humain après tout.
-Bon, bon on a compris Mr. le féministe. Mais franchement avoue que sous ses faux air de sainte-nitouche, y’a de la bonne… Aie aie, rien qu’en y pensant, j’ai mal au manche !
-Vous allez arrêter ou pas ??? Baissez d’un ton au moins.
-Okey, mais dis nous au moins tu pense quoi de la petite ?
-Hey, elle n’est pas si petite que ça. T’as vu ses jambes ??? Adriana Karembeu devrait aller se rhabiller.
-On peut changer de sujet ou pas ? Vous avez la langue qui pend devant cette fille. Oui, elle à l’air d’être bien foutue, mais ça n’empêche que vous serez collègues dorénavant, donc un peu de retenue serait le bienvenu.
-Dis-nous qu’elle est bonne, et on te laissera.
Elle suivait leur conversation en silence, en essayant de ne pas attirer l’attention sur elle. Personne ne vint s’installer à sa table à elle. Tout le monde voulait fuir le bruit que faisait ces trois garçons, mais elle, il semblait ne pas l’atteindre. Elle finissait son repas en pensant à cette journée. Elle était impatiente que cela finisse afin de rejoindre sa meilleure amie au Dolce et lui raconter tous les détails. Le coup de fil, l’entretien, le patron un peu trop entreprenant, et lui, si galant, si attentionné… Bref, tout.
Elle n’était pas d’une beauté criarde, mais on lui avait souvent dit qu’elle avait un sourire à croquer. Pour cette journée, elle avait opté pour un tailleur beige avec des rayures. Sobre, mais élégant, qui lui donna un teint rayonnant. C’était sa journée après tout. Elle rattacha ses longs cheveux bouclés en pensant à la séance chouchoutage que lui avait offerte Dora un jour avant. « Tu dois te sentir au summum de ta beauté demain. On ne sait jamais. Peut être tu trouveras ton prince charmant parmi les centaines de banquiers qui travailleront avec toi ». A vrai dire, depuis que Dora s’est fiancée avec son amoureux de cinq ans, elle n’arrête pas d’essayer de la caser. Même sa mère n’en fait pas autant. Elle a 24ans, et alors ? Ce n’est pas la fin du monde. Elle a encore du temps devant elle pour rencontrer, sortir, rompre, pleurer et re-sortir.
-Si je n’avais pas Maysa, je te jure que je ne l’aurais pas raté.
-Et depuis quand Maysa était un obstacle pour toi ? T’as oublié les soirées de célibataire que tu t’offrais à chaque fois qu’on sortait ?
-La vodka à 250dt devant toi sur la table, entourée d’une brochette de filles, pendant que monsieur faisait sa sélection, selon la superficie du vêtement et les balancements du bassin.
-Bon arrêtez, Maysa et moi, on va se fiancer.
-Quoi ?????
-C’est une fille bien. Félicitations Khalil.
-Tu l’encourages toi ??? Tu sais très bien que tu vas devoir mettre un terme à toute activité en dehors de ta Maysa ! Après, ce sera le mariage, les biberons, les couches, la belle-famille, etc.
-C’est Maysa qui le voulait, tu dois me comprendre Sami. Je n’ai pas envie de la perdre.
-Alors, tu ne veux pas tenter ta chance avec la nouvelle ?
-L’offre est alléchante, mais cette fois-ci, ce sera non.
-Alors y’en aura plus pour moi et Sabri, n’est ce pas Sabri ?
-C’est dégoûtant ce que tu fais, on va tout de même pas se partager une tarte aux pommes !
Son téléphone sonna, et elle se leva brusquement. Un reflexe qu’elle a gardé à chaque fois qu’il l’appelait. Mais cette fois-ci elle ne va pas répondre. C’était la pause-déjeuner, et elle n’avait aucune envie qu’on vienne la lui gâcher. N’empêche qu’elle avait fini, et pensait faire un peu de marche avant de rejoindre son bureau. D’ailleurs, elle devrait penser à s’acheter une de ces peintures modernistes, qu’elle mettra bien en valeur par dessus sa tête. Dans son élan, sa chaise heurta celle de la personne derrière elle, qui n’était autre que lui. Ils se regardèrent, elle, avec un regard gêné, lui avec les yeux tout illuminés. Elle se retourna, prit son sac hâtivement, puis déguerpit.
-C’est elle, mon Dieu, c’est elle ! Ne me dites pas qu’elle a tout entendu de la conversation ???
-Oui, c’est elle, la nouvelle, lança Sami avec un sourire plus que ravi.

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