Je suis quelqu'un de très casanier. Je n'aime pas modifier ma petite routine Par exemple, même après que je n'en sente plus le goût, je continue de manger des Prince de Lu à mon goûter. Parce que je ne conçois plus de faire autrement. Mais tout change. Même la haine du changement. (une haine tenace et profonde comme l'océan mangeur d'hommes).
Et donc, il y a peu, j'ai pris une putain de grande décision. Parce que pendant 25 ans, j'ai j'ai été une larve. Un faible. Pendant 25 ans, j'ai passé mon temps à esquiver les gens dans la rue, ces gens qui marchent vers vous sans vous voir, sans vous prêter la moindre attention, et qui vous rentrent dedans si vous ne faites pas l'effort de leur laisser le passage. Pendant 25 ans, j'ai peaufiné une série de techniques d'évitement des gros boeufs par effacement des épaules, déhanchement de côté en levant les bras et faisant olé, bref, pendant 25 ans, je me suis laissé faire, j'ai laissé la main aux emmerdeurs du trottoir. Je leur ai laissé leur territoire.
Ca a assez duré. Je n'éviterai plus les gens dans la rue. Qu'ils y viennent sans regarder devant eux, je rentrerai le cou, carrerai les épaules et BLAM ! s'il le faut. Il le faut. Les gens sont cons. Ils s'en foutent de me bousculer ? Tant pis pour eux, ce sera réciproque.
Ca ne sera pas facile. Il faudra oublier toute une éducation, anéantir une vie de réflexes conditionnés. Mais bordel de merde, ça commence à bien faire. Je ne suis pourtant pas quelqu'un de violent ni même de particulièrement misanthrope. Mais dans les rues de Paris, c'est plus possible. Je radote.
Pas grave.
C'est rendu encore moins facile par le fait que je suis quand même un gros lâche. C'est pourquoi je m'entraîne depuis un moment dans le métro. Le gros avantage du métro, c'est que les gens ne vont pas aller te chercher, ils doivent prendre leur métro. D'autant plus si tu arrives à être crédible en type qui fait pas attention à ce qu'il fait parce qu'il a des écouteurs dans les oreilles. Aucune représaille à craindre, au pire un regard noir.
Ca fait donc déjà un moment que j'hésite plus à balancer des coups d'épaules dans les gens qui m'empêchent de descendre du métro. Surtout dans les filles, qui sont moins du genre à se sentir atteintes dans leur virilité quand on leur fait faire trois tours sur elles-mêmes et trébucher entre la rame et le quai (haha).
Et maintenant, hop, je passe à la grandeur nature. La rue. La grande. Celle avec les vrais boeufs qui peuvent rétaliationner. M'en fous. Je prends le risque.
J'ai déjà commencé, en fait. Ou essayé. Mais comme je l'ai dit, je suis complètement conditionné. J'esquive sans y penser.
Et quand j'y pense et que je n'esquive pas, je fais quelque chose de mal. Je me rends compte après coup que ce sont des touristes. Je bouscule des pauvres étrangers qui sont déjà bien assez punis de ne pas être parisiens comme tout le monde le souhaiterait.
Mais bon. Il faut savoir faire des sacrifices pour rentrer dans la catégorie des gros boeufs. J'y arriverai. Je saurai avoir la persistance requise. Après tout, j'ai bien réussi à rester dans la catégorie des larves pendant des années, c'est une marque de force d'esprit, quelque part, non ? C'est plus difficile que de s'énerver et de résister, non ?
Non, sans doute.
Mais même.
Gros boeufs, préparez-vous, je vous rejoins !