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Les Vanupieds (9)

Publié le 29 octobre 2009 par Plume

Les Vanupieds (1) : là
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Les Vanupieds (3) : là
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Les Vanupieds (7) : là

Les Vanupieds (8) :

« C’est là ! » Dit Adam en lui indiquant la haute et magnifique maison de pierre qu’ils venaient d’atteindre.

France examina un instant la façade au perron à colonnades. Il y avait de la lumière au second étage. France sourit brièvement.

« Rentre à la maison ! Ordonna-t-elle à son frère.

- Mais qu’est ce que tu vas faire ? S’inquiéta Adam.

- C’est le docteur Launay qui a tué Allan ! Marmonna-t-elle, l’air féroce. Rentre à la maison !

- Non ! Je veux rester avec toi !

- Rentre ! » Siffla-t-elle entre ses dents en lui jetant un coup d’œil menaçant.

Adam recula d’un pas.

« France…

- Va-t-en ! »

Adam l’implora, au bord des larmes. France parut se radoucir un peu, touchée par sa détresse :

« Pour Alissa. Je n’ai pas confiance en Alexandre et en Andréa. Va, Adam…

- Mais toi ?

- Je serai vite de retour. Promit-elle.

- Bien. »

Il hésita une seconde, cherchant à deviner ce qu’elle avait dans la tête, mais France était plus fermée qu’une tombe. Alors il n’insista pas et s’éloigna dans la nuit, la tête basse.

France longea le mur d’enceinte et se retrouva rapidement devant une grille immense qui étirait ses pointes vers les étoiles. Mais rien ne l’arrêtait quand elle avait pris une décision. Elle trouva des appuis dans le mur et grimpa lestement tout en haut. Là, tous les sens en alerte, elle se tint accroupie un bref instant. N’entendant et ne remarquant rien, elle sauta agilement de l’autre côté.

L’herbe était humide et fraîche sous ses pieds nus. Des arbres probablement très vieux ornaient la cour dans laquelle elle venait de pénétrer. La bâtisse se dressait fièrement entre les branches, silhouette sombre en face d’elle. France courut jusqu’au mur contre lequel elle s’aplatit, le souffle court. Mais c’était le silence. Alors courageuse et volontaire, la fillette s’approcha de la fenêtre ouverte à la fraîcheur de la nuit.

Y avait-il des chiens ? France ne savait pas. Elle n’entendait d’autre que le bruissement des feuilles dans les arbres autour. Mais c’était un risque à courir. Elle ne reculerait pas maintenant.

La pièce était vide. Ses yeux s’habituant à l’obscurité, France distingua les magnifiques tapis sur le sol dallé, les tableaux sur les tapisseries murales, la richesse des meubles et la splendeur des rideaux… oui, des rideaux de chaque côté de la fenêtre.

Elle s’assit contre le mur et fouilla dans la sacoche.

L’air autour d’elle sentait bon le parfum des fleurs et de la bonne cuisine. Elle était bien loin ici des odeurs pestilentielles de la rue. Les étoiles scintillaient de part et d’autre dans l’immensité profonde du ciel…

Mais France, bien qu’à l’ordinaire très attentive à la moindre manifestation naturelle, ne s’intéressait guère à ce qui l’entourait. Elle n’avait qu’une image en tête : le corps sans vie d’Allan. Et qu’un désir dans le cœur : le venger. Le docteur Launay l’avait tué. Et le docteur Launay habitait cette grande et belle maison.

Elle finit par trouver au fond du sac les pierres à feu dont elle ne se séparait jamais. Satisfaite, elle jeta vivement les yeux autour d’elle à la recherche d’une branche morte. Très vite elle en aperçut une, au pied du chêne, et rampa dans l’herbe pour s’en saisir. La branche était si sèche que France aurait pu la briser d’une simple pression des mains. Mais là n’était pas son intention.

