Joséphine dit non et elle en est toute tremblante. Pas facile de prononcer ce mot de trois lettres, pas facile d’accepter dans le regard de l’autre l’étonnement, puis le questionnement, l’ahurissement, la stupéfaction et enfin l’énervement voire la colère. Elle se sent mal, en fait dès que sa collègue a reçu la réponse négative et qu’elle a tourné les talons sans rien dire, Joséphine veut la rattraper pour lui dire que c’était une blague et que oui, elle accepte de changer ses jours de vacances, que cela n’a pas d’importance pour elle et blablabla.
Si elle ne s’est pas précipitée, c’est que ses jambes sont de plomb, comme collées au sol l’empêchant de se mouvoir. Elle regarde sous son bureau, voit ses deux pieds sagement rangés l’un à côté de l’autre dans leurs écrins de cuir brun et elle ne remarque rien de spécial. Pourtant quand elle essaie de les bouger, rien ne se passe, sa volonté n’a plus de prise sur cette partie de son corps. Elle sent l’angoisse la gagner, serait-elle paralysée ? Ne voulant céder en rien à la panique, elle décide de patienter un peu.
Plongée dans le travail, yeux rivés à l’écran, elle ne voit pas le temps passer et alors qu’elle se redresse pour étirer son corps endolori, elle pose se mains sur son bureau et se lève. Stoppée en plein élan au milieu du couloir, elle réalise que ses pieds n’ont pas fait d’histoires et qu’elle peut se déplacer sans problèmes. Elle comprend encore moins ce qui s’est passé tout à l’heure. Elle croise à nouveau sa collègue qui lui dit qu’elle a pu s’arranger autrement. Elle ne trouve plus de colère dans ses yeux, de l’indifférence plutôt. En fait, Joséphine a été plus perturbée par son propre refus que sa collègue qui a tout simplement cherché ailleurs…alors pourquoi se mettre dans des états pareils ?
-Question d’habitude lui répond Elodie, sa meilleure amie. C’est les premières fois qui sont difficiles et c’est pour tous la même chose.
-Ah ! bon, se dit Joséphine, une première fois et après tout est simple ?
-Oui, c’est comme le patin à roulettes, la bicyclette, le premier soufflé qui retombe dès que tu le sors du four, la première cuite, la première fois que tu embrasses, que tu couches. Dès que tu prends l’habitude, tu maitrises et tu ne te casses pas la tête. Savoir dire non, c’est pareil !
Joséphine a des doutes sur les théories de sa collègue mais cela lui fait du bien d’imaginer tout ce monde qui s’ouvre à elle. Le ski, elle n’aime pas trop, les roulettes non plus car elle n’a aucun équilibre mais le reste est très tentant…suffit de trouver les bonnes personnes.