Misères !
Par Oscar Germain
« La pauvreté, on s’en remet. La misère, c’est cette chose atroce, qui coupe les jambes et la tête. La misère, elle, est tragique. »Michel Ragon
Voyager. Se faire de nouveaux amis. Revoir les amis. D’enfance. De l’adolescence. De l’âge adulte. Partager de bons moments avec des amis d’ici et d’ailleurs. Voilà des activités sociales que la société moderne nous permet de faire de façon agréable. Quel qu’il soit notre lieu de résidence. Non pas de façon instantanée mais de façon rapide, peut-être trop rapide. Nous vivons le siècle de l’immédiat. Traverser l’océan dans un sens ou dans l’autre, visiter des pays lointains, aller d’un continent à l’autre, tout cela est banalisé dans ce siècle de « l’immédiateté». On prend l’avion comme si on prenait le bus. Ainsi, on apprend. On se fait connaître. Voilà peut-être ce qui a fait le plus de tort au pays. À ce pays qui s’est si mal fait connaître. À ce pays si mal connu. En commençant par ses propres fils, aussi bien du dedans que du dehors, qui n’ont pas ait l’effort nécessaire de comprendre, de comprendre que seul « l’exercice de l’amour du pays, partagé entre tous », mettra fin aux misères du pays.
Enfin, chers amis lecteurs, connaître ce pays c’est apprendre à souffrir car il y a dans ce pays quelque chose qui ait mal. Profondément mal. Et, le problème, c’est que, ou bien on évite d’y penser ou bien, à chaque fois que l’on y pense, quelque chose d’agréable arrive à « corrompre » cette idée négative. Cependant, il suffit de gratter, rien que superficiellement, avec un simple « regard attentif », pour comprendre que cela touche quasiment l’irréparable. Un fonctionnement malsain. Une vision « personnaliste » des affaires publiques. Vision. Fonctionnement. Perception. Planification. Souveraineté. Transformation. Voilà six mots sur lesquels je vous proposerais, chers lecteurs, de réfléchir, un peu, longuement, si certains d’entre vous arrivent à se procurer le temps pour le faire (et si l’envie leur survient), afin d’apprécier l’état de misère qui nous enveloppe.
Chères amies lectrices, chers amis lecteurs, j’imagine que vous me comprendrez si je vous dis que j’ai du mal à comprendre que nous en soyons là. Maintenant. En ce début de 21e siècle. Personne ne peut comprendre qu’un pays, avec plus de 10 millions d’habitants arrive à vivre avec un budget national de moins de 2.4 milliards de dollars. Et, en plus, avec près de 65% de ce budget provenant de l’Assistance Internationale. De la bonne volonté de bailleurs de fonds de mauvaise foi, qui au fond, confient très peu dans une soi-disant transformation du pays. Voilà, chers amis, ce qui me préoccupe ces derniers temps, quoiqu’en réalité, avec autant de personnalités qui visitent le pays dernièrement, cela aurait dû provoquer un regain d’optimisme chez moi. Non. Loin de là. Cela m’a poussé à l’introspection. À me dire que, à nouveau, nous allons nous « foutre le doigt dans l’œil ». Jusqu’au coude !
Je faisais part de ces préoccupations à des amis. Certains d’entre eux de longue date et d’autres, de date récente. Plusieurs d’entre eux, vivant dans le 11 département, donc, des « frères de la diaspora incomprise ». Mais une bonne partie était des « natif-natal » du genre à ne pouvoir passer plus d’un mois suivi en-dehors du pays. « Mwen anvi wè mouch », comme disait Piram, de regrettée mémoire, semble les motiver à rentrer le plus vite possible au pays. Cependant, on partageait tous la condition de « privilégiés », dans un pays pauvre. Paradoxalement, même nos dirigeants semblent former partie de cette catégorie. Ils vont jouir ailleurs ce qu’ils gagnent ici (parfois de façon illicite, d’autres fois de façon allégale) mais nourrissent secrètement l’idée de ne jamais pouvoir le faire ici. Trop de regards indiscrets. Trop de « misères ».
Enfin, chers amis lecteurs, avec ce groupe d’amis, réunis comme au bon vieux temps, on se sentait attristés de voir, que ce coin de terre, qui a tant à offrir et qui aurait tellement pu offrir, se sécher au soleil de l’indifférence internationale. Certains ont parlé de la corruption comme cause. Moi, je parle de « misère de l’esprit », qui enchaîne le corps et l’âme et empêche de comprendre que la mauvaise interprétation que l’on fait du concept « Bien public » et le mauvais usage des « Fonds publics », de la part de quelques-uns, ne peut ne pas porter préjudice à la grande majorité des fils du pays.
Et il en est ainsi ! Et ils le savent ! Mais ils s’en foutent ! Enfin chers amis, la misère, la plus implacable des lois, comme disait Victor Hugo, cette longue agonie du pauvre qui se termine par la mort du riche, doit être combattue avec la plus ferme détermination. Par les législateurs. Par les décideurs politiques. Par les riches, pour leur survie, pour se protéger des pauvres.
Espérons qu’ils s’en rendent compte.
Oscar Germain, [email protected]
Source : L’hebdomadaire Haiti Marche #39, Octobre 2009Yon gwo AYIBOBO pou ou men m zanmi m ki vizite lakou sa pou pwan nouvèl zanmi lakay ak lòt bò dlo.