Citations de Thérèse de Lisieux sur les prêtres.
Première étape : " Une expérience"
Lors de son voyage à Rome en 1887, Thérèse raconte :
« La seconde expérience que j'ai faite regarde les prêtres. N'ayant jamais vécu dans leur intimité, je ne pouvais comprendre le but principal de la réforme du Carmel. prier pour les pécheurs me ravissait, mais prier pour les âmes des prêtres, que je croyait plus pures que le cristal, me semblait étonnant !… Ah, j'ai compris ma vocation en Italie, ce n'était pas aller chercher trop loin une si utile connaissance…
Pendant un mois j'ai vécu avec beaucoup de saints prêtres, j'ai vu que, si leur sublime dignité les élève au-dessus des anges, ils n'en sont pas moins des hommes faibles et fragiles…Si de saints prêtres que Jésus appelle dans son Evangile : "Le sel de la terre" montrent dans leur conduite qu'ils ont un extrême besoin de prières, que faut-il dire de ceux qui sont tièdes ? Jésus n'a-t-il pas dit encore : " si le sel vient à s'affadir, avec quoi l'assaisonnera-t-on ?"
O ma mère ! Qu'elle est belle la vocation ayant pour but de conserver le sel destiné aux âmes ! Cette vocation est celle du Carmel, puisque l'unique fin de nos prières et de nos sacrifices est d'être l'apôtre des apôtres, priant pour eux pendant qu'ils évangélisent les âmes par leurs paroles et surtout par leurs exemples…Il faut que je m'arrête, si je continuais de parler sur ce sujet je ne finirais pas !… ». (Ms A, 56 r°)
Deuxième étape : " la soeur d'un futur missionnaire"
En 1895 elle est choisie par la prieure Mère Agnès pour être « la sœur de ce futur missionnaire » (Ms C, 31v°), Maurice Bellière alors séminariste, qui avait fait la demande du soutien da la prière dans la lettre du 5 octobre 1895 adressée à la prieure du Carmel. Thérèse raconte cette étape de sa vie :
« J'étais au lavage, bien occupée de mon travail, lorsque mère Agnès de Jésus, me prenant à l'écart, me lut une lettre qu'elle venait de recevoir. C'était un jeune séminariste, inspiré, disait-il par Ste Thérèse, qui venait demander une sœur qui se dévouât spécialement au salut de son âme et l'aidât de ses prières et sacrifices lorsqu'il serait missionnaire afin qu'il puisse sauver beaucoup d'âmes. Il promettait d'avoir toujours un souvenir pour celle qui deviendrait sa sœur, lorsqu'il pourrait offrir le Saint Sacrifice. Mère Agnès de Jésus me dit qu'elle voulait que ce soit moi qui devînt la sœur de ce futur missionnaire » (Ms C, 31v°).
Cette idée de proposer Thérèse comme sœur d'un futur missionnaire suscite en elle une grande joie : « mon désir comblé d'une façon inespérée fit naître dans mon cœur une joie que j'appellerai enfantine … Je sentais que de ce côté mon âme était neuve, c'était comme si l'on avait touché pour la première fois des cordes musicales restées jusque-là dans l'oubli » (Ms C, 32r°).
