Deux réflexions sur la captivité, l'enfermement...
Publié le 27 octobre 2009 par Araucaria
Pour refermer le livre pour un temps, pas pour interrompre le débat et encore moins pour conclure. Comme pour bon nombre de discussions, aucune conclusion ne me semble possible. Juste la réflexion d'un détenu contemporain, Jean-Pierre, incarcéré en "préventive" pour une raison qui nous est inconnue, et une autre offerte sous forme de poème par Oscar Wilde, emprisonné pendant deux ans dans les prisons londoniennes, à la fin du 19ème siècle pour "actes indécents" (Il était homosexuel). (*) Quels sont vraiment les fondements de l'enfermement. L'exemplarité? La vengeance? La punition? L'expiation? La dangerosité? Au-delà d'un certain seuil, très différent selon les individus, la durée de la peine n'a plus aucun sens et transforme le détenu soit en fauve violent, soit en bête totalement anéantie. A la sortie, c'est donc la récidive ou la clochardisation ou, pire encore, un suicide qui, celui-là, ne sera pas comptabilisé! Cela fait bientôt sept mois que je suis ici en détention provisoire (du provisoire qui dure car la notion de "délai raisonnable" est arbitraire), subissant à chaque instant le traumatisme indélébile de l'attente. Je sais que désormais je n'ai plus d'avenir. On ne renaît pas de ses cendres... Mais quand je sortirai, et je sortirai bien un jour, comment exorciser l'accumulation de souffrances vécues ici, si ce n'est par la haine contre cette police et cette justice, plus que contre cette prison, une haine que je communiquerai inconsciemment à mon entourage et même aux plus jeunes, car le seul exutoire possible à une telle souffrance, qui ne s'oublie jamais, c'est de faire passer le message! Jean-Pierre, la Santé Je ne sais pas si les lois sont justes Ou si les lois sont iniques Mais ce que sait tout captif du fond de sa geôle C'est que le mur en est solide Et que chaque jour est long comme une année Une année dont les jours sont si longs (...) Je sais aussi - et comme il serait sage De l'apprendre à la terre entière Que ces prisons que bâtissent les hommes La honte les bâtit de pierres Et de barreaux, de peur que le Christ Voie comme l'homme estropie son frère De ces barreaux, ils ternissent la lune Et masquent le soleil glorieux Ils ont raison de cacher leur enfer Car ce qu'ils font ni fils de Dieu Ni fils de l'homme ne devraient le voir Tant ce qu'ils y font est odieux... Oscar Wilde La Ballade de la geôle de Reading Paroles de détenus - Librio n° 409 (*) Le "délit" d'homosexualité en France a été supprimé en 1978 par le Sénat, mais réintroduit par l'Assemblée Nationale. Cette disposition a été définitivement abrogée par l'alinéa 2 de l'article 331 de la loi du 4 août 1982.