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Tiffany et les diamants éthiques

Publié le 01 novembre 2009 par Michelgutsatz

Le Wall Street Journal du 26 octobre titrait: "Diamond Industry Makeover Sends Fifth Avenue to Africa". Cet article ne parle que de Tiffany: la marque de luxe américaine a installé une usine au Botswana, via sa filiale Laurelton Diamonds, chargée de la taille et du polissage des diamants. Ceci est la conséquence d'un choix stratégique qui a consisté à mettre en place une intégration verticale afin de garantir l'approvisionnement en diamants de la marque, à une époque où les producteurs comme De Beers se lançaient dans le retail en créant leur propre marque. Un premier investissement dans les mines s'étant révélé hasardeux, Tiffany a décidé d'investir dans des unités de production de diamants taillés et polis, situées au Canada, en Belgique, en Afrique du Sud, au Vietnam et en Chine.

Le cas de l'usine du Botswana est intéressant. Ce pays a deux atouts: c'est un des plus gros producteurs de diamants au monde ET un des pays les moins corrompus d'Afrique. Tiffany y a trouvé un avantage substantiel: ne pas avoir à se fournir en "blood diamonds" en provenance de pays comme l'Angola, la Côte d'Ivoire ou le Congo. En effet les Nations Unies (depuis 1997), puis l'opinion mondiale relayée par les medias ont remis en cause ces sources d'approvisionnement. Or en 2006 le Botswana a autorisé de nouvelles sociétés à acquérir des diamants bruts... à condition qu'ils construisent des usines de taille et polissage ET forment des travailleurs locaux à ces techniques.

L'usine liée à Tiffany a ouvert en 2007 et des artisans indiens et mauriciens sont venus former les salariés du Botswana. Or l'article nous apprend que les ouvriers se sont mis en grève, contestant les conditions de travail: ils qualifient l'usine de "prisonlike", disent être menacés par des cadres et ne pas avoir accès aux salaires variables comme les autres salariés.

Tiffany se retrouve devant un véritable dilemme éthique: pour ne pas avoir à se fournir en "blood diamonds" la marque doit transférer du savoir-faire à des salariés africains. Or si les conditions de travail qui sont dénoncées sont exactes, la marque n'a fait que remplacer un mal par un autre. Quand le journal pose la question de l'origine de ses diamants au CEO de Tiffany, Michael Kowalski, celui-çi répond: "We really want the focus...to be on the quality of the diamond ring, not how it came to be". Voila un CEO qui n'a pas compris le changement de paradigme que nous vivons: ses clients aujourd'hui veulent à la fois la qualité du diamant ET savoir d'où il provient. Gageons qu'ils vont aussi s'intéresser aux conditions de travail des ouvriers de l'usine du Botswana. J'incite vivement Michael Kowalski à lire les 15 questions que Walmart pose à ses fournisseurs dans son "Sustainability_Product_Index". Le 4ème chapitre s'intitule "People & Community: Ensuring Responsible and Ethical Production" et la question 4 de ce chapitre est: "Do you work with your supply base to resolve issues found during social compliance evaluations and also document specific corrections and improvements?" Si Walmart, société emblématique américaine, se pose la question de la responsabilité et de l'éthique chez ses fournisseurs, comment Tiffany, autre société emblématique américaine, compte t-elle y échapper?


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