Récit de derrière les barreaux..(3)

Publié le 27 octobre 2009 par Docteurho

La première chose à laquelle vous pensez, lorsque vous mettez les pieds dans une geôle marocaine, c’est comment et en fonction de quoi vous allez choisir votre place…Je suis sans vous rappeler, qu’en tant que nouvelle recrue, j’étais très attendu à l’intérieur, encore plus que tous ceux qui m’avaient accompagné, et pour cause, je portais une chemise rose!

Mes premiers pas à l’intérieur étaient déterminants, surtout que mon dexter faisait ce bruit qui lui est si particulier, et qui rappelait quelque chose à tous ces mecs dont la virilité est le seul signe apparent, puisque là dedans, aucune émotion n’est disponible! Tout le monde est gonflé d’un quelque chose qui est fait pour dissuader les autres de lui marcher sur les pieds.  J’avançais d’un pas lent mais sûr, droit devant moi, ne regardant ni à droite ni à gauche, visant un coin de libre que j’ai vite squatté avant que d’autres ne sautent dessus. Mes compagnons du voyage, eux, se sont vite mis à distribuer des bises par ci, des accolades par là…Des habitués quoi!

Une fois installé, à même le sol, j’allumai une clope et vidai mes poumons nerveusement, comme pour signaler aux autres que mon allure n’avait rien à voir avec mon « sale » tempérament. Attention, je ne suis pas une peau lisse, et cette place est désormais la mienne!! Je ne compris que plus tard, que mon geste m’avait valu les rires silencieux des camarades, puisque cette place, justement, personne ne voudrait me la prendre, car tout simplement, elle puait les chiottes! J’étais, en fait, allé m’installer dos aux toilettes, qui m’envoyèrent leur odeur en plein gueule, une fois que l’endroit perdit de son mystique! Quel con!

Il était 17h15  quand je suis entré dans cet endroit, mais au moment où le policier m’a hélé pour me tendre un sachet de plastique bourré de bouffe, je ne savais pas vraiment combien de temps s’était passé, ni comment je l’ai vécu ce temps là. Seule la douleur à mes fesses, m’indiquait que j’avais passé de longues minutes à même le sol froid…En retournant à ma place, une petite foule s’aggloméra autour de moi, sans me demander mon avis ni même me dire bonjour. Mon repas a été avalé par des inconnus, avant même que je puisse identifier de quoi il était composé…Ce n’était pas si grave, puisque je n’avais pas envie de manger non plus…Je me contentai d’un Dan’up qui me servit de dekka tout en faisant mine de générosité. Allez, servez-vous ! En réalité, je n’avais pas le choix, et je n’étais pas préparé ni mentalement, ni physiquement à demander des explications ! Je me résignai, donc, à me faire à l’idée que les prochaines 48 heures, j’allais vraiment souffrir, d’abord de ce froid glacial qui me rongeait le postérieur, et ensuite de cette hiérarchie implacable, face à laquelle je ne pouvais rien. Deux jours ! Le temps passe si lentement dans une geôle, surtout si on est un « bleu » et qu’on ne sait pas s’occuper…

-         Chi garrou al3chir !

Cette phrase m’extirpa des méandres de mes pensées, un songe qui a duré, je ne sais combien de temps. Je m’empressais de m’exécuter, tandis que mon « assaillant » s’asseyait à coté de moi…Je ne comprenais pas pourquoi il voulait rester, du moment qu’il avait eu ce qu’il voulait, mais à ma grande joie, ce jeune homme me tapota l’épaule et me fit comprendre que ça allait passer et que je n’avais nul besoin de m’en faire :

-         Matkhafch a khouya, koulchi ghadi ydouz bikhir inchallah !

Son ton rassurant, et son geste eurent vite de m’expédier une dose d’aise dont j’avais besoin. Je me ressaisis et en allumant une blonde, je lui lançais toujours sans le regarder dans les yeux :

-         Rebbi kbir a khouya, lah ye7ssen le3wane !

J’avais fait un grand effort, pour ne pas laisser mon émotion me trahir, ni paraitre faible devant un mec aux allures peu recommandables, même s’il avait l’air de venir en paix. Nous discutâmes de tout et de rien, surtout des raisons de notre présence dans ce lieu. Il m’invita, ensuite, à partager la couverture qui lui servait de logis, et tandis que je m’installai à coté de lui, les autres me regardaient avec un peu plus de respect. Je devinai facilement, que mon « ami » était un sacré morceau, et que sa compagnie m’allait être précieuse. Je décidai vite d’en profiter, en jouant le jeu, vu que ça ne me coutait rien, et puis pour mieux gérer les heures à venir. Nous discutâmes longuement, mon ami et moi, et ma grande surprise, fût de savoir que l’homme qui se tenait à coté de moi, n’était autre qu’un Notable des bas quartiers de Mazagan, un guerrier des plus connus, et des plus impitoyables ! Je découvrais l’autre face d’un homme, celle profonde, celle qui n’apparaît pas quand il est armé de son coutelas pour défendre son territoire et ses intérêts. Il avait 22 ans, et il s’appelait Mou3wiya !