Magazine Journal intime

Vases communiquants

Publié le 06 novembre 2009 par Lephauste

échange Lephauste.jpg« …pourquoi ne pas imaginer, le 1er vendredi de chaque mois, une sorte d’échange généralisé, chacun écrivant chez un autre ? Suis sûr qu’on y découvrirait des nouveaux sites… ». Ainsi sont nés les vases communicants. Aujourd’hui, Humeur noirte et Frédérique Martin s’invitent réciproquement.

On se comprend pas

Moi, ce que je comprends pas, c’est que ceux qui boitent dans leur tête, comme tu dis si joliment, t’aies pas envie de les prendre dans tes bras, mais plutôt de leur taper dessus. Tu crois que ça va l’arranger, leur caboche toute vermoulue, les gnons que t’es capable de dégommer en quelques phrases ?

Ce que je comprends pas, c’est qu’il faut toujours que t’aies le dernier mot. Tu peux pas t’arrêter, tu sais pas la fermer. T’as un sac plein comme une boule de billard, et tu sors des trucs pas possibles de là-dedans, des trucs vieux, des trucs moches, des trucs inventés, rafistolés, volés même. Pas commode, pour trouver un mot sympa, un mot drôle ou gentil dans ce tas de fumier. Et puis c’est lourd à trimballer, je te l’accorde. Mais remarque, personne t’oblige, tu vois. Personne.

Ce que je comprends pas non plus, c’est que tu vois pas le bordel dans tes affaires. Tu dis « me juge pas », et toi t’es un coupeur de tête, t’as pas assez de doigts dans les mains et les pieds pour désigner tous les coupables. Ah là, t’es fort, le premier même, n’est-ce pas ? Tous ces putassiers de bouseux qui te détestent, paraît-il, depuis des lustres, on se demande bien pourquoi. Tous ces tordus, ces ratés, ces foutus dégueulasses qui pourrissent ta vie proprette et bien pensée. Faudrait les zigouiller tous ces affreux ! En plus, il y en a partout, c’est une conspiration.

Toi, ce que tu comprends pas, c’est que j’en sois, de cette espèce dégoûtante qui se trompe des fois, qu’est pas invincible, inamovible et parfaite. Qui rit, qui pleure, qui jouit, qui chante, qui se relève, qui fait avec, qui tient le coup, qui avance, qui y croit et qui t’emmerde. J’ai peut-être qu’un seul talent comme tu dis, je suis peut-être socialement qu’une bouse, peut-être. Mais question cœur, je risque pas de me gaspiller, oh non, t’inquiète pas. J’en ai pour tout le monde, y a même du rabiot. T’en veux pas ? C’est pourtant pas faute de te l’avoir proposé.

Finalement je vais dire que t’as raison : on se comprend pas. C’est la morale de cette longue histoire. C’est ce qui arrive aux gens trop campés sur leurs jarrets et qui font des plans d’épargne avec l’affection. On se comprend pas. Mais quand même, je me demande ce qui me permet de supporter tout ça et ce qui m’a retenue de te claquer ta putain de porte au nez, depuis tout ce temps. Ouais, ça m’interroge, même si je connais la foutue réponse. Ce que j’aurais voulu c’est que tu la trouves aussi. Elle trainerait pas des fois, t’es sûr, dans ton sac à caca ?

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