Magazine Humeur

Insularité

Publié le 23 octobre 2007 par Jlhuss

: l’école de la patience…

par Lod

Insula, ae, f : l’île. Encerclée. Tout autour, les flots, alors même si tu décides de tout plaquer et de partir droit devant, tu finiras les pieds dans l’eau, refoulé, bloqué, prisonnier. L’île me fait un peu penser au monde tel que l’imaginaient les Antiques, un disque de terre et l’eau partout autour. Le Tartare au bout de l’horizon ?

S’il est difficile de se sauver d’une île, il n’est pas plus simple d’y faire parvenir le nécessaire à la survie des insulaires. Cela demande de l’organisation, de l’anticipation et de la réactivité : autant de qualités qui manquent aux tropicaux que nous sommes, engourdis par nos 30 ° de moyenne, les vapeurs de rhum et l’attrait du farniente sur la plage.

Mais quelques exemples concrets vous en convaincront mieux que de grands discours.

Exemple n° 1: le Muesli de Country Store étant ici à un prix prohibitif (plus de 6 euros le paquet, faut pas pousser mamie dans les orties), j’ai testé le Muesli U, qui s’avère encore meilleur, et dont Noé raffole autant que moi. Quand le paquet se vide, je note donc sur ma liste de courses du lundi soir : « Muesli ».

Or, il y a quelques semaines, un lundi soir justement, pas de Muesli U dans les rayons de l’Hyper U de St Louis ! Un peu chagrine, je me dis : « Il en reste de quoi faire deux-trois bols, et j’irai voir au Super U de l’Etang-Salé… » Mais au Super U, pas de Muesli U !! Pas d’autres magasins U dans le coin, et de toute évidence, le gars chargé des commandes de céréales chez U n’avait pas fait son boulot, parce que la pénurie de Muesli U a bien duré… trois semaines ! Autant dire que, dès que les chères boîtes jaune et marron sont réapparues en rayon, j’en ai acheté quatre d’un coup, que je stocke dans MON propre rayon céréales à moi, placard de gauche, en haut.

« Trois semaines » : c’est le délai minimum pour obtenir quoi que ce soit ici.

Exemple n° 2 : L’autre jour, je me dis comme ça : « Bon, maintenant que je grimpe du 6A, il me faut mon propre baudrier ! » (Oui, oui, Nico, tu as bien lu, une 6A, pas en tête, mais quand même…) Je file chez Run Evasion, je demande le « Luna de chez Petzl » : manque de chance, il n’y avait plus ma taille…

« On vous le commande ?

– Oui !

– Il sera là dans trois semaines. »

Snif.

Exemple n° 3 : Dans la foulée, et histoire de me consoler, je file chez Décathlon, dans l’intention de m’offrir AU MOINS la magnésie et le petit sac à pof qui va avec.

« Bonjour, je voudrais un sac à pof et de la magnésie ! 

– Ah la la, on a été dévalisé par la rentrée des clubs d’escalade, il ne reste RI-EN.

– Euh… Vous en aurez bientôt ?

– Trois semaines ! »

Re-snif.

Exemple n° 4 : J’ai demandé à mes élèves de 6ème de choisir l’un des romans d’Erich Kästner suivants : Deux pour une ou Emile et les détectives. Je les avais prévenus quatre semaines avant les vacances, et le livre est à lire pour la rentrée (cela leur laissait donc six semaines…) Je leur avais bien précisé : « Les enfants, ils n’en auront pas vingt-trois en rayon dans les librairies de St Pierre, il va falloir commander, et ça met trois semaines à arriver ! Donc vous y allez tout de suite ! » « Oui madaaaaaaaaame ! »

Un petit sondage fait la veille des vacances confirme mes craintes : les quatre cinquièmes des élèves ne s’étaient pas encore préoccupés de leur livre… Et là, je me dis : « Tiens tiens tiens… Mais au fait… Ai-je bien ces DEUX livres moi-même ? » Vérification faite, je n’avais que Emile et les détectives… Je file donc à St Pierre, au Point Virgule :

« Bonjour, je voudrais Deux pour une d’Erich Kästner.

– On ne l’a plus ! Mais c’est fou ça, tout le monde nous le demande en ce moment, hein Josette ! Je vous le commande ? Trois semaines… 

– Euh…non, merci, je vais voir… »

Mais chez Casal et à la Sopé, les deux autres librairies, même chanson, même étonnement un peu indigné : « Mais tout le monde veut ce livre ou quoi ! » (« Eh oui… Au fait, c’est moi, la prof, qui ai demandé à VINGT-TROIS gamins de le lire… Salut ! »)

Heureusement, comme partout, il y a toujours moyen de s’arranger, trois semaines, c’est pour le peuple qui ne peut pas faire autrement. Il suffit d’avoir des relations : par exemple, des beaux-parents qui arrivent trois jours plus tard, et qu’on appelle à la dernière minute pour les envoyer chercher Deux pour une dans une de nos bonnes vieilles librairies métropolitaines qui ont tout, et tout de suite…

« Piston ! »…Peut-être, mais en tout cas, moi, j’aurai mon livre à la rentrée, je pourrai donc, la conscience tranquille et le regard ferme, enguirlander les pauvres élèves qui n’auront pas été assez prévoyants, eux ! Niark niark niark…La cruauté me va comme un gant !


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