Réponse à Carole

Publié le 04 novembre 2009 par Alainlecomte

Selon les usages habituels sur la blogosphère, j’ai été « élu » par un autre blog, autrement dit « taggé ». Il fallait bien que ça arrive un jour. C’est fait. A dire vrai, cela m’était déjà arrivé une fois mais je ne m’étais pas soumis au rite. Cette fois, comme c’est Carole qui m’a « élu » et que Carole est une de mes fidèles lectrices et commentatrices, je ne saurais me dérober. D’abord, merci Carole, vous qui faites un blog tout en nuances, en poésie, en réflexion, en sensibilité. Blog très féminin, voire féministe ? je n’ai rien contre. C’est vous qui, récemment, avez mis en ligne une très belle interview de Pierre Bourdieu, à propos de son livre « La domination masculine ». C’était dur, en l’écoutant de se dire qu’il n’était plus là pour nous dire ses vérités bien senties, qui allaient toujours contre l’idéologie dominante. Oh oui, la situation des femmes encore aujourd’hui est soumise à une domination sournoise de la part du pouvoir masculin. On sait combien par exemple les filières universitaires jugées les plus prestigieuses, les plus « sérieuses » (parce qu’ouvrant aux professions les mieux rétribuées) ont une proportion d’hommes plus élevée que celle des femmes, alors que, pourtant, on sait que les résultats des jeunes filles sont souvent supérieurs à ceux des jeunes hommes. Dans son interview, Bourdieu insistait sur l’effet boomerang de cette domination masculine qui, finalement, s’exerce aussi contre les hommes eux-mêmes, et il reprenait pour cela la phrase de Marx, selon laquelle le dominant finit par être lui-même dominé, par sa propre domination.

Le blog de Carole offre des surprises : elle y travaille beaucoup, insérant des séquences vidéo et audio et parmi ces dernières des enregistrements de sa voix pour dire des poèmes. C’est surprenant tellement on associe, en général, la voix à une présence et tellement on s’attend peu à trouver des signes de présence quand on « surfe » sur les blogs.

Le fait d’avoir été « élu » m’oblige à quelques devoirs si j’ai bien compris… à montrer ma « bobine », (pour celle-ci, je renvoie à une caricature récente , faire par une étudiante, l’an derniern, en cours) à dire des choses de moi que je n’ai pas dites jusqu’ici et à élire à mon tour sept blogs, qui devront se soumettre à ces mêmes règles. Alors là… peut-être vais-je décevoir car ma règle est plutôt en général de ne pas trop en dire… de ne pas atteindre le fond de l’intime en tout cas. On a beau avoir l’illusion qu’en bloguant, on s’adresse à un petit groupe d’amis, ce qui devrait nous conduire à l’épanchement, on sait bien qu’en fait, ce n’est pas vrai : pas plus traître qu’Internet. Qui vous dit que demain je ne vais pas me trouver gêné de découvrir que tel ou tel de mes voisins connaît tout de moi… Et puis il y a un argument plus fort encore : parler plus librement de soi-même, c’est forcément parler aussi de ceux et celles qui nous sont le plus proches et ils ne le désirent pas forcément… D’où une retenue nécessaire.

Je ne dirai pas grand chose de plus, donc, que ce que je me laisse aller à dire au long de ces billets rédigés depuis plus de trois ans, pour le seul plaisir d’écrire de temps en temps une page ou deux et de recevoir parfois en retour quelques réactions. Je ne chercherai pourtant pas à me dissimuler. Je l’avoue, je suis ce qu’on appelle généralement un « intello ». Je ne vois dans ce terme rien de péjoratif ni rien de valorisant : c’est simplement de l’ordre du constat : il se trouve que je gagne ma vie en faisant un métier intellectuel et que, par dessus le marché, j’aime passer des heures à me livrer à des activités intellectuelles (lire, penser…). J’ai le goût de la vérité. Voilà qui peut sembler prétentieux et pourtant cela incite à la modestie, tant ce goût nous fait constater qu’à chaque moment de notre vie nous sommes bien loin d’elle. La vérité va avec l’amour aussi, bien entendu. Pas d’amour sans recherche de la vérité, celle qui peut se nicher entre deux êtres. (Je viens de lire à ce sujet un bien beau livre, celui de J.M. Parisis, dont je parlerai bientôt sur ce blog, « Les aimants »).