Le désir des parents de Thérèse : un fils missionnaire
A Adolphe Roulland, l'autre de ses deux " Frère Prêtre" adopté grâce à sa supérieure et à qui elle écrit de nombreuses lettres, Thérèse explique :
« Si, comme je le crois, mon père et ma mère sont au ciel, ils doivent regarder et bénir le frère que Jésus m'a donné. Ils avaient tant désiré un fils missionnaire !… On m'a raconté qu'avant ma naissance mes parents espéraient que leur voeu allait enfin se réaliser. S'ils avaient pu pénétrer le voile de l'avenir, ils auraient vu que c'était en effet par moi que leur désir serait accompli ; puisqu'un missionnaire est devenu mon frère, il est aussi leur fils, et dans leur prière ils ne peuvent séparer le frère de son indigne soeur ». (LT 226, 9 mai 1897)
Le désir de Thérèse
Dans le manuscrit C ( ms c, 31 v°), Thérèse se fait l'écho plus personnel encore de ce désir :
" Depuis bien longtemps j'avais un désir qui me paraissait tout à fait irréalisable, celui d'avoir un frère prêtre, je pensais souvent que si mes petits frères ne s'étaient pas envolés au Ciel, j'aurais eu le bonheur de les voir monter à l'autel ; mais puisque le bon Dieu les a choisis pour en faire des petits anges je ne pouvais plus espérer de voir mon rêve se réaliser ; et voilà que non seulement Jésus m'a fait la grâce que je désirais, mais Il m'a unie par les liens de l'âme à deux de ses apôtres, qui sont devenus mes frères…je veux ma Mère bien-aimée, vous raconter en détails comment Jésus combla mon désir et même le dépassa, puisque je ne désirais qu'un frère prêtre qui chaque jour pense à moi au saint autel."
Un peu plus loin, ( Ms C 33r°), Thérèse montre que son désir alla bien plus loin à partir de cette grâce :
" Il est temps que je reprenne l'histoire de mes frères qui tiennent maintenant une si grande place dans ma vie. L'année dernière, à la fin du mois de mai, je me souviens qu'un jour vous m'avez fait appeller avant le refectoire. Le coeur me battait bien fort lorsque j'entrai chez vous, ma Mère chérie ; je me demandais ce que vous pouviez avoir à me dire, car c'était la première fois que vous faisiez demander ainsi. Après m'avoir dit de m'asseoir, voici la proposition que vous m'avez faite : _ Voulez-vous vous charger des intérêts spirituels d'un missionnaire qui doit être ordonné prêtre et partir prochainement", et puis, ma Mère, vous m'avez lu la lettre de ce jeune Père, afin que je sache au juste ce qu'il demandait. Mon premier sentiment fut un sentiment de joie qui fit aussitôt place à la crainte. Je vous expliquai, ma Mère Bien-Aimée, qu'ayant déjà offert mes pauvres mérites pour un futur apôtre, je croyais ne pouvoir le faire encore aux intentions d'un autre et que d'ailleurs, il y avait beaucoup de soeurs meilleures que moi qui pourraient répondre à son désir. Toutes mes objections furent inutiles, vous m'avez répondu qu'on pouvait avoir plusieurs frères. Alors je vous ai demandé si l'obéissance ne pourrait pas doubler mes mérites. Vous m'avez répondu que oui, en me disant plusieurs choses qui me faisaient voir qu'il me fallait accepter sans scrupule un nouveau frère. Dans e fond, ma Mère, je pensais comme vous, et même, puisque" le zèle d'une carmélite doit embraser le monde, "j'espère avec la grâce du Bon Dieu être utile à plus de deux misionnaires et je ne pourrais oublier de prier pour tous, sans laisser de côté les simples prêtres dont la mission parfois est aussi difficile à remplir que celle des apôtres prêchant les infidèles. Enfin, je veux être fille de l'Eglise comme l'était notre Mère Ste Thérèse et prier dans les intentions de notre st Père le Pape, sachant que ses intentions embrassent l'univers. Voilà le but général de ma vie, mais cela ne m'aurait pas empêchée de prier et de m'unir spécialement aux oeuvres de mes petits anges chéris s'ils avaient été prêtres. Eh bien, voilà comment je me suis unie spirituellement aux apôtres que Jésus m'a donnés pour frères : tout ce qui m'appartient, appartient à chacun d'eux, je sens bien que le bon Dieu est trop bon pour faire des partages, Il est si riche qu'Il donne sans mesure tout ce que je lui demande…"
à suivre : Thérèse de Lisieux et les prêtres(2), "Travaillons ensemble au salut des âmes."