... D'elle quelques polaroïd, un jour de mai, la devanture d'une boutique de fleurs, trois mouflets vétus de blanc, natifs de leurs seuls ailleurs, les yeux plissés par l'aveuglant soleil des jours de communion solennelle. D'elle, deux toutes petites filles en caleçon, marchant à peine, sur une pelouse, quelque part dans le temps. D'elle, un jeune frère en blouson de jean et short, souriant, son walkman à la main, le casque sur les oreilles, un dimanche soir, juste avant que son grand regard triste reste collé au rétroviseur de la voiture qui quitte pesamment le bord du trottoir; et que son sourire, il le fuit pour ne plus avoir à se souvenir du bord des fleuves. D'elle, le souvenir qui ne revient pas pour lui sourire et de ce sourire là dissiper ses étranges et sauvages défaites. Sur cette page là sa main passe et repasse comme pour réchauffer ces petites vies dépecées par le silence et les hurlements de moteur du camion de déménagement franchissant lourdement le portail du 199, rue de Rosny. De là tombe le dernier créneau de l'innocence calcinée. Comment dire ? Il retint un peu ce que le bestiaire contenait selon lui de plus humain. Des barbares unis dans leurs mensonges contre le mensonge. Mais le dit de la poussière faisait depuis longtemps litanie, et des quatre dont il avait été l'ainé ne subsistaient que les cadets, le sang qu'un fleuve cristallisait sur la rive, après qu'une première crue l'eut fait débordé, qu'un premier et noir débordement l'eut fait sortir, lui, des rais de la lumière chirurgicale. Il se souvint mais seul et ces souvenirs n'étaient plus qu'un linceul en peau de chagrin. il fallait avancer, avancer sans continuer. Du bestiaire tombèrent alors quelques rires vite réprimés, les conneries que l'on fait ensemble quand il semble naturel qu'ensemble n'est pas feint.
Puis d'entre les pages du bestiaire tinta le rosaire de ses amours. Et là sincèrement, en petit marrateur que je suis, je vais me faire un café...