Voilà. J’en ai plus dit que jamais.

Maintenant passons aux blogs élus.

Ma palme, je la décerne à Dunia, du blog « Dunia et les rats  », sur la plateforme du « Monde ». Dunia… c’est le contraire de ce que j’énonçais plus haut ! autrement dit, c’est de l’intime au jour le jour, mais elle, c’est autre chose que mon modeste blog : on voit qu’elle écrit par nécessité vitale. Elle vous fait de la cuisson d’une confiture de framboises un chef d’œuvre de poésie et de sa rencontre avec son plombier un sketch du plus haut comique. Autre raison de mon attachement à ce blog : elle nous parle (avec de très jolies photos) de sa ville, une ville qui m’est chère car c’est là que j’ai rencontré C. et qu’elle et moi, nous avons vécu de très belles saisons. Une ville de Suisse unique, qui ne ressemble à aucune autre ville de Suisse et… à aucune autre ville tout court : La Chaux de Fonds. Dunia parle aussi des rats qu’elle élève (là, je ne m’aventure pas trop), et ma description ne serait pas complète si je ne mentionnais le fait qu’elle a déjà publié un roman, qui a obtenu un certain succès en Suisse au début des années 2000 : « Swiss Trash », roman plutôt dur et autobiographique sur les effets de la drogue et sur les amours désespérées.

Ensuite, je sélectionne « des petits riens  », simplement pour l’amitié. J’ai rencontré son auteur jmph par le biais du blog. Nous nous sommes donné rendez-vous un jour et depuis nous avons du plaisir à nous retrouver de temps en temps autour d’un bon repas (parfois c’est lui le cuisinier, il est très bon dans les paupiettes). Son blog se distingue par des séries de photos habiles à nous faire éprouver tout le climat d’un lieu, qu’il s’agisse de son coin de Bretagne ou de son coin de Paris, ainsi que par ses critiques de films ou de livres, qui relèvent de beaucoup de perspicacité et de sensibilité.

En troize, et habitant dans la même avenue parisienne ( !), bien sûr le Chasse Clou , mais qui est lui, un blog ultra consacré, avec une foule de lecteurs et bientôt presque autant de commentateurs que sur le blog de Pierre Assouline… Bref, séquences photos exploratoires du Xème arrondissement parisien commentées de textes acerbes à l’égard de nos « bien aimés dirigeants ».

Puis, « du bleu dans mes nuages  » là encore pour sa poésie et ses photos, beaux textes de quelqu’un qui me paraît bourlinguer entre France et Portugal, et « Lali  » qui balance chaque semaine des reproductions de tableaux énigmatiques qui sortent d’on ne sait où.

Là, je marque une pose : nombreux sont les blogs que j’aimais et ont disparu ou quasiment disparu. Quand résoudrons-nous à nouveau les énigmes littéraires de Chantal Serrière ? Que sont devenus les mots en choeur de « cœur de mots  » ? dans quel trou noir sont tombés les « Jalons du temps  » ?

Et puis je reprendrai ma liste en citant des blogs de voyageurs, qui souvent eux aussi sont éphémères et parfois disparaissent (comme « L’Inde en ébullition » qui était si passionnant, écrit par une jeune journaliste explorant l’Inde). Je ne sais pas vraiment quel est le destin actuel de « Chez Dul  », qui autrefois avait démarré avec des « chroniques de Buenos-Aires » puis qui avait migré « à son compte » sur une belle plateforme offrant des photos splendides du continent sud-américain. N’oublions pas dans la série : Tokyo , le meilleur blog qu’on puisse imaginer d’un résident français dans un pays étranger, en l’occurrence ici le Japon, histoire et vie d’un interprète free lance qui séjourne là-bas depuis vingt-trois ans et dont les témoignages quotidiens suffiraient souvent à désamorcer la « Japonmania » qu’évoquent les médias contemporains.

Mais j’ai dépassé les sept.

Allez, pour dire qu’on le remercie pour le travail qu’il fait en faisant des revues quasi-quotidiennes de blogs : ajoutons quand même « bloguer ou ne pas bloguer  ».

Et, en prix spécial du jury, hors concours : le blog de misga … qui a l’avantage de nous donner de manière humoristique des nouvelles de celle que nous chérissons tant depuis un peu plus d’un an….