Extrait de la vraie histoire

Extrait de la vraie vie de Roméo et Juliette, telle que Shakespeare ne pouvait pas la raconter à son époque. Oui parce que dans la vraie histoire, Juliette se barre au milieu du bouquin. Je ne te parle même pas de la gueule de Roméo quand il apprend qu’elle se tapait le valet de nuit dès qu’il allait à la pêche. Il finira la gueule dans le caniveau, dépressif, alcoolique, noyé dans son vomi. Je le sais de source sûre : je tiens ça d’une rencontre haute en couleur, dans le marais, un soir d’octobre.

Roméo et Juliette sont monté sur le plongeoir, tout en haut. Le quinze mètres, celui qui fait peur. Ils se tiennent la main. Mais maintenant qu’ils sont là-haut, il faut sauter. Roméo propose (l’homme propose toujours) :
« On se tient la main très fort et on saute tout droit ». Juliette l’observe. Elle voudrait bien, mais elle a peur. « Vas-y d’abord et je te suis ».
Roméo, qui n’a aucune confiance dans la gente féminine, ne la croit pas. Je vais sauter et elle va me regarder plonger, et redescendre par l’escalier, se dit-il. Finalement, il essaye de la convaincre :
« Si tu es avec moi, tu n’auras pas peur, ça va être sensationnel ».
Comme elle ne répond toujours pas, il tente le tout pour le tout. Il s’approche dangereusement du bord, ses doigts de pieds dépassent déjà dans le vide. Il tient toujours Juliette fermement dans sa main. Elle recule, paralysée par la peur, elle plie les genoux pour tenter de résister si jamais Roméo tentait une folie. Son visage se crispe.
Finalement, Roméo se décide. Mais il glisse lamentablement au lieu de sauter fièrement. Il ne veut pas tomber seul. Il est retenu par la main de Juliette. Le reste du corps dans le vide.
« Saute avec moi Juliette
_ C’est trop difficile, je ne peux pas.
_ Mais c’est ce qu’on voulait, toi et moi, plonger ensemble.
_ Je sais, mais je ne m’imaginais pas ça, c’est trop dur. »
Roméo est maintenant retenu par sa deuxième main, sur le bord du plongeoir. Les jambes encore dans le vide, ses bras lui font souffrir le martyre.
« Il faut que tu m’aides à remonter maintenant.
_ Mais je veux bien sauter avec toi Roméo, tu sais, c’est juste que j’ai peur.
_ Alors vas-y plonge, et arrête de me mettre dans des situations impossibles ! Il hurle maintenant, énervé et submergé par la douleur.
_ Mais je suis sûr que tu va plonger les pieds en avant, et moi je voulais plonger la tête d’abord.
Roméo essaye de retrouver son calme tant bien que mal.
_ Écoute l’essentiel c’est de plonger ensemble, le reste c’est du détail, tout est dans l’intention pas dans la manière.
_ D’accord, on y va ! Sourit-elle  ».

Alors Roméo cède à la douleur de ses avant bras et lâche. Sans perdre des yeux sa promise qui s’approche à son tour du bord. Il ne veut pas perdre des yeux les siens, fixés sur lui. Et il les regarde devenir de toutes petites perles brillantes.
Et puis l’impact, l’eau, l’aveuglement. Il nage, comme pour survivre, et fini par sortir de l’eau. Il a mal à la nuque de lever la tête pour tenter de l’entrevoir. Pour un plongeon en commun, c’est raté.
Elle redescendra bien sûr par l’escalier.
Calmée : « Allez vient, on s’en va. C’était nul comme idée. »