L’église évangélique haïtienne de Montréal, quelle église? (Partie 1)

Publié le 11 novembre 2009 par 509
L’église évangélique haïtienne de Montréal, quelle église? (Partie 1)
Raymond Lacombe
Publié le 26 juin 2009
La situation des églises haïtiennes de Montréal et de ses environs suscite beaucoup de questions. Mon objectif, en débutant cette série d’articles, est de soulever certaines d’entre elles et d’en débattre. J’invite donc les lecteurs et lectrices du journal ainsi que les pasteurs et autres leaders de la communauté évangélique à s’associer à ce travail car il est impératif que nos églises retrouvent leur vraie identité, qu’elles jouent leur véritable rôle et que ceux qui ont pour mission de conduire le peuple de Dieu soient conscients du caractère sacré du travail qu’ils accomplissent et qu’ils s’attèlent à la tâche avec dévouement, passion, vocation et par-dessus tout, amour.
Je crois, cependant, nécessaire de faire une mise en garde. Plusieurs personnes ne verront sans doute dans mon travail que des critiques à l’endroit des pasteurs. Je veux dire que mon but n’est pas de critiquer pour critiquer. Ma démarche s’inscrira dans un cadre pédagogique qui consiste à regarder la situation telle qu’elle est, sans artifice, à l’analyser pour voir si elle est conforme à l’enseignement biblique et proposer des éléments de réponse. Il se pourrait alors, que certaines personnes ne soient pas d’accord avec mes opinions, auquel cas, elles pourront exprimer les leurs en me proposant des textes que je publierai avec plaisir dans le journal. En ce sens, je renouvelle l’appel à la collaboration lancé à tous les leaders de la communauté évangélique. Le Monde Évangélique est le seul journal qui s’adresse spécifiquement aux membres de cette communauté. Et comme il est publié sur Internet, il offre un champ d’action immense pour l’évangélisation et la formation de ses fidèles internautes. Des gens, aussi loin qu’en Afrique et en Europe, lisent le journal sans compter ceux d’Haïti, des USA et, bien entendu, de Montréal.
La première question que je vais soulever concerne la croissance des églises.
Pourquoi les églises haïtiennes de Montréal ne connaissent-elles pas une véritable croissance?
Je viens d’achever la lecture du livre écrit par le pasteur Jean-René Auguste :" L’église évangélique haïtienne "(Dans un milieu à taux élevé de saturation). Je recommande ce livre à tous les leaders de la communauté. C’est un excellent travail de recherche qui aborde certaines problématiques spécifiques à l’implantation, la stratégie de développement et au caractère particulier de l’église évangélique haïtienne. J’aurai l’occasion de toucher certains aspects soulevés dans ce livre, car malgré mon appréciation pour le travail accompli par notre frère, il y a des points traités dans l’ouvrage avec lesquels je suis en désaccord.
Constats
On dénombre à Montréal et dans ses environs plus de 150 églises évangéliques haïtiennes1. La plupart ont moins de 50 membres, un certain nombre, ont entre 50 et 100; quelques-unes ont entre 100 et 250; les autres (on peut les compter sur les doigts de la main) ont plus de 250 membres. La très grande majorité de ces églises existent depuis plus de 10 ans.
Le premier constat est que dans la plupart de ces églises, il n’y a aucune croissance significative de membres et on enregistre même dans certains cas une diminution. Comment expliquer ce phénomène alors que ces églises baignent dans un vaste champ d’âmes à gagner pour Christ comme l’indique le tableau suivant
Tableau (selon le recensement de 2006)
Villes