France revint s’asseoir sous la fenêtre. Elle vit encore la lumière à l’étage… D’un mouvement vif, elle frappa les deux pierres l’une contre l’autre. Les étincelles qui en jaillirent enflammèrent la branche morte. La fillette se releva, se haussa sur les orteils et jeta sans hésiter la branche en feu sur les rideaux.

Dans la seconde, ils s’enflammèrent à leur tour et la pièce s’éclaira comme en plein jour. France observa un instant, afin de s’assurer que rien n’arrêterait la propagation… puis s’éloigna en courant jusqu’aux arbres dans un desquels elle grimpa agilement, désireuse de ne pas perdre une miette du résultat. S’installant à califourchon sur une haute branche, elle attendit. Ses yeux aussi noirs que la nuit qui l’entourait brillaient intensément…

Bientôt toute la pièce ne fut qu’un immense brasier. Le feu s’attaqua aux poutres du plafond, à la porte. Très rapidement, comme s’il obéissait à la volonté farouche de la fillette à la balafre, il envahit tout le rez-de-chaussée, entreprit de dévorer le grand escalier en bois massif…

France voyait tout, entendait le crépitement féroce des flammes qui léchaient les tapisseries et souriait de triomphe.

« Pour Allan ! » Murmura-t-elle.

Elle parlait pour le vent et les feuilles. Elle parlait pour elle. Pour le souvenir d’un petit garçon de cinq ans qui voulait juste apporter un peu de soulagement à sa sœur malade.

Soudain, des hurlements fusèrent :

« Au feu ! Au feu ! »

La porte d’entrée s’ouvrit avec fracas et tous les domestiques se mirent à courir en tout sens, criant à pleins poumons :

« Au feu ! Au feu ! »

Beaucoup passèrent sous l’arbre où France s’était réfugiée. Elle observait le remue ménage, amusée.

Un homme en redingote et une femme vêtue d’une belle robe blanche sortirent précipitamment de la maison en flamme et reculèrent jusqu’à l’arbre.

« Mon dieu ! Mon dieu ! Comment est-ce possible ? Bredouillait-il en serrant cette dernière dans ses bras. Comment ?

- Ah ! Docteur ! Cria un domestique en gesticulant comme un fou ! Ah ! Docteur ! Nous n’arrivons pas à… C’est affreux ! »

France n’écoutait plus. Son regard, chargé de haine, se posait sur l’homme debout au dessous d’elle. Ainsi, c’était lui… Au même instant, sa femme se mit à hurler comme une folle :

« Charlie ! Où est Charlie ? »

La servante qui se trouvait près d’elle poussa un grand cri et tendit un doigt vers la fenêtre au second étage, celle qui était longtemps restée allumée :

« Dans la chambre ! Je l’ai couché… Mon Dieu ! Mon Dieu ! Il va brûler vif !

- Non ! »

La femme du docteur Launay avança d’un pas vers la maison, tituba et s’effondra lourdement au sol, terrassée par la souffrance.

Juste à ce moment, une minuscule silhouette apparut à la fenêtre du second étage et se mit à taper aux carreaux, l’air épouvanté. France leva la tête et sentit un frisson d’horreur parcourir tout son corps. L’enfant enfermé dans la chambre condamnée ne devait pas avoir plus de cinq ans. Comme Allan. Son sang se glaça dans ses veines. Non ! Ce n’est pas cela qu’elle voulait ! Le garçon n’était pas responsable de la cruauté de son père.

Le docteur Launay hurla et voulut se précipiter vers la maison en proie aux flammes. Mais le domestique lui sauta au cou et le fit rouler à terre :

« Non ! C’est trop tard ! »

France frémit de révolte. Elle glissa de son arbre et bondit sur le sol. Son apparition inopinée fit pousser un cri strident à la servante. France courut vers le porche…

« Que fait cette môme ? S’exclamèrent plusieurs voix à l’unisson. Arrêtez-la, bon dieu ! »

Un homme se dressa devant la fillette. Sans hésiter une seconde, France plongea entre ses jambes et, avant qu’il n’ait pu se retourner, se remettait sur ses pieds, montait quatre à quatre les marches du perron et disparaissait dans la maison.


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