Ploucville. Trou paumé dans le Limousin. Là où il pleut 362 jours par an, le reste du temps il grêle. Là où chaque année pour les vacances, mes parents me séquestrent dans la maison familiale
héritée de bisaïeuls qui n’avaient vraiment pas de pot d’habiter là.
Ploucville, sa mairie, son bistrot et son cimetière. Deux ou trois vieux qui ruminent à leurs fenêtres en s'espionnant mutuellement, quelques vaches dans les prés qui regardent les tracteurs
passer. Bref beaucoup de ruminants. Et puis il y a la piscine dans notre jardin qui nous hisse au rang de superstars du patelin, de nababs du village.
J’aime pas ce bled pourri mais pourtant j’y passe toutes mes vacances. Je donnerais n’importe quoi pour aller ailleurs. Je ne rêve même pas du Maroc ou de l'Australie, non, je me contenterais juste
de l’Aveyron. Voire même de l’Ariège.
Aujourd’hui, c’est le grand chambardement. Les Poinsard débarquent. Maman a préparé les chambres, Papa a nettoyé la piscine des mulots qui viennent crever dedans. L’humeur est à la fête. Tout doit
être parfait ! C’est Maman qui le dit. Suivi de près d’un habituel : Lucie, range ta chambre !
Les Poinsard et mes parents se sont rencontrés à la fac. Maman était avec Gérard et Papa avec Yola. Mais à force de se coller les uns aux autres, ils se sont mélangés. Maman flirtait avec Yola qui
elle-même était amoureuse de Gérard qui était attiré par Maman qui couchait avec Papa. Enfin, je dis ça, mais j’en sais rien, c’est ce que j’imagine. Finalement les couples se sont fixés pour de
bon, les mères ont accouché et se sont prises à rêver un avenir commun pour leur descendance. Gérard et Yola ont un fils, Jeremy, qui est censé m’épouser dans quelques années, c’est ce qu’ont
planifié nos parents réciproques un soir d’été, il y a 15 ans, alors qu’ils étaient tous réunis autour d’une bière. Un parfait exemple des dangers de l’alcool sur le cerveau…
Gérard Poinsard a la cinquantaine bedonnante. Il a l’air sympa, de loin. Mais vraiment de très loin. Avec son large sourire et son allure débonnaire on pourrait s’imaginer que c’est le père Noël
déguisé en civil, mais cette impression sympathique s’écroule aussitôt qu’il ouvre la bouche.
- Alors, Lucie, quoi de neuf depuis l’année dernière ? Me demande le Poinsard en portant sa valise à l’intérieur. Mais dis-donc, tu deviens une vraie femme ! Tu es jolie comme un cœur.
Se méfier de Gérard. C'est un gros pervers comme on en voit dans les journaux télévisés.
- Jeremy n’ose pas sortir de la voiture, il est stressé de te revoir… J'espère que tu seras gentille avec lui !
Et voilà que ça recommence. Toujours à me mettre son fils dans les pattes. Un vrai proxénète, ce type ! Les vacances c’est déjà l’horreur, mais avec les Poinsard en prime, je frise le suicide au
détergent industriel.