Population

Francophones

Allophones
Montréal 1 637 563 858 083 530 570
Laval 376 845 282 633 67 832
Longueuil 234 352 188 692 17 990
Total 2 248 760 1 329 408 616 392
Le deuxième constat est le nombre effarant d’églises (150). Une quantité qui n’est malheureusement pas synonyme de qualité.
Le troisième constat est la composition de ces églises. Majoritairement composées d’Haïtiens, ces églises sont enfermées dans une dynamique culturelle qui, à mon humble avis, dénature leur raison d’être et entrave leur croissance. Ce qui m’amène à aborder la spécificité des églises.
1. Spécificité des églises.
Quelles sont les caractéristiques de nos églises? Sont-elles des églises évangéliques ou sont-elles des églises évangéliques haïtiennes?
Dans son livre, Jean-René Auguste a écrit :
« Évangélique, l’église que nous étudions est aussi haïtienne. En d’autres termes, cette église a émergé à partir d’une culture. Il est hors de doute que le lieu d’émergence d’une église a des incidences sur son savoir-être, son savoir-dire et son savoir-faire » (page 20)
« On naît Haïtien et on meurt Haïtien, même si on change de milieu culturel. La culture dont on est membre nous façonne pour la vie. Elle informe notre manière de faire l’église. » (page 45)
Dans sa définition la plus simple, une église est une assemblée d’hommes et de femmes qui ont accepté Jésus-Christ comme Sauveur et Seigneur. Sa raison d'être est d'accomplir la volonté de celui qui en est le chef, Jésus-Christ. Or, cette volonté, quelle est-elle ?
Elle est clairement exprimée dans le Nouveau Testament :
« Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité. » (1Timothée 2:4)
« …Il ne veut pas qu'aucun périsse mais que Tous arrivent à la repentance (2 Pierre.3:9)
Alors, selon quelle logique nos églises sont-elles haïtiennes? Car, soyons conséquents. Si notre culture informe notre manière de faire l’église, nous excluons de nos assemblées, par le fait même, tous ceux qui ne sont pas de la même culture que nous. Nos églises sont haïtiennes dans leur fonctionnement administratif, dans l’interprétation et l’application de certains dogmes religieux, dans la conduite du culte d’adoration et d’autres cérémonies. Bref, elles sont repliées sur elles-mêmes. Je vais plus loin en disant, au risque de choquer certains leaders, qu’elles sont discriminatoires. Samuel Escobar a écrit ceci :
« L’EGLISE existe en vue de la mission, et… une Eglise repliée sur elle-même n’est pas vraiment l’Eglise2 ».
Annexer le discriminant haïtien à nos églises afin de leur donner un cachet culturel est inapproprié. C’est même contraire à ce que l’apôtre Paul a écrit :
« Si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle créature… » (2 Cor. 5 : 17)
« Nous sommes citoyens des cieux, d'où nous attendons aussi le Sauveur, le Seigneur Jésus-Christ...» ( Phil. 3 : 20)
En acceptant Jésus-Christ comme Sauveur et Seigneur, chaque Haïtien a adopté une nouvelle culture en devenant citoyen des cieux. Chaque croyant haïtien a adhéré à de nouvelles valeurs qui transcendent les valeurs culturelles et humaines. Ces dernières ne disparaissent pas bien entendu, mais elles sont renforcées par d’autres qui tendent à le (croyant) rendre meilleur.
Nos églises doivent sortir du carcan de la culture locale afin d’épouser celle dont notre Seigneur Jésus-Christ a fait la promotion et qu’il nous a léguée. Il ne serait pas illusoire de dire que nous sommes nés Haïtiens mais que nous ne mourrons pas Haïtiens car dès lors que nous avons répondu à l’appel du Maître, nous avons changé de culture. Et cette fois, c’est vrai, cette culture nous informe la manière de faire l’église. Une église qui voit les malades, les nécessiteux, les éclopés, les déshérités, les perdus comme Jésus les avait vus sans distinction de couleur, de race, de condition sociale. Car comme Jésus lui-même a dit :
« Je ne suis pas venu pour les biens portants mais pour les malades » (Matthieu 9 : 13)
En se libérant du carcan culturel, nos églises pourront aspirer à une croissance réelle. Car contrairement à ce que pense notre frère Jean-René Auguste qui a écrit :
« On ne peut pas détacher les églises de l’immigration. Elle est la matrice qui les a portées et nourries. Après plus de trente-cinq ans, elle continue à être la mamelle nourricière. » (page 63)
Je crois que nos églises doivent redéfinir leur vision en commençant par se sevrer du sein maternel (l’immigration) et se tourner vers la conquête des âmes (de toutes origines) qui ont tant besoin d’être sauvées. C’est un constat d’échec que de reconnaître qu’après trente-cinq ans, nos églises continuent à compter sur l’immigration pour leur croissance. C’est implicitement admettre que tous les docteurs (qui sont si fiers de leur titre), pasteurs et évangélistes qui sont dans le ministère depuis toutes ces années n’ont rien accompli de significatif dans le domaine de l’évangélisation.
Cependant, notre frère a raison de dire :
« L’église locale doit fonctionner pour exister. Mais c’est pour croître qu’elle existe » (page 7)
Dans le prochain article, je parlerai du fonctionnement de nos églises.
1. Jean-René Auguste, L’église évangélique haïtienne, (page 74)
2. Samuel Escobar, The new global Mission
Raymond Lacombe
http://www.lemondeevangelique.com/dossiers.316.htm
Publié le 26 juin 2009
Yon gwo AYIBOBO pou ou men m zanmi m ki vizite lakou sa pou pwan nouvèl zanmi lakay ak lòt bò dlo.